Plus d’un an après son arrestation à Paris, François Compaoré saura mercredi si la justice accepte de l’extrader vers le Burkina Faso, où ce frère de l’ancien président déchu Blaise Compaoré est mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998.
Âgé de 64 ans, François Compaoré, aujourd’hui sous contrôle judiciaire, avait été arrêté à l’aéroport parisien Roissy-Charles-de-Gaulle en octobre 2017 sur la base d’un mandat d’arrêt émis le 5 mai 2017 par les autorités de Ouagadougou. A ce jour, il n’est pas inculpé dans son pays dans cette affaire.
Alors qu’il enquêtait à l’époque sur la mort de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, Norbert Zongo et trois personnes qui l’accompagnaient avaient été retrouvés morts calcinés dans leur véhicule le 13 décembre 1998 à Sapouy (sud du Burkina Faso).
A Paris, le parquet général s’est déclaré favorable à cette extradition. Une procédure contestée par les avocats de M. Compaoré, Me Pierre-Olivier Sur et Mathias Chichportich qui en dénoncent le caractère irrégulier et « exclusivement politique ».
A l’appui de leur défense, les avocats soulèvent l’imprécision du mandat d’arrêt, le non-respect de la condition de double incrimination – l’infraction poursuivie au Burkina Faso d' »incitation à assassinat » n’existe pas en France – et le risque de voir la peine perpétuelle s’appliquer à M. Compaoré.
Initialement prévue en juin, la décision sur l’extradition avait dû être reportée dans l’attente de la transmission de nouvelles pièces. La cour avait réclamé au Burkina Faso des « éléments matériels précis ».
Dans ce contexte, les avocats ont demandé à la cour d’écarter ces nouvelles pièces, affirmant que le magistrat instructeur de Ouagadougou avait rajouté des éléments à charge dans un témoignage oculaire ancien pour tenter de démontrer l’implication de M. Compaoré dans les assassinats.
Ils ont déposé en octobre une plainte à Paris pour « faux et usage de faux criminel » en visant ce magistrat, doyen des juges d’instruction de Ouagadougou. « Cet ajout ne peut être le résultat d’une simple erreur matérielle mais caractérise bien une intention frauduleuse », avaient souligné les avocats.
– Un dossier rouvert –
Un arrêt de 2014 de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, condamnant le Burkina Faso pour avoir manqué de diligence dans son enquête sur ces assassinats est également au coeur des débats.
A l’audience en mars, l’avocate du Burkina Faso, Me Anta Guissé, avait soutenu que c’est notamment en raison de cet arrêt que le dossier avait été rouvert par la justice burkinabè. « Ce qui vous est demandé, c’est que la justice burkinabè puisse faire son travail », avait-elle ajouté devant la cour, relevant que François Compaoré s’était « soustrait » à cette justice en quittant le pays.
A l’inverse, Me Mathias Chichportich avait fait valoir que, selon cet arrêt, M. Compaoré avait bien été entendu par la justice de son pays en tant que témoin et qu’il ne pouvait pas être reproché à l’Etat burkinabè, alors dirigé par son frère, d’avoir fait obstruction à la justice à cet égard.
Classé en 2003, après un « non-lieu » en faveur du seul inculpé, le dossier Zongo a été rouvert à la faveur de la chute de M. Compaoré fin octobre 2014, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir.
Le 15 décembre 2015, trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de M. Compaoré, ont été inculpés.
Le président français Emmanuel Macron a évoqué l’affaire lors de sa visite fin novembre 2017 au Burkina: « Il appartient à la justice française de prendre sa décision, je ferai tout pour faciliter celle-ci », avait-il affirmé.
François Compaoré s’est enfui du Burkina lors de l’insurrection populaire d’octobre 2014. Il s’était alors réfugié en Côte d’Ivoire et avait obtenu la nationalité ivoirienne.