Traité d’amitié et de Coopération Ivoiro-Burkinabè : le malaise

Le Directeur du Tribunal militaire de Ouagadougou, le Colonel Sita Sangaré vient de rendre publique une nouvelle renversante du bon sens, du sens de l’amitié et de la réserve diplomatique lorsqu’il s’agit d’une autorité du seul pays avec lequel le Burkina Faso a signé un Traité d’amitié et de Coopération.

 

Il s’agit de la perquisition du soi-disant « domicile privé » du Très Honorable Guillaume Soro Kigbafori, deuxième personnalité de l’Etat ivoirien, fils adoptif du Burkina Faso. Une fierté ! Ce zèle désobligeant des Officiers de Police judiciaire pose la question juridique du concept de domicile privé. Le Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire ne possède pas de domicile privé à Ouagadougou.

Cette façon peu diplomatique d’enfreindre aux droits et libertés de nos amis, du plus petit au plus illustre, est terrible en plus d’imposer au Tribunal militaire, la charge de la preuve que la dite villa est le « domicile privé » de ce grand ami du Burkina Faso, le Président Guillaume Soro Kigbafori. Puisque cette preuve n’existe pas, l’Etat burkinabè risque d’être poursuivi et de bien vouloir classer, pour inexistence de preuve, sans suite cette histoire digne d’un cabale. La Cour de justice de la CEDEAO nous a déjà servi le droit. Et auquel cas, les contorsions locutoires en excuses plates seront avancées. Or l’honorabilité des autorités étrangères sur la terre libre du Burkina Faso incombe aux autorités de notre pays lors même qu’elles ne sont pas élues puisque, seulement en place pour l’expédition des affaires courantes. Il ne leur revient pas de déconstruire les liens forts d’amitié et de coopération entre les deux pays, subsumés par le Traité de 2008, préparé et voté par les représentations nationales des deux pays souverains. Va-t-on de façon cavalière vendanger nos bonnes relations pour des logiques non consistantes de soupçon ? Démanteler au marteau nos relations avec la Côte d’Ivoire pour des raisons de liens privés entre des citoyens des deux pays ? Doit-on renier nos fréquentations au motif qu’elles sont dans des difficultés ? Le sous Colonel Zida va-t-il renier sa fraternité avec le Président Guillaume Soro Kigbafori pour de futiles et dérisoires calculs politiques de velléité de prolongation de bail ? La rumeur parle de coup de fil. Si l’on fouille les mêmes relevés électroniques, l’on trouvera peut-être les mêmes preuves contre le même Premier ministre Zida dans ses liens amicaux et fraternels normaux avec le très honorable Guillaume Soro Kigbafori. Et dans tous ce fatras d’incongruités, où est le diplomate des bonnes convenances, Michel Kafando ? Laisse-t-il faire pour donner un avantage plaisantin, fumiste aux amis ivoiriens de l’élu putatif, Monsieur Roch Kaboré ? Je m’interroge. Comment incarner ce faisant, l’intérêt général des Burkinabè ? Le Traité d’Amitié et de Coopération est l’instrument privilégié pour connaître des difficultés, si elles existent, entre les deux parties.

I. Apaiser les tensions inutiles

Il faut apaiser les tensions. Les fréquentations entre les citoyens et les autorités des deux pays sont légion. Si désormais elles sont interdites, que l’on l’inscrive dans le nouveau projet constitutionnel de Monsieur Sy Cheriff. De la sorte, le Premier Ministre Zida, ne pourra pas se prévaloir de cette amitié lorsqu’il sera en campagne électorale en 2020 pour le fauteuil présidentiel. Le candidat Roch Kaboré a des soutiens au sein du parti présidentiel ivoirien. Va-t-il les vidanger pour mieux jouer les replis nombrilistes et irresponsables ? Je ne le pense pas. Les liens humains entre les Ivoiriens et les Burkinabè sont indépassables. Les contrats politiques appelés mandats, sont au service des passerelles à construire pour mieux s’occuper des préoccupations des citoyens des deux pays. La seule réalité de ces intérêts stratégiques suffit pour savoir ce que c’est que le jugement d’opportunité que le bon sens présentifie à la claire conscience des dirigeants et des juges, fussent-ils militaires. La sérénité et la pondération doivent prévaloir au regard des enjeux. Peut-il y avoir une indifférence et non interférence dans le sort de l’un du binôme ?
Les président Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire et Michel Kafando de la Transition burkinabè ont été des exilés soit au Burkian Faso soit en Côte d’Ivoire. La liste est longue pour ruiner l’indifférence et la non inférence entre les enfants de ces deux pays, hier, même pays, aujourd’hui souverains distincts et en quête de consolider l’Amitié et la Coopération au moyen d’un Traité unique et historique. Lorsque le Président de la Transition, Monsieur Michel Kafando était pourchassé par le Président Thomas Sankara, où s’est-il enfui pour protéger sa vie ? Les Ivoiriens lui ont offert l’amitié et la protection de sa vie, parce que toute vie est sacrée. Comment alors, sous le magistère du même exilé d’hier, l’on manque de sagesse au point de jouer la provocation parce que le Président Blaise Compaoré est en exil en Côte d’Ivoire ? Quant au Président Maurice Yaméogo, il a trouvé asile en Côte d’Ivoire à sa sortie de prison auprès de son ami, le Président Houphouët-Boigny. Alors, quel est ce gouvernement burkinabè responsable, surtout qu’il est en place juste pour l’expédition des affaires courantes, qui prendre le risque de compromettre dangereusement les relations si denses entre nos deux pays, pour contenter les versatiles intérêts et sectaires attitudes de la seule société politique burkinabè ? Le peuple est au-dessus de la société politique. Les gens de mon pays peuvent-ils incommoder la quiétude des millions de nos compatriotes, une force économique formidable pour nos deux pays, sacrifier nos intérêts stratégiques, saboter le dialogue fraternel entre nos dirigeants, renoncer aux facilités énergétiques et consulaires, tourner le dos aux grands projets intégrateurs comme l’autoroute Yamoussoukro –Ouagadougou dont les travaux n’ont pas commencé en raison de l’instabilité politique du Burkina Faso, rendant ainsi caducs parce que hors délai, les financements de 3000 milliards obtenus ?

II. Sortir du Cycle générationnel de désespérance depuis 1984

J’ai toujours constaté dans mes écrits que la violence politique et les assassinats politiques sont intervenus au Burkina Faso avec l’avènement de la génération du capitaine Sankara. L’intègre Général Sangoulé Lamizana n’a ôté la vie à personne pour des motifs politiques. Il en fut de même avec le patriote Colonel, le Colonel Saye Zerbo. Les évènements d’Octobre, doublement, et ceux attribués au Général Diendéré, montrent que les gens de cette génération sont dans des logiques de revanchisme, de renversement d’alliances factices, des logiques liberticides et mortelles. Il faut en sortir, en les renvoyant eux tous aux champs. Sinon nous tournerons en rond dans le cycle de désespérance. Le chef de leur écurie courant, le Président Blaise Compaoré est parti pour éviter d’accentuer les fractures. Il a été sage. Il revient au peuple souverain de mettre fin aux ambitions vindicatives des reliques humaines de cette génération, cryto-marxiste, violente, adepte de la rhétorique vaine mais convenue et dans des machiavélismes contre la tolérance, la liberté et la république. Aujourd’hui, les mêmes malveillants et malfaisants se sont munis d’une épée de Damoclès au-dessus des relations de bon voisinage et de fraternité solidaire avec certains Etats.
Du Coup d’Etat de Thomas Sankara avec ses exécutions sommaires au Coup d’Etat du Général Diendéré, avec des victimes civiles, c’est le déploiement du même cycle commencé en 1984, le cycle de larmes, de veuves (Mariam Sankara n’est pas la seule) et turpitudes morales. Aucun Burkinabè ne doit perdre la vie pour des raisons politiques. Les veuves, les orphelins, les ayant-droits, les confiscations de liberté, les destins brisés, des droits syndicaux interdits sous le CNR à leur pleine restauration par la IVè République, il est grand temps, de penser, de recourir à la réconciliation que nos traditions africaines accommodantes de droit pour préserver le vivre ensemble savent administrer. Le Mogh Naaba, après avoir consulté les Chefs Sanan, suzeraineté oblige, a invité chaque citoyen burkinabè au sens de l’humilité pour apaiser les tensions, incarne, de ce fait, ce pardon suivant nos coutumes. Le préaccord obtenu par les Médiateurs de la CEDEAO est la concrétisation du rôle positif que nos us et coutumes arbitrales africaines authentiques savent construire sans rupture avec l’intérêt de paix et de cohésion sociale. Le Prix Nobel de la paix vient d’être décerné au quartet tunisien. C’est la célébration du processus dialogual entre des citoyens libres dans un pays en quête de repère politique. Burkinabè, nous sommes interpellés. Nous entendrons cet appel si nous sortons de nos logiques idéologiques abstraites et de nos luttes dérisoires pour le « saint graal », le fauteuil présidentiel. Seul le grand Cardinal Paul Zoungrana pouvait incarner cet appel. Il manque même aux laïques comme moi. Aujourd’hui, nous ne disposons plus, hélas, d’une aussi exceptionnelle autorité morale. Que faire des siamois du Cardinal Agré de Côte d’Ivoire qui encombrent les espaces médiatiques burkinabè ? Rien. Or le dialogue tunisien nous en impose. C’est la seule passerelle, l’unique voie vers la paix et ce, dans l’acceptation de tous, d’un processus politique inclusif et donc incontestable pour une Constituante et un Président de transition élu par les élus du peuple souverain. Aucun autre agenda n’est porteur d’espérance et de chance pour notre pays et ses enfants. Les Burkinabè ont leur destin scellé comme l’est celui des deux pays frères. J’en appelle au sens de responsabilités de nos autorités pour nous éviter d’affreuses déchirures. Il est bon de mettre au congélateur les multiples contentieux des gens de cette génération politique dont la soif de pouvoir est le seul motif de toutes ces manipulations malveillantes et criminelles. Il faut prolonger la Transition et construire la paix des braves, la réconciliation tous azimuts. Les élections de novembre ne résoudront rien tandis que la distanciation économico-politique est cultivée par les haineux entre nous et nos amis et frères de Côte d’Ivoire. Le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont pourtant liés par un Traité d’Amitié et de Coopération depuis 2008. Ce Traité est le Special One du genre dans la sous-région ouest-africaine. La Côte d’Ivoire rechigne à en signer d’autres quand bien même beaucoup de pays frappent à sa porte. C’est dire le caractère distinct de ce lien dense (humain, historique, économique, socio-politique) en raison du fait historique. Puisque les deux pays n’en faisaient qu’un seul jusqu’en 1947. Ce n’est pas sans fidélité à ce lien riche et fort que le Président Houphouët-Boigny proposa la double nationalité en 1966 aux citoyens des deux pays. De la sorte, toute advenue événementielle d’envergure au Burkina Faso trouve son écho sur les bords de la lagune Ebrié et inversement. Les peuples et les amitiés séculaires en témoignent des binationaux probablement qui se comptent en millions, aussi.

III. L’élimination de la haine par la haine est vaine

Cette normalité pour ainsi dire émotionnelle entre les fils et filles de ces deux pays semble mise à rude épreuve depuis l’orchestration du soulèvement d’octobre 2014. L’accueil des persécutés ivoiriens par la politique odieuse de l’Ivoirité et qui ont trouvé refuge au Burkina Faso pour protéger leur vie, a laissé des attaches fortes. Mais pour autant, le Président Laurent Gbagbo, ancien exilé lui-même au Burkina Faso, malgré son penchant pour les enfarinades, n’a pas mené une politique désinvolte, désobligeante et ruineuse de la qualité exceptionnelle du lien, de la texture sociologique ivoiro-burkinabè. Même lorsque la foule instrumentalisée pilla la résidence abidjanaise de l’ex Première Dame, Madame Chantal Compaoré, les Président Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo ont observé beaucoup de lucidité, de responsabilité et d’engagement constructif pour préserver ces liens séculaires, avantageusement préservés au profit de l’intérêt de paix, d’amitié et de coopération entre nos deux peuples, nos deux économies et des projets intégrateurs. Et pourtant, ces insurgés et exilés ivoiriens contre l’ivoirité ségrégationniste étaient au Burkina Faso pendant des années. Il s’ensuit qu’entre ces deux pays, le même d’hier et peut-être, le même demain, il subsiste une tradition d’octroi de protection, de gîte pour les persécutés de l’un et de l’autre, suivant les vicissitudes de l’histoire vécue. Seule cette tradition d’empathie, de compassion ruine le cycle de la haine. La haine ne vainc jamais la haine tandis que ceux qui pratiquent la vengeance contre l’amitié de nos frères ont le rendez-vous cyclique avec la vengeance. Il faut en sortir. Les ténèbres à midi le sont pour tous, surtout pour les plus faibles. Ceux qui agissent donc en ce moment avec mépris de cette lumineuse tradition pour soi –disant magnifier la justice revancharde, la culture de la détestation d’autrui, de son prochain, prennent le risque de se renier eux-mêmes, implorant la compassion, de se précipiter un jour, à leur tour en Côte d’Ivoire, le même pays de l’hospitalité, le pays de la vraie fraternité et du partage de richesse avec son ami, le Burkina Faso. Cette fraternité de sang, de destin et de sauvegarde du caractère sacré de la vie de tous, la Côte d’Ivoire a toujours su la procurer à tous les Burkinabè, des grands en difficultés aux petites gens venant de Koudougou (BF) pour s’établir à Koudougou (CI). Partout ils sont chez eux. Et les panafricanistes s’en félicitent. Il faut se garder de séduire la multitude burkinabè par la manipulation judiciarisée pour des motifs de victoire politique sans lendemain.

Mamadou Djibo, Ph.D
Philosophy

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