Thomas SANKARA: Les sociétés civiles française et burkinabè appellent la France à « lever maintenant le secret-défense »

A l’occasion de la commémoration de l’assassinat du président du Burkina Faso, des représentants de la société civile française et burkinabè appellent les autorités françaises à ne plus faire entrave à la justice.

Trente ans après Sankara, la France doit poser des actes
Il y a trente ans, le 15 octobre 1987, le président du Burkina Faso Thomas Sankara était assassiné, signant l’arrivée de Blaise Compaoré au pouvoir. Il y a trois ans, soulevant un formidable élan d’espoir en Afrique francophone, le 30 octobre 2014, la rue burkinabé se levait pour chasser du pouvoir cet autocrate corrompu et pilier régional de la Françafrique, resté au pouvoir pendant vingt-sept ans avec l’appui de la France. Cet événement, chargé de symbole, aurait dû enfin interpeller les responsables politiques français. Il n’en a rien été.
Depuis un an, la demande de commission rogatoire émise par la justice burkinabé afin d’enquêter sur les éventuelles complicités françaises et de lever le Secret défense sur les archives françaises relatives à l’assassinat de Thomas Sankara, est restée lettre morte: ce refus de coopérer avec les juges burkinabés bloque les investigations sur les possibles complicités internationales dont ont bénéficié les assassins d’un président africain en exercice. Si leur procès a lieu sans les informations que protège le pouvoir français, l’impunité sera une fois de plus encouragée.
Quelques mois après avoir ordonné l’exfiltration de Blaise Compaoré et ses proches par l’armée française et permis ainsi au vieux dictateur d’échapper à la justice de son pays, le président François Hollande s’était engagé à déclassifier ces archives. Mais les promesses n’engageant que ceux qui les croient, ces secrets de la République restent inaccessibles et la justice se heurte une fois de plus à la realpolitik françafricaine.
Comme si ce mépris ne suffisait pas, les autorités françaises couvrent désormais un nouvel affront fait aux magistrats burkinabé. Deux mois après que ceux-ci ont rendu publique l’émission d’un mandat d’arrêt international contre François Compaoré, ce frère et bras droit de Blaise Compaoré s’est targué dans la presse française de circuler librement dans l’Hexagone [1], en prétendant qu’il n’existait aucun mandat le concernant –une dénégation déjà utilisée par son avocat fin juillet [2].
A Ouagadougou, où Emmanuel Macron prévoit de se rendre le mois prochain, les juges d’instruction soupçonnent le frère du dictateur déchu d’être impliqué dans un assassinat emblématique: le 13 décembre 1998, Norbert Zongo, le journaliste le plus populaire du pays, et les trois personnes qui l’accompagnaient étaient mitraillés dans leur véhicule, ensuite incendié. C’est le commanditaire présumé de cet assassinat politique que protège la France si elle n’exécute pas le mandat d’arrêt international.
Trente ans après l’assassinat d’un président qui continue d’incarner l’espoir pour la jeunesse africaine et le martyr face aux crimes de la Françafrique, trois ans après que la rue burkinabé a envoyé un puissant appel à cesser de soutenir des régimes illégitimes, il est temps d’entendre le message: des mouvements populaires similaires bouillonnent au Togo, au Cameroun, au Gabon, au Congo-Brazzaville –autant de dictatures que la France continue de soutenir activement.
Plutôt que de vagues promesses lors d’un discours à l’université de Ouagadougou le mois prochain, l’exécutif français doit désormais poser des actes: la rapide levée du Secret défense sur les documents relatifs à l’assassinat de Thomas Sankara et l’arrestation de François Compaoré, pour permettre à la justice burkinabé de faire enfin son travail, sont indispensables.
Signataires : Mathieu Lopes, coprésident de Survie; Bruno Jaffré, animateur du réseau international «Justice pour Sankara, justice pour l’Afrique»; Abdoulaye Diallo, coordinateur du Centre national de presse Norbert Zongo; Me Guy Hervé Kam, porte-parole du mouvement «Balai Citoyen».
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