Gambie: « Si Barrow n’est pas investi ce jeudi, ce serait… »

Président de la Ligue sénégalaise des droits humains, Me Assane Dioma Ndiaye, s’est prononcé sur la situation qui prévaut en Gambie. Selon l’avocat du barreau de Dakar, Yaya Jammeh endossera toutes les responsabilités et toutes les conséquences de cette épreuve de force qu’il est en train d’imposer aussi bien au peuple gambien qu’à la communauté internationale.

Mieux, Me Ndiaye estime que « si l’investiture d’Adama Barrow ne se fait pas à date échue… ce serait une victoire de Jammeh ».

Maitre, quelle analyse faites-vous de la situation qui pré- vaut actuellement en Gambie ?

Il est regrettable que la crise puisse arriver à son paroxysme. Il y avait des espoirs de croire ou de penser que Jammeh ferait preuve de lucidité au dernier moment en sachant qu’il n’y avait plus d’autres alternatives que le respect de la constitution gambienne.

C’est lui-même qui a organisé les élections avec ses représentants au niveau de la Commission électorale indépendante et qui a reconnu en toute connaissance de cause les résultats et félicité M. Barrow. Et cela a été acté aussi bien par la commission électorale que par la communauté internationale. Donc, il n’y a plus d’alternative que de permettre à Monsieur Barrow, conformément au calendrier républicain gambien de prêter serment, d’être investi.

Ce qui se passera relèvera de l’entière responsabilité de Yaya Jammeh. Il endossera toutes les responsabilités et toutes les conséquences de cette épreuve de force qu’il est en train d’imposer aussi bien au peuple gambien qu’à la communauté internationale. Et de ce point de vue, les conséquences peuvent être énormes.

Nous assistons déjà au drame humain avec la dislocation des familles et le déplacement de milliers et des milliers de gambiens. Et évidemment, rien n’est à exclure.

Dans tous les cas, pour nous, il ne s’agit pas de parler de guerre. Ce qui est envisageable c’est simplement le recours à la force légitime tel que définie par la charte des Nations Unies et les textes de la Cedeao, en cas de rupture de la paix et de la morale internationale.

Pensez-vous que l’intervention militaire s’impose actuellement ?

L’intervention militaire est inéluctable. Aujourd’hui, c’est la constitution gambienne qui doit être respectée. Et, quand vous êtes d’une opposition illégitime, seule la force légitime s’impose pour rétablir la légalité constitutionnelle, la légalité républicaine. Donc, il n’y a pas de choix, il n’y a pas d’alternative à la restauration de la légalité républicaine et ça, par tous les moyens y compris l’usage de la force.

Mais, ce qu’il faut éviter, c’est de parler de guerre parce que cela peut faire penser qu’il s’agit d’actes de belligérances ou de conflit armée interne ou internationale. Alors que nous sommes dans le cadre simplement de la restauration de la légalité républicaine.

Comment appréciez-vous l’Etat d’urgence décrété par l’Assemblée nationale gambienne alors que le mandat de Yaya Jammeh a pris fin ?

Je dirais que Yaya Jammeh est dans une posture de gestion courante. Donc, il a pris la légitimité d’engager des actes fondamentaux. Et l’état d’urgence est un acte grave qui suspend aussi bien les libertés publiques que même la vie institutionnelle. Et ça, il n’a ni la légalité ni la légitimité de le faire. Et, nous savons que l’Assemblée nationale gambienne ne peut pas refuser les instructions de Yaya Jammeh. Donc, pour nous c’est un acte nul, c’est une décision qui peut, dans la logique de Yaya Jammeh, empêcher toutes manifestations publiques y compris l’investiture qui aurait les relents d’une manifestation publique.

Mais, encore une fois, ce serait illusoire de vouloir s’opposer à la communauté internationale. S’il y a un conseil qu’on peut donner encore à Jammeh, c’est de revenir à la lucidité et de faire en sorte que cette transition se passe pacifiquement et éventuellement que tous les droits qui peuvent lui être accordés dans la limite de la loi lui soient accordés. Même l’asile politique n’est pas exclu  Mais, dans les limites de ce qui est possible. Il n’appartient pas à un Etat ou des institutions quelconques de pouvoir garantir à Yaya Jammeh ce qui n’est pas possible.

Pensez-vous que l’investiture d’Adama Barrow aura lieu si l’on sait qu’il est toujours au Sénégal, à quelques heures de la cérémonie ?

Je pense que si cette investiture ne se faisait pas selon le calendrier républicain des Gambiens, ce serait une défaite de la communauté internationale et une victoire de Jammeh. S’il est donné à un président, dans un système démocratique, d’être battu et de faire en sorte que l’investiture de son successeur ne se fasse pas, évidemment il aurait atteint son objectif.

Je pense que la force de la démocratie, la force de la morale internationale ainsi que la mobilisation de la communauté internationale doivent faire en sorte que cette investiture soit possible dans les conditions que lui permet la constitution gambienne.

Si Yaya Jammeh arrivait à faire échec à cette investiture, il aura réussi à faire échec au jeu de la démocratie, il aura réussi à remettre en cause le principe de l’auto-détermination du peuple gambien. Et ce serait un précédent grave dans la marche de la vie internationale. Donc, je ne vois pas aujourd’hui comment cette investiture ne se ferait pas d’abord à date échue mais également en terre gambienne. »

 

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