Matériel de sonorisation saisi en fin décembre 2018 par la police municipale de Ouagadougou : Un mensonge communal

Ce 11 juin 2019, après près de six mois d’attente, Elisée Tiendrébéogo, le lauréat de Faso académy 2018, se voit enfin restitué son matériel de sonorisation. En effet, le 31 décembre dernier, la police municipale avait injustement mis la main sur ledit matériel. Un matériel qui avait été présenté à l’opinion à l’occasion d’une sortie médiatique du maire de Ouagadougou Armand Pierre Béouindé, comme celui devant être utilisé au cours d’une soirée festive sur le site du monument des martyrs. Mais, cette version des faits est fortement mise en cause.

Tout est parti le lundi 31 décembre 2018, alors que les ouagavillois s’apprêtaient à vivre les dernières heures de l’année, le maire de la ville de Ouagadougou Armand Pierre Béouindé, animait une conférence de presse dans l’enceinte du siège de la police municipale. L’information principale donnée aux journalistes, faisait état qu’« un groupe de jeunes a investi sans autorisation le monument aux héros nationaux dans le but d’organiser une soirée festive… Une manifestation criante d’incivisme », estimait le maire ce jour de la saint-sylvestre. Dans la foulée, un communiqué de presse du département de la communication et des relations publiques de la commune de Ouagadougou, informait que du « matériel de sonorisation a été saisi par les éléments de la police municipale qui veillent au grain pour que le monument aux héros nationaux ne soit pas souillé, avec la tenue d’une telle activité ». Effectivement, juste après la conférence de presse du maire Béouindé, un tricycle chargé de matériel de sonorisation a été présenté aux journalistes comme étant le matériel qui allait servir à l’animation sur le site du monument aux héros nationaux.
Plus de cinq mois après ces sorties des responsables municipaux de la ville, nous découvrons une autre version des faits.

En réalité, le matériel qui avait été présenté aux journalistes ce jour, n’appartient nullement au groupe de jeunes qui devait organiser ladite soirée festive et n’a pas non plus été saisi sur le site du monument aux héros nationaux.
Ce matériel appartient plutôt à Elisée Tiendrébéogo, le lauréat de Faso académy 2018. Un témoin de la saisie du matériel explique, « Le matériel était chargé dans un tricycle qui servait de taxi moto, en partance au restaurant ‘’chez Simon’’ et a été intercepté aux abords de l’établissement Bangré, non loin de la clinique Issa et conduit au siège de la police municipale ».

En effet, après son sacre à Faso Academy le 12 octobre dernier, Elisée Tiendrebéogo évalue tous ces lots à environ 4 millions F CFA. Il décide d’investir toute la somme dans l’achat d’un matériel de sonorisation. Sans broncher, il s’exécute dès novembre 2018. Une fois acquis, il opte de le mettre en location.
C’est ainsi que ce lundi 31 décembre 2018, il était prévu que le matériel soit utilisé au restaurant « chez Simon », situé à proximité du centre national de transfusion sanguine. A 10 heures, Elisée est sur place et attend le matériel pour le livrer. Mais le conducteur de tricycle qui le transportait n’arrivera jamais. Il sera intercepté et conduit au siège de la police municipale.

Pourquoi le matériel a été saisi?

Une fois l’équipe en charge de la gestion du matériel mis au courant de la saisie, elle se déporte sur les lieux. Un membre de ladite équipe nous relate, « Dans un premier temps, on nous a fait savoir que l’engin a été saisi parce que ses documents tels, son assurance et sa visite technique ne sont pas à jour. Quand nous avons tenté d’avoir un terrain d’entente en espérant pouvoir honorer nos engagements au niveau du restaurant, on nous a tendu une contravention de 80 000 f, mais c’était trop pour nous. C’est en voulant poursuivre la négociation que du coup, le problème s’est transposé en d’autres choses ».
Les négociations prendront fin dès l’arrivée du maire de Ouagadougou sur les lieux aux environs de 15h, l’heure prévue pour une conférence de presse. Notre interlocuteur poursuit, « Alors que nous attendions dans un coin du service, juste avant d’entrer dans la salle pour la conférence de presse, le directeur de la police municipale est venu nous dire que si on nous posait des questions sur quoi que ce soit, de répondre juste qu’on était au courant de rien. Une trentaine de minute après, nous avons vu le maire, accompagné du directeur, se diriger vers le taxi moto chargé de notre matériel, et on entendait ce dernier dire au maire ’’ voici le matériel saisi’’ ».
Dès lors, les jeunes gens ont commencé à douter que quelque chose de pas clair se tramait autour de leur matériel.
Mais c’est le lendemain, 1er janvier 2019, à travers les réseaux sociaux que Elisée comprendra que son matériel est présenté comme devant servir à animer une soirée festive sur le site du monument aux héros nationaux.
Très vite le lauréat de Faso académy, alerte ses connaissances. Des interventions officieuses d’hommes politiques, de juristes, d’hommes de tenue et bien d’autres, fusent de partout pour que le matériel puisque être restitué, mais aucun résultat satisfaisant. Place désormais aux démarches officielles.
Ainsi, le 14 janvier 2019, un gérant du matériel adresse une demande d’intervention au procureur du Faso, après conseils d’une connaissance procureur. Mais bien avant même que cette demande ne soit traitée, une source se disant proche du maire, leur suggère de porter plainte contre le directeur de la police municipale. Sans hésitation, la plainte est déposée dans la foulée. Ce dernier n’aurait pas exécuté convenablement la mission à lui confier et le maire serait mécontent de son acte, nous confie la source.

La justice avait ainsi entre ses mains une demande d’intervention et une plainte pour la même affaire, comment a-t-elle procédé ?

A en croire des sources proches du dossier, les services du procureur ont fait parvenir un soit-transmis au directeur de la police municipale. Une d’entre elles, nous explique,« Le directeur de la police municipale a fait croire à la justice qu’il ne peut pas remettre le matériel sans l’ordre du maire de Ouagadougou qui est son supérieur hiérarchique. Il a sollicité les services du procureur pour qu’ils adressent plutôt le soi-transmis au maire. Et c’est finalement ce qui a été fait, puisque le directeur juridique de la mairie a confirmé que ledit document leur est parvenu».
Après plusieurs tractations, c’est finalement, le 11 juin 2019 que le matériel composé entre autres de six baffles, deux amplis, des câbles, a été restitué au propriétaire, sans aucune autre forme de procès, ni d’explication. Pourtant, même si le matériel est resté intact, l’état du tricycle a pris un coup, peut-on constater.
Aussi, Elisée qui estimait ses gains de location à 150 000 f dans la semaine évalue ses pertes très énormes. Du coup, il ne cache pas sa déception face au préjudice subi. Mais l’essentiel pour lui est fait : rentrer en possession de son matériel. Il ne compte donc pas exiger une quelconque réparation.

Quid des jeunes initiateurs de la soirée festive sur le site du monument ?

Une chose est certaine, le conducteur du taxi moto saisi, reconnait avoir déposé du matériel de sonorisation sur le site du monument aux héros nationaux, avant de revenir charger le matériel de Elisée pour une autre destination. Malgré qu’il ait fourni toutes ces informations, il n’a pas été relâché. C’est pourquoi pour, les proches de Elisée, les jeunes qui devaient festoyer au monument ont été couverts, « mais comme il faut faire croire à l’opinion publique que les policiers municipaux travaillent et qu’ils veillent au grain sur le monument, ils ont inventé des coupables et malheureusement, c’est tombé sur nous », soutient un des proches.
Aussi, plusieurs sources nous ont confié que les jeunes en question qui seraient des rejetons de « gourous » du moment, n’ont ni été inquiété, ni leur matériel n’aurait été saisi. Alertés dès les premières heures, ils auraient juste transféré leur matériel sur un autre site à proximité du monument où ils ont tenu leur soirée festive ce 31 décembre. Un responsable sécuritaire a même révélé, qu’ils ont par la suite quitté le pays dans la semaine de la conférence de presse du maire.
Des responsables du renseignement de la police nationale qui auraient alerté les services municipaux sur la soirée festive en gestation sur le site du monument n’auraient pas vu d’un bon œil la conférence de presse du maire. Estimant que l’affaire prenait ainsi une tournure politique ils auraient préféré s’en laver les mains.
Nos sollicitations auprès des services municipaux pour en savoir davantage sur la suite réservée à cette affaire sont restées infructueuses. Après le rendez-vous manqué avec le directeur de la police municipale Sylvestre N’DO le 18 juin 2019, ce dernier a promis nous revenir dès que possible.

Par Dasmané Niangané

Source: Radio Liberté/Ouaga

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