Après 27 années de pouvoir, Blaise Compaoré est contraint à la démission le 31 octobre 2014 à la suite d’une insurrection populaire. Un gouvernement de transition est mis en place pour gérer le pays pendant une année. A l’issue de cette transition, un nouveau pouvoir dirigé par Roch Marc Christian Kaboré du MPP est élu le 29 novembre 2015. Face aux nombreuses attentes des Burkinabè le président élu a lancé plusieurs chantiers. Que retenir en termes de bilan après une année de présidence Kaboré ?
La classe politique : entre recomposition et continuité
L’analyse de la configuration de la classe politique indique l’existence d’une forte continuité malgré une légère recomposition. On peut identifier trois éléments de recomposition affectant la classe politique. C’est d’abord l’accession au pouvoir d’un nouveau parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Du point de vue symbolique, cela constitue un changement de taille qui consacre la fin du règne du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), au pouvoir pendant 27 années. La coalition au pouvoir sous Blaise Compaoré se retrouve ainsi dans l’opposition, tandis que la principale force d’opposition est dans la coalition dirigeante.
La recomposition s’apprécie ensuite par l’émergence de nouveaux partis sur la scène politique. C’est le cas notamment de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) du général Djibril Bassolé et de l’Union pour un Burkina nouveau (UBN) du colonel Yacouba Ouédraogo, tous deux anciens ministres. La naissance de ces partis procède de la volonté de ces leaders de l’ancienne coalition dirigeante de poursuivre leur carrière politique en dehors du CDP, tout en restant en alliance avec celui-ci.
Enfin, de par la configuration de l’opposition, on peut observer une alliance objective entre des forces politiques opposées sous l’ancien régime. En effet, l’Union pour le progrès et le changement (UPC) qui était l’une des principales forces d’opposition cohabite au sein de l’institution du Chef de file de l’opposition (CFOP) avec les partis membres de l’ancienne coalition dirigeante, dont notamment le CDP et l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA). Après les tensions qui ont précédé la chute du régime Compaoré, l’opposition apparait comme une coalition hétéroclite et faiblement soudée. Toutefois, ces partis d’opposition réunis au sein du CFOP coopèrent pour faire contrepoids au MPP, au parlement ainsi que dans d’autres instances politiques telles que la Commission constitutionnelle installée en fin septembre.
Ces dynamiques de recomposition n’occultent pas l’existence d’éléments de continuité. En effet, du point de vue du personnel politique, l’avènement du MPP au pouvoir n’a pas renouvelé l’élite dirigeante puisque les nouveaux dirigeants étaient membres de l’ancienne coalition au pouvoir. En plus, le système de partis reste marqué par la présence d’un parti dominant. Du point de vue idéologique, le nouveau parti au pouvoir est social-démocrate, tout comme le CDP. Au niveau des relations entre l’opposition et la majorité, la bipolarisation qui caractérisait le système politique burkinabè est restée intacte, car, tout en étant diverse, l’opposition demeure une coalition face au pouvoir en place.
Le MPP, le parti au pouvoir, est dirigé par d’anciens dirigeants qui n’ont rejoint l’opposition qu’en janvier 2014. En effet, les trois principaux fondateurs du MPP, Roch Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré étaient des membres influents du CDP. Leur départ du CDP a résulté d’un désaccord avec Blaise Compaoré, notamment sur son projet de se maintenir au pouvoir au-delà de 2015 et de favoriser le clan de son frère cadet, François Compaoré.
Quant à l’UPC, l’un des principaux partis d’opposition avant l’insurrection, il reste dans sa position de parti d’opposition. Sous le régime défunt, ce parti avait gardé son indépendance vis-à-vis du CDP dont il était le principal concurrent. Aujourd’hui, il maintient sa posture de parti d’opposition indépendant face au pouvoir en place. Au fond, du point de vue de la configuration de la classe politique, le changement le plus saillant, c’est le basculement du CDP dans l’opposition.
Par Dr Abdoul Karim Saidou