Député Juliette Bonkoungou : peut-on faire du nouveau avec du vieux ?

Manifestement, la présence de Juliette Bonkoungou à l’Assemblée nationale comme député dérange plus d’un. Combien sont-ils, notamment les insurgés, à avoir soupçonné sa présence sur les listes électorale en tant que candidate, à fortiori, imaginer son élection au sortir des résultats législatifs ? Si certains ont pu contenir ce rejet ou l’exprimer simplement dans le forum Internet, d’autres iront plus loin pour exprimer leur réprobation.



C’est alors que le Conseil constitutionnel a enregistré nombre de recours, soldés par des échecs, les uns après les autres, finissant paradoxalement par fortifier la posture de l’intéressé en question. Compte parmi ces recours sans suite favorable, celui illustre de l’ancien Président du CNT (ou Président de l’ex-CNT).

Juliette Bonkoungou étant une figure symbolique forte de l’ex-régime, s’il est vrai que ce mandat dérange certaines opinions, il n’en demeure pas moins qu’il a aussi ses aspects positifs. L’Assemblée présente un visage polychrome avec Mme Bonkoungou comme troisième vice-présidente, prenant ainsi de court, toute spéculation sur l’inclusion/exclusion. Cependant l’autre limite que l’on pourrait relever renvoie à une question d’un grand intérêt posée jadis par l’auteur Patrick Quantin à savoir : peut-on faire du nouveau avec du vieux ? Certes, Juliette Bonkoungou n’est pas la doyenne des députés de la présente législature mais ne dit-on pas que la jeunesse et la nouveauté c’est plutôt dans la façon de faire !
A ce niveau, pour le moment, Juliette Bonkoungou montre par ses prises de positions, toute la difficulté d’accepter le présent comme tel, d’inscrire la nation dans la marche inéluctable de l’Histoire pour avancer. Il ne s’agit point de propos en l’air. En effet, suite à l’attentat Splendide-Cappuccino du 15 janvier, Juliette Bonkoungou - dans ses propos de l’émission « Dimanche politique » de Radio Oméga -, voit dans un « illustre » condamné pour atteinte macabre à la République, un possible recours pour obtenir plus de lumière, en perspective de contrer les mouvements terroristes. Dans son propos, le général Gilbert Diendéré apparaît comme un expert, un renseigné, un bouclier pour le Peuple burkinabè, auprès duquel on pourrait encore se rendre pour prendre quelques renseignements, sinon quelques cours sur le terrorisme…

Avec une telle posture, bon gré mal gré, l’on se sent obligé de tenter d’établir une hiérarchie entre deux ignominies, toutes condamnables : un coup d’Etat vaut-il encore mieux qu’un attentat terroriste ? Un coup d’Etat dans son mode opératoire n’intègre-t-il pas au besoin des actes terroristes ? Le coup d’Etat de Diendéré n’était-il pas terrorisant ? Le Gouvernement Kafando-Zida n’avait-il pas été pris en otage avec le Président et les ministres ? N’y a-t-il pas eu des morts, des blessés, des attaques ciblées d’organes médiatiques ? N’y a-t-il pas eu usage disproportionné de blindés, de Kalachnikovs, de roquettes contre un Peuple aux mains nues ? L’Union Africaine n’a-t-elle pas qualifié le « putsch Diendéré » de terroriste ? Un acte terroriste serait-il à minimiser par rapport à un autre ?

Comment pourrait-on faire recours à l’expertise d’un général incapable de mesurer l’inopportunité d’un pronunciamiento post-insurrectionnel au 21ème siècle, qui aura échoué en moins d’une semaine face à la résistance farouche du Peuple Burkinabè déterminé ? Pourquoi tout un Peuple devra t-il s’en remettre à l’expertise d’un officier général d’armée qui aura réussi à échouer dans la formation de la relève conséquente respectueuse des valeurs de la République démocratique au bout de 27 ans de règne ? Comment accepter le culte de la personnalité, la culture des individus indispensables dans une société burkinabè nouvelle, pluraliste et post-insurrectionnelle aspirant à une véritable démocratie équitable et ouverte ?
Dans le Burkina nouveau en construction, le citoyen quelconque, inconnu et abusivement dit « anonyme » a montré toute sa capacité, toute sa bravoure pour ouvrir les perspectives à une nouvelle forme de gouvernance que beaucoup savourent discrètement avec joie aujourd’hui. Comptent parmi les Martyrs de la République, beaucoup de ces « Anonymes ». Dans ce Burkina nouveau, la confiance doit être accordée de façon institutionnelle au citoyen quelconque pour faire preuve de ses capacités face aux défis du moment. C’est pourquoi il ne convient nullement de penser que seul le retour aux anciens réflexes, aux anciens acteurs du régime déchu pourrait être le salut du Peuple !

A ce titre, il convient de rappeler quelques deux illustres exemples totalement démarqués de l’ancien régime, qui ont été d’un apport considérable pour l’esprit du mouvement insurrectionnel.

En effet, le citoyen Ambaterdomon Angelin Dabiré, par un effort sérieux, patriotique et républicain, a par son seul recours auprès du Conseil constitutionnel, fait rejeter la candidature de plus d’une QUARANTAINE de personnes décriées pour leur inéligibilité au regard des dispositions du code électoral. Un résultat fort appréciable du côté de l’opinion publique, et sans commune mesure avec la moisson de partis politiques. On peut s’interroger sur ce qui adviendrait des résultats nominaux législatifs ou des possibles tensions sans ce recours légal avec succès…

Face au « putsch Diendéré », il nous revient également que des officiers républicains et loyalistes en phase avec la marche révolutionnaire de notre pays, non trop connus du grand public, ont pris courageusement toutes leurs responsabilités pour barrer la route à l’aventure putschiste et y mettre fin dans l’accompagnement du Peuple révolté !

C’est seulement en témoignant de la reconnaissance officielle de telles contributions salutaires faites souvent loin des organes institutionnels habituels du pouvoir (Gouvernement, parlement, parti politiques, institutions constitutionnelle, etc.) que l’on réussira à placer les citoyens d’une même nation sur un pied d’égalité et renforcer du même coup, le sentiment de patriotisme, d’autant plus que tous ne peuvent pas être gouvernants et gouvernés à la fois…

Dans le Burkina Faso désormais dans le collimateur de funestes projets terroristes et réactionnaires de déstabilisation, ce paramètre démocratique essentiel mérite une urgente attention et prise en compte à tous les niveaux... En effet, seul le sentiment d’égalité de traitement, de contribution, de chance de tous devant les lois, les règlements et les fruits de la République, est ciment suffisamment fort de l’unité et de la solidarité nationales, valeurs apparaissant à notre sens, comme armes implacables contre la corruption et le terrorisme...
Ouagadougou, le 24 janvier 2016.

Idrissa Diarra
Géographe & politologue.
S.E. du Mouvement de la Génération
Consciente du Faso (MGC/Faso).
Institut Martin Luther King d’Etudes politiques
(IEP-ML King)
diarra.idrissa@rocketmail.com





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