Ceci est une tribune de l’avocat au barreau de Nancy et du Burkina, Paul Kéré qui demande la libération impérative et sans délai de Madame Safiatou Lopez-Zongo .
Aux termes d’un communiqué sommaire, bref et circonstancié, signé par le Premier Substitut du Parquet de Madame Le Procureur du Faso, Harouna Yoda et contenant curieusement des inexactitudes inhabituelles de la part du parquet, chacun a pu lire que « dans la nuit du 28 Août 2018, Dame Safiatou Fofié ZONGO épouse LOPEZ, a été interpelée par la Gendarmerie Nationale, après compte rendu fait au Procureur du Faso d’éléments qui faisaient état de son implication possible dans une tentative de faire évader des détenus de la Maison d’arrêt et de Correction des Armées (MACA).
Son interpellation qui s’est déroulée en présence de son avocat a été faite dans le strict respect de ses droits et des règles gouvernant la matière dans le code de procédure pénale en vigueur. Les premières auditions ont permis d’autoriser une perquisition de son domicile, laquelle s’est faite en sa présence constante. A ce jour, outre Madame Safiatou LOPEZ, deux (02) autres personnes sont en garde à vue pour les besoins de l’enquête.
Le parquet du Procureur du Faso tient à rassurer l’opinion nationale et internationale qu’il suit de près l’enquête en cours, et qu’il assurera à toutes les personnes interpellées un respect strict de leurs droits. »
Par application des dispositions de l’article 8 de la Constitution du Burkina Faso relative à la liberté d’expression de chaque citoyen burkinabè, il convient de s’insurger nettement et clairement contre ce communiqué qui, loin de « …rassurer l’opinion nationale et internationale… » comme l’a soutenu, à tort, le Premier Substitut (pour qui d’ailleurs, j’ai le plus grand respect et celui-ci le sait pertinemment) que ce communiqué n’a fait qu’aggraver, substantiellement, l’inquiétude grandissante que de nombreux patriotes sincères éprouvent des fois à l’égard du fonctionnement de notre système judiciaire.
Loin de moi l’idée de dénigrer le système judiciaire burkinabè qui, à l’instar du système judiciaire français comporte de graves insuffisances pour lesquelles il conviendrait également de consacrer, ultérieurement, un article complet dans le seul but de son amélioration par une critique constructive par exemple les longs délais déraisonnables entre la procédure de première instance et celle d’appel….
Cependant, d’ores et déjà, s’agissant de Madame Safiatou Lopez-Zongo, c’est la méthode musclée utilisée pour appréhender cette dame (qui n’a certes pas sa langue dans sa poche), (drone, barrage du quartier, gendarmes fortement armés avec des gilets pare-balle, …) qui inquiète et intrigue plus d’un burkinabè, en dépit des irrégularités et des incohérences d’une telle procédure que le Parquet dit « suivre » et non « conduire ». La nuance est de taille.
En effet, à la lecture de ce communiqué, le Premier substitut affirme, la main sur le cœur « … qu’il suit de près l’enquête en cours, et qu’il assurera à toutes les personnes interpellées un respect strict de leurs droits… ».
Or, force est de constater que lorsque le Chef de file de l’opposition est arrivé sur les lieux pour s’informer de ce qui se passait et ce, à l’appel au secours de cette dame, pour seule réponse, les forces de défense ont indiqué s’en référer à l’officier qui dirige les opérations alors même qu’à l’école de Gendarmerie, il est constamment enseigné qu’ils devaient être porteur d’un mandat d’interpellation ou d’un mandat d’amener qui devait nécessairement être exhibé à Madame Safiatou Lopez-Zongo avant son interpellation. Que nenni !
Aucun mandat, d’aucune sorte n’a donc été présenté à Madame Safiatou Lopez-Zongo avant l’irruption brutale et terrorisante dans son domicile par les gendarmes puissamment armés jusqu’aux dents, d’autant plus qu’aucune incrimination ne lui avait été initialement notifié à son domicile lors de cette interpellation et, à la date de ce jour 31 août 2018, le Premier Substitut nous enseignera à travers son communiqué que finalement cette interpellation a d’ores et déjà été faite et « … qu’ après compte rendu fait au Procureur du Faso d’éléments qui faisaient état de son implication possible dans une tentative de faire évader des détenus de la MACA.
Cette expression « Implication possible » dans une « tentative de faire évader des détenus de la MACA » a sûrement fait gentiment sourire certains internautes qui ne sont pas forcément des juristes spécialistes de la procédure pénale. Néanmoins, le citoyen burkinabè lambda sait qu’on n’interpelle pas un justiciable parce qu’il y aurait une « implication possible » dans une tentative d’infraction, mais, bien au contraire après que le Parquet ou les enquêteurs aient réuni les preuves irréfutables de cette implication qui sont présentées au préalable à la personne à interpeller. Sinon c’est l’argument de la force brutale et bête.
Même si la politique détestable a ses raisons que la raison ignore, l’opinion publique nationale et internationale doit savoir que les militaires actuellement incarcérés à la MACA et Madame Lopez-Zongo se vouent mutuellement une viscérale haine depuis le coup de force manqué du 16 Septembre 2015 de certains sous-officiers de l’ex-RSP en raison de la férocité de Madame Lopez-Zongo pour combattre ce coup de force, outre sa participation active, musclée, claire et visible lors de l’insurrection populaire. Dans ces conditions, chers compatriotes burkinabè, en quel honneur et au nom de quel devoir de redevabilité Madame Safiatou Lopez-Zongo organiserait « … une tentative de faire évader des détenus de la MACA » ?
Le fait d’énoncer de manière inexacte que « … Son interpellation qui s’est déroulée en présence de son avocat et a été faite dans le strict respect de ses droits et des règles gouvernant la matière dans le code de procédure pénale en vigueur… » a fini de convaincre les Burkinabè épris de paix et de liberté et, notamment mon excellent confrère Silvère Kiemtaraboum qu’aucune règle procédurale n’a été strictement respectée dans la mesure où ce confrère soutient ne pas avoir été présent lors de l’interpellation de Madame Safiatou Lopez-Zongo mais seulement au stade de la perquisition domiciliaire qui n’a absolument rien donné sauf des couteaux de cuisine dans la cuisine.
Quoi de plus normal ! Il me semble que pour une telle procédure musclée, digne d’un film hollywoodien à la Sylvester Stallone et compte tenu de l’importance du pseudo complot ourdi et impliquant Madame Safiatou Lopez-Zongo, Madame Le Procureur du Faso, son Premier substitut ou l’un des substituts devait être présent sur le terrain des opérations si tant est qu’une certaine importance était accordée à une telle opération d’interpellation, l’arrivée même d’un éventuel juge d’instruction sur les lieux de l’interpellation dessaisissant ipso facto le Parquet de ses prérogatives régaliennes dans la conduite de la procédure d’interpellation.
La présence de l’un des membres du Parquet de Madame Le Procureur du Faso aurai permis de constater non seulement l’absence de l’avocat lors de cette interpellation musclée mais aurait évité d’énoncer des inexactitudes dans ce communiqué inquiétant l’opinion publique nationale et internationale.
Il est vrai que Madame Safiatou Lopez-Zongo disait ceci récemment lors de la mort de son père : « le Garde des Sceaux a organisé des réunions secrètes pour dire de me piéger par tous moyens pour m’imputer des infractions, c’est pourquoi je ne sors plus de chez moi et je ne réponds plus aux appels téléphoniques que je ne connais pas… » Sic !.
Cette interpellation suis generis et les termes du communiqué du parquet du procureur du Faso donnent erga omnes, l’impression qu’une telle prophétie est en train de se réaliser inéluctablement. On peut aimer ou ne pas aimer Madame Safiatou Lopez-Zongo.
Cependant, nul ne peut lui dénier sa liberté d’opinion et d’expression surtout politique. Elle a vaillamment combattu pour l’avènement du MPP au Burkina Faso. Aujourd’hui, Madame Safiatou Lopez-Zongo est richement récompensée en monnaie de singe. C’est pourquoi, personnellement la politique sous nos tropiques est un danger permanent fait de coups bas en dessous de la ceinture, mais allons seulement !
Par conséquent, c’est un impérieux devoir de chaque citoyen burkinabè que de s’élever ouvertement contre une telle interpellation musclée au moment même ou des hommes armés non identifiés tuent impunément nos frères d’armes à nos frontières.
En tout état de cause, si nous ne nous battons pas jusqu’à la dernière goutte de sang contre ces arrestations musclées et irrégulières, la prochaine étape sera, sans doute l’arrestation du chef de file de l’opposition qui sera, à son tour, interpellé et placé en garde à vue et ensuite sous mandat de dépôt et à la fin, il n’y aura plus personne pour défendre personne et, finalement, Adieu, l’Etat de droit au Burkina Faso. Ainsi naissent les Etats totalitaires et dictatoriaux à travers le monde !
Ce vice de forme évident, savoir l’absence du mandat légal d’interpellation présenté ab initio à Madame Safiatou Lopez-Zongo lors de son interpellation musclé et qui saute aux yeux d’un profane du droit va entraîner nécessairement, non seulement la nullité de ce mandat, mais par voie de conséquence la nullité de l’intégralité de la procédure menée par les Gendarmes lors de la garde à vue à l’encontre de Madame Safiatou Lopez-Zongo et, éventuellement de la procédure ultérieure.
Pour s’en tenir strictement aux règles de la procédure pénale concernant l’interpellation irrégulière décernée, donc litigieuse et légalement contestable, au-delà même de la personne individuelle de Madame Safiatou Lopez-Zongo, il convient d’appeler, et ce, sans même connaître la nature des faits qui lui sont reprochés, (eu égard au secret de la procédure) à la libération immédiate et sans condition de Madame Safiatou Lopez-Zongo pour le vice rédhibitoire de procédure, et le péché mortel originaire de l’absence de mandat d’interpellation préalablement signifié d’un juge du siège, laquelle a, irrémédiablement plié une telle procédure illégale.
Dès lors, afin de sortir de cet « imbroglio judiciaire », où gendarmes et Parquet se sont mêlés les pinceaux, la voie royale consiste à libérer immédiatement Madame Safiatou Lopez-Zongo, nonobstant les conséquences politiques d’une non-libération que les Organisations de la société civile (OSC) ne manqueront pas de tirer. Chacun doit se rendre à l’évidence qu’aucune bagarre n’est actuellement utile dans notre beau pays, déjà tourmenté par les attaques d’individus non-identifiés.
On dit en mooré que la pluie ne peut pas vous battre et vous vous battez sous la pluie. Dès lors, la meilleure posture du procureur du Faso est d’éviter une quelconque escalade dans la surenchère d’une procédure inéluctablement viciée et pour l’instant caractérisée au fond par une « … implication possible dans une tentative de… ».
Certes Madame Safiatou Lopez-Zongo n’est pas au-dessus des lois, mais encore faut-il que les faits que les autorités de poursuite lui reprochent soient avérés. La loi demeure toujours la loi même si elle est perçue souvent comme sévère (sed lex, dura lex) et si les auteurs, coauteurs et complices de cette interpellation musclée refusent eux-mêmes d’appliquer le droit, ne serait-il pas la porte ouverte à de graves dérives totalitaires et au « torpillage » de l’Etat de Droit.
Si la violation de la loi par un citoyen « lamda » est répréhensible, elle l’est davantage encore par des acteurs et bras séculiers de la justice qui ne sont pas, eux aussi, au-dessus de la loi, les décisions étant rendues au nom du peuple burkinabè.
Ne pas dénoncer pour la postérité, cette arrestation musclée de Madame Safiatou Lopez-Zongo qui a ému plus d’un citoyen burkinabè constituerait un « silence coupable », non seulement de la part de l’auxiliaire de justice, mais aussi de l’ensemble des citoyens burkinabè soucieux du respect des textes légaux.
Non Monsieur le premier substitut, contrairement aux termes de votre communiqué, l’interpellation ne s’est pas déroulée en présence de son avocat et n’a pas été faite « dans le strict respect de ses droits et des règles gouvernant la matière dans le code de procédure pénale en vigueur… ». D’où la nécessité de libérer impérativement et sans délai Madame Safiatou Lopez-Zongo pour ne pas aggraver substantiellement la paix sociale et sa liberté individuelle.
Enfin, rappelons que le respect des règles procédurales n’est pas une question d’individu ou de personne, mais une question de principe élémentaire d’application d’un droit processuel sans lequel, aucun Etat de Droit ne peut véritablement prospérer. « La procédure étant la sœur jumelle de la liberté », selon Loisel, la libération immédiate de Madame Safiatou Lopez-Zongo ne pourrait et ne devrait souffrir d’aucune ambiguïté ou tergiversation au regard des circonstances de l’« … implication possible dans une tentative de… » mais de l’implication avérée de Madame Safiatou Lopez-Zongo dans une tentative de… » avant de procéder à son interpellation aussi musclée qu’illégale et irrégulière.
Encore faut-il que ces chefs d’inculpation lui aient été notifiés avant son interpellation musclée. N’oublions jamais que la roue tourne, et elle tourne d’ailleurs aussi vite que certains ne le croient ! Nul a besoin d’un dessin pour comprendre le peuple burkinabè au regard de la récente histoire mouvementée de notre beau pays.
Paul Kéré,
Docteur en Droit de L’Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Avocat au Barreau de Nancy et du Burkina Faso