Dans une interview qu'elle a accordé à nos confrères du Courrier Confidentiel, Mariam SANKARA, l'ex-épouse de Thomas SANKARA, est revenue sur ce qui s'est passé, à l'occasion des récents développements sur l'identification de la tombe du héros de la révolution.
Courrier confidentiel : Vous avez dû chercher à savoir se qui s’est exactement passé le 15 octobre 1987 .Selon les informations à votre disposition, comment s’est organisé l’assassinat ?
Mariam sankara :je ne sais ce qui s’est exactement passé ce 15 octobre 1987 ,excepté que mon mari a été assassiné ce jour là avec 12 autres personnes qui étaient soit en réunion avec lui ,soit assuraient sa sécurité .Je m’adresse exactement à la justice pour qu’elle élucide ce crime et que justice soit rendue à Thomas et toutes les personnes fauchées avec lui par des assoiffés de pouvoir et d’argent .
Sankara vous avait-il parlé du climat délétère qui a précède les événements tragiques du 15 octobre?
Il évitait le sujet ;il ne voulait pas m’effrayer mais on sentait que tout n’était pas entre les hauts dirigeants .chaque fois que je revenais de la ville avec une information alarmante, il me rassurait en disant qu’il réussiront a surmonter la situation. Car pour lui ,la révolution ,l’intérêt du peuple était au delà de tout .Il me disait que Blaise était manipulé par des déviationnistes de la révolution ,mais qu’il finirait par s’en rendre compte .Il se démarquera d’eux et reviendra sur les voies de la révolution .
Se sentait-il particulièrement menacé? Et voyait-il en Blaise Compaore un danger ?
La réponse ,il la donnée lui-même dans un interview que l’on peut voir dans le film documentaire << Thomas Sankara ,l’homme intègre >> de Robin SHUFFIELD où il dit :<<je me retrouve un peu comme un cycliste qui grimpe une pente raide et qui a ,à gauche et à droite, deux précipices ( … ) pour rester moi-même ,pour me sentir moi-même ,je suis obligé de continuer sur cette lancée >>.Voila le climat qui prévalait à l’époque .
Dans son livre <<Thomas Sankara et la révolution au Burkina Faso .une expérience de développement autocentré >>, Me Apollinaire kéylem, avocat au barreau du Burkina et directeur du centre de recherches internationale et stratégiques(C.R.I.S), affirme que le président Sankara a échappé à plus de cinq tentatives d’assassinat. En avez-vous connaissance?
Des responsables de sa sécurité m’en ont parle, mais ils avaient du mal à le lui faire accepter ; sans doute savait-il qu’il ne pouvait rien faire pour arrêter ce qui allait se passer .A certaines personnes comme Jean Ziegler,il a confié que <<si Blaise veut m’éliminer ,on ne pourra rien y faire >> .
Sankara était sans doute conscient de la menace d’un coup d’Etat .Mais il a affronte le danger la tête haute .Pourquoi, selon vous, n’a-t-il pas pris de disposition adéquates pour sa propre sécurité alors qu’il avait la possibilité de << neutraliser >> ceux qui tramaient son assassinat ?
Il pensait que la découverte des intentions de Blaise le conduirait à renoncer à ses projets .A la sortie d’une de leur réunion du CNR (conseil national de la révolution), il m’a confie qu’il craignait que Blaise se suicide parce que certains militaires ont dévoilé son manège.
Propos recueillis par Hervé D’AFRICK
Source : Courrier Condidentiel du 10 juillet 2017
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