Dans ce communiqué le chef de file de l'opposition Burkinabé se demarque du projet de loi portant sur les libertés religieuses au Burkina Faso, adopté en conseil de ministres et dûment envoyé à l’Assemblée nationale, et qui a été finalement retiré.
"J’ai appris par les mêmes voies que tous les Burkinabè, que le projet de loi portant sur les libertés religieuses au Burkina Faso, adopté en conseil de ministres et dûment envoyé à l’Assemblée nationale, a été finalement retiré. Ce retrait semble faire suite aux réserves publiques de certaines composantes religieuses, dont celles du Conseil des Ulémas qui, réuni le samedi 07 janvier 2017 pour examiner ledit projet, a estimé que «de toute évidence, l’application en l’état du projet de loi va réduire la liberté de conscience et de culte telle que reconnue par notre constitution, avec très probablement des conséquences dommageables sur le vivre ensemble apprécié de tous au Burkina Faso. »
Tout en prenant acte de la décision du Gouvernement de procéder au retrait de ce projet de loi, je m’étonne qu’une loi portant sur une question aussi sensible pour notre vie en commun, dans le contexte que nous vivons, ait pu passer le filtre d’un conseil de ministres riche d’une trentaine de membres disposant chacun de conseillers expérimentés auprès de lui, pour se révéler être finalement une source de grande tension dans notre société. C’est très grave !
En réponse aux différentes interpellations dont je suis l’objet, et à certaines rumeurs malveillantes, je tiens à préciser ici qu’en tant que Chef de file de l’Opposition, je n’ai été à aucun moment associé ni de près ni de loin à cette initiative gouvernementale. J’ajoute que la loi n’oblige pas le Gouvernement à me consulter sur les projets de loi qu’il initie ou les décisions qu’il prend. Le Chef de file de l’Opposition n’est pas le co-gestionnaire du pouvoir d’Etat. Il en est plutôt le premier contestataire. Mais si on le sollicite sur un problème d’intérêt national, il peut, en tant que patriote, apporter son concours et organiser celui de l’Opposition politique. Tel n’a pas été le cas.
Il suffit d’écouter nos compatriotes pour comprendre que ce projet de loi a distillé une grave tension dans notre société. Disons le tout net : la communauté musulmane s’est sentie particulièrement visée. Il faut donc la rassurer. Et il nous faut sortir très vite de cette tension, et dissiper tous les malentendus. C’est la responsabilité du gouvernement et je l’invite à tout mettre en œuvre pour qu’il en soit ainsi.
Un gouvernement doit toujours analyser l’opportunité des actes qu’il pose et des initiatives qu’il prend. Quel problème cette loi cherche-t-elle à résoudre ? Je ne le sais pas. Y’a-t-il un problème de laïcité dans notre pays et, si oui, lequel? Le Burkina Faso est reconnu pour sa tolérance religieuse. Dans chaque famille, nos différentes croyances se côtoient et même s’entrecroisent. Est- il vraiment urgent, dans le Burkina Faso d’aujourd’hui confronté à une furie terroriste qui ouvre dangereusement les portes de la stigmatisation de certaines communautés, d’ouvrir ce genre de débat , ou de le faire sans prendre mille et une précautions ? En particulier, j’estime qu’il faut éviter de donner des arguments de recrutement à nos ennemis terroristes qui profitent toujours des débats sur la laïcité pour faire valoir leurs arguments auprès de certains esprits faibles. Et si nous devons engager ces débats, alors faisons le dans la méthode, la concertation la plus ouverte, le rassemblement et la communion des cœurs, en mettant tout en œuvre, pour qu’aucune communauté n’ait le sentiment que l’exercice est dirigé contre elle.
J’invite le Gouvernement à aller dans ce sens. Mais je l’invite surtout à mettre son ardeur là où les Burkinabè l’attendent actuellement, c'est-à-dire dans la défense de notre sécurité, dans la résolution de nos problèmes d’éducation, de santé, d’emplois pour les jeunes, etc. C’est là où nous attendons qu’il nous apporte des résultats concrets.
Dans ce débat qui n’aurait pas dû avoir lieu, j’invite les uns et les autres à la retenue, au respect mutuel et à l’apaisement. Nous sommes un seul et unique pays, riche de nos différentes cultures et religions. C’est une richesse immense que nous avons le devoir de préserver, pour nous-mêmes et pour les générations futures."
Ouagadougou, le 12 janvier 2017
Zéphirin DIABRE
Chef de file de l’Opposition politique