Burkina: Après la SONATUR ,révélations sur des détournements de Zida à la SONABEL

ZIDA a donné des instructions fermes pour que le Directeur général de la SONABEL viole la loi, s’affranchisse du monopole de la SONABHY pour s’approvisionner ailleurs. 82 milliards FCFA, c’est le marché qui devait être passé avec la société SHAMS COMMODITIES Faso à cet effet. L’affaire a foiré ; pourquoi et comment ?




Le 1er septembre 2015, le Premier ministre d’alors, M. Yacouba Isaac ZIDA, envoie un courrier officiel au ministre de l’Energie et des Mines, M. Boubacar BÂ. L’objet du fameux courrier est on ne peut plus clair : « Autorisation exceptionnelle d’importation pour les besoins de production d’électricité ». Dans ledit courrier on lit ceci : « …Vous voudriez bien instruire le Directeur général de la SONABEL afin qu’il prenne des dispositions nécessaires pour rechercher un partenaire qui pourrait assurer en urgence, l’approvisionnement de leurs centrales en produits pétroliers aux meilleurs coûts possibles…. »

Il prend le soin de terminer sa lettre en disant que cette disposition déroge aux dispositions de l’article 3 du KITI N° 086-15/CNR/PRES/PRECO du 09 octobre 1985 pourtant monopole de droit octroyé à la SONABHY. Nous étions en septembre, et la période de canicule et des délestages intempestifs sont loin derrière nous. Comme il fallait s’y attendre, une société était dans le viseur des autorités de la transition. Il s’agit de SHAMS COMMODITIES Faso, avec qui une opération d’achat direct et par gré à gré de combustible de 82 milliards devait être exécutée. Selon nos informations, SHAMS COMMODITIES Faso n’a ni les compétences, ni les capacités pour traiter un dossier d’approvisionnement en carburant ; surtout de cette importance et dans les délais indiqués.

En effet, SHAMS COMMODITIES Faso est une jeune société créée en seulement 2013. Elle a un capital de 33 millions de FCFA et n’a aucune expérience en approvisionnement en fuel. Une telle société peut-elle traiter, en un mois, une affaire de 82 milliards de FCFA ? On peut et on doit même raisonnablement en douter surtout si on est regardant sur la gestion des deniers publics. Pourtant, c’est à cette société que le Premier ministre ZIDA a ordonné d’attribuer de gré à gré le marché de 82 milliards de FCFA pour l’approvisionnement d’urgence de la SONABEL.

La vie nationale connaît d’importants soubresauts qui vont influer sur l’exécution du projet. Alors que le DG de la SONABEL, François de Salle OUEDRAOGO, s’appliquait avec ses services à exécuter les ordres du Premier ministre dictés par son ministre de tutelle, l’évolution du pays s’accélère.

En effet, le putsch du 16 septembre est passé par là avec les incertitudes sur l’avenir du pays. Sans aucun doute cela a suspendu la mise en œuvre des instructions du Premier ministre. Les choses vont néanmoins reprendre après la reprise en main du pouvoir d’Etat par les autorités de la Transition. On se rappelle que le 29 septembre Michel KAFANDO reprend les attributs de chef de l’Etat et que du même coup ZIDA a repris le gouvernement en main. Dès le lendemain de la reprise, les choses vont bouger du côté de la nationale de l’électricité.

Sans aucun doute interpellé par son ministre sur le projet, le DG met en branle ses services compétents pour la mise en œuvre des instructions du Premier ministre. C’est ainsi qu’en date du 30 septembre 2015, François de Salle OUEDRAOGO écrit à son PCA, Pascal DIENDERE, pour requérir, comme cela se doit ses instructions. C’est l’esprit et le sens de la lettre N° 0493/DM, qui informe le PCA du : «… projet de marché à ordre de commande d’achat de combustibles au profit de la SONABEL sur instruction de monsieur le Ministre des mines et de l’énergie…. »

Au regard des urgences et surtout des graves anomalies évidentes de la procédure, dès réception du courrier, le PCA répond au DG . Dans sa lettre datée du 1er octobre, en dépit du climat lourd et de la crainte qu’inspire le pouvoir militaro-anarchiste aux élans populistes, Pascal DIENDERE s’inquiète de la procédure de passation du marché et émet de solides réserves sur l’ensemble du dossier tant dans la forme que dans le fond. Il invoque, entre autres, le monopole détenu par la SONABHY, pour l’importation des hydrocarbures et l’obligation pour la SONABEL, une société d’Etat, de respecter la procédure des marchés publics. Il prend le risque même de contredire directement le tout puissant Premier ministre, devant lequel son ministre de tutelle s’est déjà couché en acceptant d’instruire l’exécution du marché. Il souligne en effet l’illégalité de l’autorisation spéciale parce qu’elle devrait au moins requérir l’approbation du Conseil des ministres puisqu’elle contredit deux décrets présidentiels ! En une seule décision, ZIDA casse le monopole de la SONABHY (le kiti du 09 octobre 1985) et « abroge » de décret sur la réglementation des marchés publics (le décret du 16 avril 2008).

Comme si cela ne suffisait, la décision du Premier ministre engage et le ministère des Finances et la SONABEL dans l’exécution du marché, sans même requérir leur avis ! En effet, dans les instructions données par le ministre des Mines, une partie des 82 milliards devait être payée par le ministère de l’Economie et des Finances. Nécessairement, la SONABEL devrait avoir l’accord écrit du ministre de l’Economie et des Finances avant d’engager la procédure d’achat direct. Cela n’a pas été le cas. En outre, dans ce genre de marché, au regard du montant très élevé (82 milliards), l’approbation du Conseil des ministres devrait être requise. Comment ne pas être étonné devant tant de désinvolture ! Et dire que le ministre des Mines, un officier de notre Armée, a fermé les yeux sur tout çà !

Le PCA ne s’arrête pas en si bon chemin et demande, au DG de la SONABEL, un certain nombre de précisions sur certains points du contrat avec SHAMS COMMODITES Faso, notamment sur la détermination des prix, les obligations de la SONABEL, les modalités de livraison et surtout l’indépendance du laboratoire d’analyse de conformité des produits livrés. Ce dernier point est d’une importance capitale puisque les prestations de ce laboratoire devraient être payées par le fournisseur. En effet n’y a-t-il pas de réels risques de subornation et de corruption du laboratoire qui pouvait se trouver obligé de favoriser SHAMS en cas de qualité douteuse des produits pour se faire payer ? Peut-on raisonnablement nous faire croire qu’on n’a pas pensé à cette éventualité ? La ficelle, pour ne pas dire la corde, nous semble trop grosse et même ZIDA ne nous la fera pas gober. Tout comme il nous convaincra difficilement de l’urgence qu’il y a à commander en une seule fois la consommation d’une année et demie. Selon nos sources avec 82 milliards, la SONABEL en a pour plus d’une année de consommation de fuel.

Ce n’est un secret pour personne que la SONABEL doit plusieurs milliards à la nationale des hydrocarbures. Des milliards qu’elle peine à payer et qui mettent en difficulté les capacités de la SONABHY à faire face à ses propres obligations. Mais visiblement cela n’a pas empêché les autorités de la transition, le Premier ministre et le ministre des Mines en tête de lancer cette opération de 82 milliards d’argent frais qui va lui passer sous le nez et aller enrichir d’autres opérateurs ! Ces 82 milliards pouvaient éponger la dette que la SONABEL doit à la SONABHY et, mieux, lui permettre de se refaire une santé. D’autant plus qu’au 3 mars 2015, la SONABEL restait redevable à la SONABHY de 39 343 252 156 FCFA. C’est vraiment à ne rien comprendre ! Si le souci des dirigeants était de résoudre véritablement les problèmes de la SONABEL, ils n’avaient aucune raison de s’y prendre de cette manière qui, non seulement viole de nombreuses dispositions légales, mais lèse les intérêts directs d’une autre société d’Etat, la SONABHY, tout en hypothéquant dangereusement les intérêts nationaux

Source: l'opinion

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