Affaire de l’enregistrement Soro-Bassolé : voici pourquoi les écoutes ne sont pas authentiques selon l’expert.

L’enquête du journaliste, conclu que les écoutes sont « authentiques » dans le sens de « réelles ». S’il y a une certitude que les écoutes ont été réalisées au Burkina, par les services Burkinabè, l’« intégrité » du document publié et qui constitue la pièce à charge dans le dossier de justice, lui reste sujet à caution. L’enquête du journaliste ne pouvait pas du reste répondre à cette question. Mais des passages de l’enquête permettent de s’interroger et de rejoindre les réserves formulées par l’expert Norbert Pheulpin.
Dans un premier temps ; un des officiers qui a dirigé l’offensive qui s’est confié à Benjamin Roger dit ceci : « chaque jour un camarade me remettait une clé USB avec des écoutes intéressantes pour le déroulement de nos opérations ». Ce qui laisserait croire que ceux qui ont reçu et utilisé les écoutes ne savent pas exactement dans quelles conditions elles ont été obtenues et si elles avaient subi un montage préalable. On leur remettait les « écoutes intéressantes pour le déroulement de leur opération ». Alors question ; les mêmes auraient-ils remis les écoutes actuelles au juge militaire en les « rendant intéressantes pour l’inculpation » d’un ou des adversaires politiques ?
 Dans un second temps ; l’autre aspect intéressant contenu toujours dans l’enquête de Benjamin Roger, l’existence de deux « centres d’exploitation de ces écoutes ». Il y a le premier centre où opérait « le commandement loyaliste » constitué de l’Etat-major général de l’armée rejoint à l’occasion par les jeunes officiers frondeurs. Ce centre était basé au Camp Lamizana. Puis un deuxième centre « la cellule de coordination créée par Auguste Denise Barry et Isaac Zida, une fois celui-ci libéré par les éléments du RSP ». Quand on considère que c’est le service de Naon Daba qui a procédé aux interceptions téléphoniques.
Que Naon Daba est un fidèle parmi les fidèles de Auguste Denise Barry, au point même de mentir à son successeur Sidi Paré sur l’existence de la table d’écoute, il parait plus vraisemblable de considérer que les fameuses clés USB transitait d’abord par la cellule « Zida-Barry » et prenait par la suite les destinations souhaitées. La probité douteuse du colonel Auguste Barry, est dans l’armée, un secret de polichinelle. Par le passé, il a montré qu’il pouvait si cela faisait bien ses affaires, tricher ou cautionner la triche. C’est la conclusion de l’expert Norbert Pheulpin qui a examiné le document de 16 mn. Qu’est-ce qu’il dit en ses conclusions principales. Nous reprenons ci-après la synthèse qu’en avait faite le journaliste Newton Ahmed Barry, dans L’Evénement du 10 mars 2016 :
« Qu’en est-il du contenu de cette expertise.
Primo ; l’expert fait une analyse technique du flux de la conversation et de ses paramètres spectrographiques. Les spécialistes de la question savent qu’une conversation téléphonique n’a pas les mêmes caractéristiques spectrographiques qu’un enregistrement réalisé à l’aide d’un dictaphone.
Secundo, l’environnement acoustique de la conversation pendant les 16 mn varie beaucoup. Il pense donc que l’ensemble de la conversation n’a pas pu se dérouler dans le même espace pendant les 16 mn. Les familiers des productions audiovisuelles savent qu’à la fin de chaque prise, les preneurs de son font « l’enregistrement de l’ambiance » des lieux pour servir au studio au moment des montages. Cela permet d’avoir un fond sonore plus homogène sur les interventions séquencées. Dans le cadre d’une conversation téléphonique supposée être réalisée d’un seul tenant pendant près de 16 mn, le fond sonore varie plus que de raison, selon Norbert Pheulpin.
Tertio ; la variation des spectres des paroles. En examinant la bande il est apparu aux yeux de l’expert qu’il y avait une juxtaposition de plusieurs fréquences de formes non identiques. Il en conclu que à minima, la bande est constituée à partir de deux sources ; une ou plusieurs sources téléphoniques et une autre provenant d’un enregistrement réalisé avec un dictaphone.
Quarto  ; la bande a été montée. L’expert avance trois explications techniques à cela. La première la façon dont le signal de la parole se rompt. En général quand on parle, un arrêt de la parole est suivi soit d’une respiration ou d’un tic. Dans le cadre d’un son monté cet aspect disparait. Il n’y a plus donc de réverbération.  Deuxième explication l’analyse de la bande a mis en exergue une interruption artificielle d’une sonnerie d’un téléphone intervenu au moment du déroulement de la conversation. Enfin troisième explication une illustration technique d’un passage visiblement monté par la baisse du spectre de la voix dans l’articulation phonétique : « je suis ren/tré dans la base ». On a du accoler deux bouts pour former le mot souhaité. Cela évidemment se ressent dans l’articulation phonémique.
En considérant ces anomalies, l’expert conclu que :
  1. L’enregistrement n’est pas authentique au sens technique et acoustique du terme. Il est donc scientifiquement très éloigné d’une captation d’écoute téléphonique techniquement recevable.
  2. Pour que la présente écoute serve à la justice, il faut présenter l’enregistrement original, s’il a existé sous forme d’une communication homogène et linéaire. Celui qui est analysé et qui a été largement diffusé sur les réseaux sociaux, transcrit et joint au dossier, n’est pas « intègre ». L’enregistrement diffusé est une copie d’un montage ou d’une manipulation préalablement orchestré ».

 

Voilà donc pour « l’intégrité » des écoutes. Cette enquête de Jeune Afrique résout une énigme. Il en reste la seconde et de loin la plus importante du point de vue judiciaire, « l’intégrité » de l’enregistrement. On peut tout de même se réjouir que l’origine des écoutes est désormais connue. Le juge d’instruction estime que ce sont les éléments de son enquête. S’il y a diffusion de cette pièce par une tierce personne ; soit elle l’a volée soit elle l’a obtenu par le biais d’une partie à l’instruction. Or au moment de sa large diffusion sur les réseaux sociaux, l’enregistrement ne figurait pas dans le dossier d’instruction. Les fuites ne peuvent pas être le fait de la défense. Si c’est pas le fait des juges, alors qu’ils ouvrent une enquête pour « recel de documents de l’instruction ».
Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *