Le gouvernement du Burkina Faso vient de décider de l’augmentation des prix du carburant à la pompe à l’issue du conseil des ministres du jeudi 8 novembre 2018.
L’essence (super) et le gasoil connaissent depuis ce vendredi 9 novembre 2018 une hausse effective de 75 Fcfa sur le prix du litre.
Le gouvernement explique cette hausse par ailleurs injustifiée par le cours en hausse du baril sur le marché international. Le ministre du commerce donne l’explication selon laquelle il s’agit pour les Burkinabé de participer à un effort de guerre. Un argument dont le cynisme rivalise avec le mépris pour la souffrance des Burkinabé qui tirent le diable par la queue dans la dignité et le courage qui les caractérisent.
Une fois de plus le gouvernement zigzague par rapport aux arguments et motivations à donner à une décision qu’il prend. Comme ce fut le cas avec la suppression de la carte consulaire biométrique au profit de la CNIB pour servir désormais de pièce unique de votation pour les compatriotes de la Diaspora.
Mais ces errements communicationnels trahissent une réalité. La fuite en avant du gouvernement en manque de solution devant certaines préoccupations publiques cruciales ainsi que le hasard des mesures et décisions prises.
Quant à l’augmentation des prix, l’attitude brutale et incohérente observée dans la prise d’une telle mesure* assez grave fait croire que le gouvernement ignore totalement le contexte socio-économique actuel vécu par les Burkinabé. Une Posture qui n’a d’autre similitude que la stratégie de survie de quelqu’un qui se noie ou d’un pendu qui se débat pour survivre à la mort.
En effet, l’argument du choc exogène qui fait croire que la montée du prix du baril a induit cette augmentation du prix du litre ne tient pas la route. Pour plusieurs raisons:
– sur le marché international il est connu que l’amélioration des relations entre les États -Unis et l’Iran entraînant l’assouplissement par rapport aux sanctions contre ce dernier a plutôt créé une situation de « marché baissier » ou « bear market » qui montre une tendance de baisse du cours du pétrole de l’ordre de 20%. Le paradoxe est ici saisissant.
– le Burkina Faso a consenti à une diminution du prix du carburant depuis 2015. Pendant deux années, bien que le prix du baril monte et descend, aucune augmentation n’a été faite. Quelle était la recette miracle de l’Etat et de la SONABHY pour ne pas augmenter les prix et pourquoi subitement cette recette est mise de côté ?
– L’Etat a opté d’apporter une subvention au secteur des hydrocarbures pour soutenir la consommation du plus *grand nombre des populations en stabilisant les prix. Que l’Etat ne soit pas en mesure d’honorer cette subvention est certainement une réalité. Pour autant l’incapacité de l’Etat à respecter ses engagements ne peut donc être endosser par les populations.
– par des réajustements de la structure des prix comprenant les taxes l’Etat avait à sa disposition une alternative pertinente et protectrice qui éviterait de faire supporter directement le fardeau au consommateur et au citoyen lambda ausssi bien de Ouaga 2000, de Karpala que du non loti ou de Baraboule.
L’ensemble des arguments développés dont des alternatives qui pouvaient permettre d’éviter cette mesure d’augmentation aux conséquences sociales catastrophiques , nous convainc avec juste raison que la vraie cause de cette situation est le besoin d’argent frais de la part de l’Etat victime de la mauvaise planification stratégique et d’une gouvernance approximative du secteur des hydrocarbures au cours des deux dernières années. Un manque criard de ressources qui contraste avec l’annonce retentissante des 18 000 milliards recueillis à Paris pour la mise en œuvre du PNDES.
Que dire alors de ce plan s’il faut recourir à des mesures extrêmes pour juste faire face à un besoin de quelques centaines de milliards ?
Et comme si les autorités voudraient elles-mêmes justifier tout le mal que l’on pense de la politique publique boiteuse en matière d’hydrocarbures qui passent pour un secteur stratégique et névralgique de l’économie nationale dont dépend directement la vie quotidienne des 20 millions de ménages, aucune autre mesure n’a été pensée pour pallier aux effets pervers dont la plus pernicieuse mais inévitable sera l’augmentation généralisée des prix sur les produits de grande consommation et les transports vue l’interdépendance de ces secteurs.
Ainsi, le gouvernement qui devait se soucier de comment anticiper toutes velléités de hausse par un dispositif n’a fait que décréter, à la hussarde, sa mesure qui n’est rien d’autre que le rançonnement du peuple en vue de renflouer les caisses de l’Etat et de la SONABHY asséchées par le manque d’intelligence managériale, le dilettantisme et le gaspillage public des ressources.
Le peuple du Burkina Faso étant déjà suffisamment écrasé par le poids de la conjoncture économique actuelle et la morosité attendait du gouvernement des efforts qui lui permettre de vivoter dans la perspective de jours meilleurs et non d’être asphyxiés. Mais le gouvernement semble avoir fait le choix de livrer le peuple à la misère et la géhenne noire de la vie chère dans laquelle l’augmentation des prix va précipiter tout le monde.
Le gouvernement et la SONABHY pouvaient bien éviter cette calamité socio-économique. Mais ils ont préféré la voie de facilité qui consiste à pressurer la population pour obtenir un cash flow en milliards au lieu d’assumer leur responsabilité en fournissant des efforts de technocratie.
L’unité d’action de la société civile rejette cette augmentation des prix du carburant qu’elle juge injuste, désastreuse et irresponsable. Et trouve cynique de parler d’effort de guerre quand les autorités elles mêmes sont épargnées de cet effort au regard des moyens de l’Etat notamment les dotations en carburant mises gracieusement à leur disposition.
Au regard de ce qui précède nous :
– appelons le gouvernement à lever la mesure d’augmentation immédiatement et s’il y a lieu d’évoquer la question des hydrocarbures que cela soit fait à travers des discussions avec les forces vives regroupées au sein des organisations sociales et politiques représentatives,
– Relevons l’échec de la SONABHY et exigeons par conséquent le limogeage du directeur général,
– Invitons les syndicats, les OSC, les partis politiques à se saisir urgemment de la question vu que cette décision est à tout point de vue anti sociale et aura des conséquences humaines, économiques et sociales dramatiques.
– Exigeons du gouvernement de dévoiler son dispositif anti inflationniste à l’opinion publique.
Pour les Organisations membres de l’UNAS
Le président du Mois
Pagomziri Alexandre OUÉDRAOGO