Monsieur le Président,
Usant de votre pouvoir de nomination aux hautes fonctions civiles et militaires, vous avez procédé le 26 novembre 2015 à la nomination sur décret et « à titre exceptionnel » du Lieutenant-colonel Yacouba I. ZIDA au grade de Général de division. Sans doute animé par la volonté de désamorcer la bombe de critiques que ce décret aurait inévitablement déclenchées, vous aviez cru bon de le noyer dans l’effervescence liée aux élections. Mais fort heureusement, l’opinion publique n’a pas manqué de s’en indigner et c’est dans cet esprit que je me permets de vous écrire.
Sauf votre respect Monsieur le Président, votre décret est une honte et une insulte à ce que doit être le mérite en République. Pire, il est d’un niveau de légèreté rarement atteint dans l’histoire récente de notre pays pour la simple raison qu’il se fonde sur des motifs totalement fallacieux, farfelus même qui ne résistent à aucun examen sérieux.
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En effet, dans votre décret Monsieur le Président, vous avancez comme raison les services qu’aurait rendus à la Nation le Lieutenant-colonel ZIDA pour le faire monter en grade. Mais de quels services rendus parlez-vous ? Ceux de l’éphémère Président autoproclamé après l’insurrection victorieuse du peuple ou ceux du Premier ministre au bilan terne et qui, faut-il le rappeler, vous a été imposé en début de transition par l’ex RSP ? Le comble dans votre malheureuse tentative de nous vendre cette imméritée nomination, c’est de dire que le Lieutenant-colonel ZIDA a accepté de céder le pouvoir aux civils. Mais Monsieur le Président, avait-il vraiment le choix de garder un pouvoir usurpé ? Cette question, vous ne vous l’êtes pas posé de toute évidence. Autrement, vous auriez compris que le Lieutenant-colonel ZIDA a cédé sous la seule pression d’un peuple décidé à ne pas se faire voler une victoire acquise aux prix de vies humaines sacrifiées.
Au regard de la manifeste fragilité des motivations de votre décret, il se pose une question fondamentale, celle de sa véritable signification. Mon avis, largement partagé est que votre décret nous informe que l’infâme système de favoritisme que le peuple a massivement vomi en 2014 est non seulement toujours vivant mais en plus, se porte très bien. Sinon, comment justifier ou même simplement comprendre la promotion d’un individu qui n’a aucun mérite particulier et qui du reste devrait être rigoureusement tenu pour responsable en sa qualité de numéro deux l’ex RSP des violences auxquelles cette milice s’est livrée lors de l’insurrection de 2014. Rien que pour cette raison, votre décret est une insulte à la mémoire de tous ces civils morts pour un Burkina Faso libéré à jamais du favoritisme, du copinage et autres petits arrangements entre amis.
Monsieur le Président, sachez que si la constitution vous accorde un large pouvoir de nomination, cela ne vous affranchi nullement d’une obligation minimale de vigilance et de perspicacité. A défaut, vous dévoyez un pouvoir qui est censé promouvoir le mérite et le travail bien fait. Convaincu de cela, je n’aurai pas manqué, soyez-en sur, de contester en justice le bien fondé de votre décret si le droit m’en donnait la possibilité.
Pour terminer Monsieur le Président, j’ose, malgré tout, croire que vous vous êtes employé à éviter que ce genre de nomination opportuniste ne génère des dissensions au sein d’une armée nationale en quête de cohésion. A défaut, c’est vous qui, pour le coup, n’auriez pas rendu service à la nation.
En vous souhaitant une bonne réception, veuillez agréer, Monsieur le Président, mes sincères salutations républicaines.
Lyon, le 3 décembre 2015
Daouda OUEDRAOGO
daou-ouedraogo@outlook.com