Comme vous le savez,notre pays a vécu de nombreux évènements ces derniers mois qui ont bouleversé les agendas des uns et des autres. Des attentats terroristes des groupes extrémistes aux attaques de la poudrière de Yimdi et autres incendies des marchés et yaars, notre peuple a souffert les affres des forces hostiles.
Ces forces ont juré de faire regretter à notre peuple son élan libérateur qui lui redonne confiance et victoire contre ses oppresseurs. Ces douloureux évènements enseignent que la vigilance doit être de mise et que la lutte pour la liberté, la justice, le pain et la démocratie doit se renforcer et s’intensifier.
Cette conférence de presse va s’articuler essentiellement autour de trois points qui sont :
ØLe Bilan des 100 premiers jours du nouveau pouvoir;
ØLa problématique de la reddition des comptes des gouvernants, accessoirement celle des dirigeants de la Transition et;
ØLa question des Koglweogo qui défraie la chronique depuis des semaines.
Sur le premier point, nous constatons,une illisibilité dans les actions de gouvernancedu nouveau pouvoir. Il peine à affirmer réellement ses marques. Le nouveau pouvoir s’est laissé déborder par les questions sécuritaires pour n’avoir pas été diligent dans la nomination du Premier ministre et la formation du gouvernement.
Nous avons noté également une tendance à la remise en cause de la séparation des pouvoirs,notamment sur les questions judiciaires portant sur les mandats d’arrêt internationaux émis à l’encontre de Guillaume Soro, Blaise Compaoré et autres putschistes de septembre 2015. Cette velléité de remise en cause de l’indépendance de la justice s’est manifestée encore lors de la conférence de presse du président Roch Kaboré le 3 avril 2016 à Bobo-Dioulasso lorsqu’il se plaint que l’institution judiciaire ne l’a pas informé avant de transmettre les mandats d’arrêt.
Pour nous, ces propos présidentiels sont révélateurs d’une conception du pouvoir qui a la peau dure dans nos pays, celle qui considère le président comme le détenteur de tous les pouvoirs. Dans un Etat de droit démocratique, cela est inadmissible et le balai citoyen n’admettra jamais de telles attitudes autocratiques.Aucun citoyen ne peut se sentir en sécurité si un seul individu doit tout régenter.Notre peuple s’est insurgé contre cette tendance à la monarchisation du pouvoir en Octobre 2014. Il a réaffirmé sa volonté de s’affranchir du diktat d’un homme ou d’un groupe d’hommes en opposant une farouche résistance aux forces rétrogrades de l’ex-RSP et de ses officiers félons.
Le vaillant peuple burkinabè a mis au cœur de l’action publique les questions de vérité et de justice pour ses martyrs et il n’entend pas qu’elles soient sacrifiées sur l’autel des arrangements diplomatico-politiques. Le peuple reste vigilant sur les affaires pendantes à l’instar des dossiers Thomas Sankara, Norbert Zongo, DaboBoukary, les Martyrs de l’insurrection populaire et du putsch de septembre, pour enfin arrêter le cycle de l’impunité.
Le Balai Citoyen se félicite en revanche des mesures sur lamise en œuvre de la gratuité des soinspour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Sur le recrutement annoncé de près de 30000 demandeurs d’emploi, notre mouvement reconnaît qu’il est de nature à soulager un tant soit peu la souffrance de ces nombreux jeunes à la recherche d’un emploi. Cependant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. La question du chômage des jeunes, qu’ils soient diplômés ou non, ne trouvera une véritable solution que par un investissement conséquent dans les secteurs productifs comme l’agriculture, l’élevage, l’artisanat et par le développement des PME-PMI. S’agissant particulièrement du recrutement des 4200 enseignants, le Balai Citoyen reste inquiet tant sur leur impact en terme d’emplois durables que sur la qualité de l’enseignement.
Sur le second point relatif à la reddition des comptes des gouvernants, notre mouvement note que c’est une exigence constitutionnelle et éthique à laquelle tout gouvernant doit se conformer. C’est pourquoi, il salut les audits que l’ASCE-LC est en train de réaliser et nous souhaite qu’ils soient suivis d’effets s’il est établi des malversations sur les deniers publics. Pour nous, il ne doit pas y avoir d’impunité pour aucun dirigeant.
C’est pourquoi, tous les gros dossiers de malversation des différentes inspections et des structures de contrôle comme l’ASCE-LC, la Cour des comptes, le REN-LAC doivent être transmis à de la justice pour instruction.
Les affaires dites de deals de parcelles de Ouaga 2000 doivent également connaitre une suite pour mettre un terme au goût immodéré des responsables publics pour les biens du peuple.Pour nous, l’éthique doit être au cœur de la gouvernance.
C’est pourquoi, nous demandons un audit des lotissements en général et plus spécifiquement de Ouaga 2000. Cette cité aux allures modernes contient certainement des secrets nauséabonds. Toutes les personnes qui détiennent des parcelles et des immeubles dans cette partie de la capitale doivent pouvoir justifier les revenus qui leur ont permis de les acquérir.
Cela permettra de démasquer les voleurs aux cols blancs qui ont longtemps fait la pluie et le beau temps et retourner ces biens dans le patrimoine national. Parallèlement à cette opération, nous pensons que la question du foncier rural doit faire l’objet d’un audit sérieux pour prévenir la bombe foncière à retardement que constitue cet enjeux au regard de l’accaparement des terres des paysans depuis plus de 20 ans.
Sur les rapports de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) relatifs aux blanchiments de capitaux, certains ont voulu les exploiter contre ceux qu’ils considèrent comme la source de leur perte du pouvoir. Malheureusement, le gouvernement leur en a donné les raisons et les moyens en développant une communication politique, insidieuse, tendant à incriminer le régime de la Transition et des organisations de la société civile bien que sachant que le rapport porte sur la période 2009-2015.
Le Balai Citoyen souhaite que le parquet puisse communiquer régulièrement sur les affaires sensibles pour éclairer davantage l’opinion publique.
Quant au gouvernement, à partir du moment où les dossiers sont entre les mains de la justice, il gagnerait à centrer son action sur les aspirations réelles et profondes telles la justice sociale, l’équité, la sécurité, l’emploi, la santé, l’autosuffisance alimentaire du peuple au lieu de chercher des boucs-émissaires.
Enfin, sur la question des Koglwéogo, le Balai Citoyen considère que leur émergence résulte de nombreux facteurs dont entre autres la montée de l’insécurité partout dans le pays, avec des pics dans les zones frontalières, l’absence des FDS sur toute l’étendue du territoire, l’incapacité de l’Etat à assurer la sécurité pour l’ensemble de la population, la rupture de confiance entre les citoyens et les institutions comme les services de sécurité et la justice due en partie à la corruption de certains acteurs.
Le mouvement constate une forte adhésion des populations à ces structures d’auto-défenses malgré les dérives inacceptables et les risques de récupérations politiciennes et d’infiltrations de forces extrémistes. Pour le Balai Citoyen, l’heure n’est plus de se positionner en pour ou anti-koglwéogo, mais à leur nécessaire et indispensable encadrement pour qu’ils servent la loi, le droit et la République. Il est capital que les pouvoirs publics engagent un dialogue franc et fécond avec ces groupes avec l’appui des organisations de la société civile et des communautés à la base, pour que dans un premier temps, l’on puisse clairement identifier leurs domaines d’intervention et de compétence afin de rendre efficace la collaboration entre population et forces de sécurités pour la quiétude de tous.
Dans un second temps, l’Etat doit se doter d’une véritable politique nationale de sécurité avec un maillage territorial efficace et des moyens adéquats pour les forces de l’ordre afin de leur permettre de remplir avec honneur et dignité les missions régaliennes de l’Etat, seul détenteur de la violence légitime.C’est à ce prix que ces groupes d’auto-défense n’auront plus de raison d’exister.
Mesdames et messieurs les journalistes,
Le Balai Citoyen tient à vous réitérer tous ses remerciements pour votre énorme contribution à l’animation de la vie publique. Par votre travail, vous contribuez considérablement à la formation d’une opinion publique responsable qui influe positivement sur l’action des dirigeants. Nous nous réjouissons d’avoir à nos côtés des acteurs d’une telle qualité pour qu’ensemble, nous puissions œuvrer à l’avènement d’une gouvernance vertueuse centrée sur les intérêts et les aspirations de justice, de liberté et de pain pour notre peuple.
Notre nombre, est notre force!
Ensemble, on n’est jamais seul!
Je vous remercie.