Ceci est un écrit d’Angèle Bassolé, écrivaine et chercheure en réaction à la déclaration de Me Halidou Ouedraogo sur l'affaire Dabo Boukary.
J’ai été vraiment surprise comme tout le monde, je suppose, mdes déclarations de Me Halidou Ouédraogo dans le Pays défendant Salifou Diallo et largement relayées sur les réseaux sociaux.
J’aime et respecte beaucoup Me Halidou pour sa combativité farouche, sa détermination, sa fidélité aux idéaux de liberté et de lutte pour les droits de la personne.
J’aime et ai aimé son engagement sans faille, sa grande résilience comme de reprendre le bâton de la lutte après la tragique fin de sa fille aimée dans cet accident d’Air Alger.
Mais j’ai été sidérée, voire plus, en le lisant cette semaine dernière. Comme je l’aime beaucoup et crois en lui, je n’ai pas su comment réagir face à ses déclarations. Ma grande estime et mon grand respect pour lui ont fait que j’ai eu tendance tout de suite à le croire même s’il paraissait bizarre que selon ses dires Dabo Boukary ait été libéré par Salif Diallo. Car nous savons tous que Dabo Boulary est mort et bien mort suite aux sévices et tortures reçues au Conseil et sa tombe inconnue jusque-là même de sa propre famille.
Que Me Halidou Ouédraogo, le grand défenseur des droits de la personne, président fondateur du MDBHP, de l’UIDH le ressuscite, voilà qui est bien surprenant.
Ma première réaction a été de le croire au point où j’ai supprimé quelqu’un de ma page Facebook qui l’insultait. J’ai voulu le croire tant ma joie était grande de savoir Dabo Boukary vivant.
Mais s’il est vivant où est-il Me Halidou ? La question se pose et on est en droit après vous avoir lu d’attendre une réponse.
Ma deuxième raison qui m’a amené à le croire est de me demander ce qui pourrait l’amener lui, le vieux ardu et ardent, intègre défenseur des droits de la personne à mentir à son âge. Pour quels buts ? Quelles raisons ? Quels objectifs ? Qu’aurait-il à gagner là-dedans ?
Mais je fais face à un obstacle. Dabo Boukary, le médecin de ses enfants est mort et bien mort.
Or, lui nous affirme que Salif Diallo a contribué à sa libération. L’a –t-il donc vu lui vivant après son arrestation et sa garde à vue au conseil ?
J’aimerais bien le savoir et surtout le voir.
Si J’aime Me Halidou Ouédraogo, j’aime encore plus Norbert Zongo qui fut mon patron de presse et mon grand frère, mon modèle, mon mentor qui voulait m’initier au journalisme d’investigation après mon Doctorat où je devrais rentrer et pour lequel ses assassins ne lui ont pas donné le temps.
Mais entre Me Halidou et Norbert Zongo, je crois sans hésiter à Norbert Zongo plus qu’à Me Halidou. Or, Norbert Zongo dit dans une autre entrevue qu’il a quitté le MBDHP quand Salifou Diallo y a été admis en protestant qu’on ne pouvait pas défendre les droits de l’homme en pactisant avec ceux qui les violent. Relisons bien Norbert Zongo :
« Je vous ai dit que j’étais à la composition du MBDHP. Mais, le même jour de la formation du MBDHP, moi j’ai quitté avant la fin de la réunion. Je protestais parce qu’à l’époque, il y avait des gens du gouvernement qui voulaient être membres du bureau, notamment Salif Diallo et tout ça. Moi j’ai dit : si c’est cela que votre organisation va être, moi je m’en vais. J’ai dit : le jour où vous allez renvoyer tout ce monde-là, moi je reviendrais. Moi, on dit que je suis extrémiste et je n’accepte pas ça. Sinon on va finir par des compromis. Quand il est parti, je suis revenu. Je ne milite pas pour autre chose. Je milite pour les droits de l’homme. Je m’en tiens à ça. On ne peut pas avoir dans un mouvement des droits de l’homme quelqu’un qui contribue à faire des entorses aux droits de l’homme. Il faut être logique ! Moi je ne veux pas de compromis. Si vous me dîtes que vous luttez pour les droits de l’homme, vous-même vous ne devez pas participer à un mouvement quelque part, à quelque chose qui fait entorse aux droits de l’homme. C’est ça la difficulté. Un simple policier peut militer. On est même d’accord que les policiers militent. Mais aujourd’hui, quelqu’un qui fait partie du pouvoir, dont les décisions influencent la situation des droits de l’homme, qu’il fasse partie du mouvement des droits de l’homme, c’est difficile. »
- Le MBDHP - une organisation élitiste ?
« Oui. Exact. C’est élitiste. C’est pour ça que je dis qu’il faut séparer ce que nous avons déjà fait de ce qui nous reste à faire. Il faut qu’aujourd’hui on tende vers ce mouvement-là. Il y a déjà des choses qui sont commencées. Par exemple, on traduit la constitution en langue More, en langue Fufulde. Ça, c’est bien. Il faut que, déjà dès le village, s’il y a violation des droits de l’homme, qu’il y ait une structure qui puisse l’amener jusqu’au niveau central. »
La relation entre le MBDHP et le gouvernement
« Si on reste élitiste, tôt ou tard on finira par être avec le pouvoir. On finira par essayer des compromis avec le pouvoir et ça, c’est toujours mauvais. Il y a un danger avec l’élitisme. Le MBDHP a toujours lutté de façon très ouverte chaque fois qu’il y a violation des droits de l’homme à ce que les choses reviennent en ordre. Mais, c’est à travers des négociations qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Quelque chose se passe au sein du pouvoir, Halidou s’en va avec un groupe et discute avec le pouvoir. Ce n’est pas l’ensemble du bureau national du MBDHP qui est au courant. On ne peut pas demander l’assentiment de tout le monde de poser les questions avant d’aller discuter. Le plus souvent, le militant de base n’est pas au courant de ce qui a été fait, de ce qui a été donné. On sait qu’ils ont été discuter, mais comment ça s’est passé(…)
Ils ont obtenu la libération des gens qui étaient en prison. Le problème n’est pas qu’on obtienne la libération, le problème est que ça soit dénoncé et que dans toutes les structures on sache qu’il y avait une faute qui avait été commise et que ça soit dénoncé. Mais si ça reste des discussions entre le bureau du MBDHP et le pouvoir en place, le militant ne sait plus si le MBDHP devient le conseiller du pouvoir ou si c’est le pouvoir qui est l’ami du MBDHP pour arranger les choses. »
Norbert Zongo a tout à fait raison et je vous convie fortement à aller lire cette interview de Norbert où il parle du MBDHP en tant que membre fondateur. Donc, je ne crois plus en Me Halidou Ouédraogo et il perd tout mon respect. Je n’irai pas jusqu’à l’insulter comme le font les jeunes sur les réseaux sociaux car mon éducation rigoureuse moaga me l’interdit car même si je suis née au bord de la lagune Ébrié, mes parents n’ont pas badiné là-dessus et m’ont transmis leur héritage de digne descendante de Yennenga en terre d’Ébernue (Côte d’Ivoire).
Je n’ai par exemple pas aimé du tout cette phrase qui tend à laisser entendre qu’on ne devrait plus parler de l’affaire Dabo Boukary car elle est vieille. C’est pour moi comme si on disait de ne plus parler de l’affaire Sankara car elle est vieille aussi. Je suis déçue et farouchement opposée e à une telle déclaration. Jugez-en par vous-même :
"Je suis satisfait que vous me posiez cette question, parce qu’elle alimente les colonnes des médias et meuble les réseaux sociaux, ces derniers temps. L’affaire Dabo Boukary est une vielle affaire qui date des années de braise que notre peuple a traversées."
Une affaire non réglée et surtout de meurtre reste une affaire à régler et on ne peut pas la qualifier de vieille. Non, je regrette, Me Halidou de tels propos sont indignes de votre sagesse.
Ensuite, ceci :
« Cela me fait de la peine d’entendre toutes sortes de choses parce que j’ai personnellement connu Dabo Boukary, il était le médecin de mes enfants. Si bien que lorsque nous avons appris sa disparition, nous avons posé un acte qui a consisté, dans un premier temps, à le faire libérer et inutile de rappeler que c’est le MBDHP qui a été à l’origine de cette initiative et qui était au-devant de la scène. »
Si on comprend bien le Français, dans cette partie Dabo Boukary a été libéré.
Lisez la suite :
« A l’époque, il fallait être courageux car, nous avions perdu des camarades comme Dabo Boukary, nous avions été chassés de nos emplois, nous avons vécu dans la clandestinité dans ce pays. »
Vous voyez comme moi la contradiction. Dabo Boukary a été libéré par le MBDHP dont il était le président et maintenant Dabo Boukary est mort. Comment, où et quand ?
Permettez-moi de ne pas et de ne plus rien comprendre à tout cela malgré mon PHD en Lettres françaises s’il vous plaît !
Me Halidou me perd. Je suis perdue et perplexe. Et je sais que beaucoup le sont. Une grande défenderesse des droits et libertés a pleuré en lisant l’interview de Me Halidou., je ne vous dirai pas qui c’est car tenue par le secret de la confidence et le non-dévoilement de nos sources de journaliste.
Ce qui ne vient pas aider Me Halidou dans sa plaidoirie pour défendre l’indéfendable PAM Salifou Diallo est ce document d’exclusion de Salifou Diallo du MBDHP et adopté par le Congrès alors que Me Halidou en était son président.
Lisez plutôt :
-(2) « Considérant que le Camarade Diallo Salif s’est particulièrement illustré dans des cas de violations graves des droits de l’Homme, notamment à l’occasion des évènements de l’Université de Ouagadougou en mai 1990 :
- Conduite des forces de l’ordre sur le campus
- Ordre d’arrestation d’incarcération et de tortures d’étudiants avec pour conséquences entre autres la disparition de l’étudiant DABO Boukary.
- Considérant que toutes ces actions portent gravement atteinte à la moralité et aux nobles idéaux du mouvement. La première Assemblée statutaire du MBDHP tenue à Ouagadougou le 23 Février 1991. Premièrement : prononce – La déchéance du Camarade DIALLO Salif de son mandat de Conseiller du Comité Exécutif National »
- Considérant la décision de déchéance et d’exclusion provisoire prise par l’Assemblée générale statutaire du 23 février 1991 à l’encontre de Monsieur Salif Diallo pour son implication dans les événements de mai 1990 à l’Université de Ouagadougou ayant entraîné la disparition tragique de Dabo Boukary.
- Considérant le rejet de la décision de l’Assemblée générale ordinaire statuaire par Monsieur Salif Diallo qui a en outre entrepris une campagne d’intoxication et de diffamation à l’encontre du MBDHP et de ses dirigeants.
- Considérant les tentatives de Monsieur Salif Diallo et certains de ses acolytes de provoquer une crise au sein du Mouvement en vue de s’emparer de sa direction au mépris des dispositions statutaires en la matière.
- Considérant son refus de répondre à l’invitation expresse à venir s’expliquer devant le congrès conformément aux dispositions statuaires.
Le 1er congrès du MBDHP tenu à Ouagadougou les 25 et 26 octobre 1991 prononce l’exclusion définitive de Monsieur Salif Diallo du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP). Fait à Ouagadougou, le 26 septembre 1991. Le Congrès.
Il était important de reprendre ce décret de destitution du PAN actuel Salifou Diallo parce que les paroles s’envolent mais les écrits restent. Ce décret du congrès a été pris lorsque Me Halidou Ouédraogo était président du MBDHP. Il a donc exclu Salifou Diallo pour son implication dans la disparition tragique de Dabo Boukary. Il ne peut pas et ne peut plus aujourd’hui venir nous dire que le même Salifou Diallo qu’il a lui-même exclu du MBDHP pour son implication dans la mort de Dabo Boukary a contribué à le libérer. En français, on dira qu’il y a contradiction. Je ne sais pas ce qu’on dirait en droit. Je laisse cela aux juristes et autres avocats.
Quand, où et comment ce même Salifou Diallo exclu a-t-il contribué à la libération de Dabo Boukary ? J’aimerais bien entendre Me Halidou là-dessus.
Que Norbert Zongo et Dabo Boukary sans oublier Aimé Nikiema ont dû se retourner plusieurs fois dans leurs tombes à entendre ces propos de leur ancien compagnon de lutte car les morts ne sont pas morts et sont là avec nous.
Je suis encore plus déçue d’apprendre de la bouche même de Me Halidou Ouedraogo dans une interview à l’Observateur Paalga du 2 octobre 2007 qu’il a été conseiller à la présidence après l’assassinat du président Sankara le 15 octobre 1987 :
"Deux jours après le 15 octobre 1987, Blaise a cherché à me voir et je l’ai rencontré. Il m’a expliqué les conditions dans lesquelles les choses se sont passées. Et il m’a demandé de venir à la Présidence puisque je ne pouvais plus retourner au Palais de justice. C’est ainsi que je me suis retrouvé là-bas."
Ainsi, celui qui a refusé selon ses dires les postes de ministre de la Justice et de celui des Affaires étrangères proposés par Sankara sou prétexte que son régime était issu d’un coup d’état, donc d’un régime d’exception a accepté d’être le conseiller de son assassin. Quelque chose m’échappe là. Lisez plutôt :
"Après le 04 août 1983, j’ai reçu un envoyé du Conseil national de la Révolution (CNR), qui souhaitait me rencontrer. Le lendemain, j’ai quitté Fada pour Ouaga et Sankara m’a reçu au Conseil de l’Entente. Un entretien de 6 heures. Il m’a dit qu’au nom de ses camarades Blaise Compaoré, Henri Zongo, Jean-Baptiste Lingani, il voulait que je dirige la Justice en tant que ministre. Je lui ai dit que je n’étais pas preneur. Je lui ai dit que le régime du CNR est issu d’un coup d’État et que j’étais assez républicain pour accepter ce poste. (…)En 1985, on m’a de nouveau proposé le poste de ministre des Affaires étrangères. J’ai décliné encore l’offre."
Ainsi, les jeunes qui se sont déchaînés sur les réseaux sociaux contre lui et avec lesquels je me suis fâchée en le défendant avaient donc raison !
Déçue ? Le mot est faible et non encore inventé pour décrire ce que je ressens maintenant.
Le silence exprimerait mieux ma colère, mon dépit, ma profonde déception.
Finalement, il n’y avait dans ce pays que deux véritables intègres : Thomas Noël Isidore Sankara et Norbert Zongo. Deux journaux que je respecte au Burkina ont refusé de publier cet article. Ça veut dire ce que ça veut dire.
Il était une fois un ardent et intègre défenseur des droits de l’homme au pays des hommes intègres qui a fini par troquer sa veste pour des miettes.
Schade ! Diraient les Allemands.
C’était moi depuis le froid polaire canadien.
Aufwiedersehen !
Angèle Bassolé, PH.D
Écrivaine et éditrice
Ottawa, Ontario
Canada