Allons tout droit au but. A mon humble avis, il ne serait pas juste que le Général Nabéré Traoré siège dans le conseil de discipline contre le Général Zida au cas où un conseil de discipline devait être mis sur pied comme il doit l’être pour tout militaire en désertion. L’acrimonie entre les deux hommes a été suffisamment prouvée. Le Gal Traoré se récuser.
Ne me dites pas que si c’était la femme du Général Nabéré Traoré qui était Général de Division comme lui, il allait toujours être son juge parce qu’il est le plus gradé de l’armée. Si le Général Nabéré Traoré siège dans ce conseil de discipline, il sera difficile de ne pas y voir de la vengeance. Du même coup, ce conseil perdrait beaucoup de sa légitimité. Nous ne pourrons pas faire la part des choses entre un général humilié par un lieutenant-colonel et le général le plus gradé qui préside un conseil de discipline qui n’a rien à voir avec un conseil de vengeance. Nous sommes des hommes. La notion de conflit d’intérêts est partout, même dans l’armée. Selon le règlement militaire, le Gal Zida a commis une faute militaire. Sa permission a expiré et il n’est pas retourné à sa base. Les faits sont donc constants. Il me semble qu’il ait déserté en tant de paix.
Donc, les règles de la discipline militaire ne peuvent qu’être appliquées. Maintenant, sommes-nous obligés de le faire juger par son nemesis, son ennemi juré ? Quelle crédibilité pour un tel jugement ? Et s’il n’y avait pas un général de division dans notre armée, est-ce à dire qu’ on ne pourrait pas juger un général de division qui aurait déserté ? Le mieux qu’on a à faire, c’est de ne même pas commettre l’erreur de mettre le Général Nabéré Traoré dans ce conseil de discipline. Quelle que soit l’issue de la procédure, ce conseil de discipline rejaillirait négativement sur lui, et pire, sur la sentence. On aurait l’impression que le Gal Zida est allé au conseil de discipline déjà condamné. Que croyiez- vous qui pusse advenir à Saddam Hussein quand il fut jugé par ses meilleurs « amis » les Kurdes qu’ il a fait gazer en 1988 ?
Personnellement, je n’ai jamais vraiment approuvé la façon dont Zida s’est saisi du pouvoir en devenant le "président" après une insurrection populaire qui a vu la mort de nombreux fils et filles de ce pays, lui qui était le N° 2 du RSP. J’avais trouvé, en son temps, qu’il y avait quelque chose de pas net car si on a lutté pour le changement, ça doit être un changement et non un replâtrage d’un système décrié. Certains n’ont pas aimé ma sortie du 3 novembre 2014 (L’ armée et ses officiers supérieurs : Le deus ex machina du Soulèvement Populaire au Burkina Faso ? lundi 3 novembre 2014, http://lefaso.net/spip.php?article61592) parce que nous sommes dans une société ou les gens n’ aiment pas les nuances, les esprits critiques, et préfèrent les alignements systématiques totaux et moutonniers. Mais je suis par tempérament assez jaloux de ma liberté de penser par moi-même.
Quand il s’est bombardé général, je me suis dit que c’était simplement immoral et superflu, quelque peu clinquant même, sans être militaire, et faisant abstraction de cette notion molle et métaphysique de son mérite ou de son démérite. La question n’était même pas là-bas. Il est vrai que plus le RSP en faisait trop, plus Zida avait ma sympathie. Dans tous les cas, l’homme, apparemment, a beaucoup de limites comme nous tous peut- être, mais il nous a aidés à faire tomber le RSP. Sinon je me demande comment on aurait en fait pu faire disparaître ce monstre qui mangeait les enfants de ce pays.
Que le conseil de discipline le juge parce que les lois (militaires) sont faites pour tout le monde mais qu’on n’oublie pas non plus qu’il a été l’un des instruments utilisés (par Dieu ?) pour abattre le RSP. Je sais qu’en politique, la loi non écrite est de brûler ce qu’on peut avoir adoré hier mais faisons en sorte que le conseil de discipline qui plane sur la tête de Zida comme une épée de Damoclès ne doive rien au personnel mais aux règles militaires qui sont impersonnelles. Je suis loin de vouloir défendre le général Zida. Je ne justifie pas ses actes ou non- actes. Il pourra répondre de ses actes si on lui demandait des comptes, je suppose.
Il sait que je ne suis ni un supporter aveugle ni un anti- Zida primaire. Par exemple, je n’ai jamais cru que c’était judicieux de se nommer général bien avant même la fin de la transition. On ne peut pas être juge et partie. Car si on devait récompenser les uns et les autres dans cette lutte épique qui a opposé le peuple à Blaise Compaoré et à son système historiquement dépassé, on n’allait pas finir de récompenser les uns et les autres. Mais ne faisons pas non plus comme si Zida avait été entièrement une calamité.
Toutefois, Zida aurait dû faire comme Rawlings qui est parti à la retraite en tant que capitaine d’aviation et qui se promène en culotte accompagné de sa femme dans le marché central d’ Accra appelé Makola Market ; et Sankara qui a été assassiné comme capitaine quand il aurait pu se faire nommer général d’ armée, mais dont l’ aura continue d’ irradier tout une nation, tout un continent et au- delà, de quoi faire pâlir de jalousie des présidents à vie qui savent qu’on les hait autant qu’on les craints ou qu’ on les a craints. Les grades, au même titre que les diplômes, ont ceci de particulier qu’ils ne vous ajouteront rien que vous n’ ayez réellement au-dedans de vous-mêmes auparavant.
Mais mon Général (Nabéré Traoré), ne commettez pas l’erreur de juger votre ennemi mortel. Quel que soit le verdict, vous ne sortirez pas grandi d’un tel processus. Sur un plan plus personnel, sachez que c’est un de vos oncles qui connaît bien votre famille qui vous parle. Ne vous sentez pas offensé par mon franc-parler. Léopold, Sodéré et Sobièrè savent que c’est comme ça que je m’exprime. Ou alors je me tais.
Touorizou Hervé Somé, MBA, Ph.D.
Maître de Conférences (Associate Professor)
Sociologie de l’Éducation/ Éducation Internationale Comparée
Ripon College, Ripon
Wisconsin 54971
Email : burkindi@gmail.com