Lettre ouverte à monsieur le Ministre de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation au sujet de la mauvaise gestion des ressources humaines.
Monsieur le Ministre,
La population burkinabè en se mobilisant les 30 et 31 octobre 2014 pour chasser du pouvoir Blaise COMPAORE et son CDP, était animée d’un seul idéal : celui de la restauration de la démocratie vraie, la lutte contre l’injustice et la mal gouvernance. Le slogan fétiche à savoir « plus rien ne sera comme avant » qu’elle avait alors lancé et qui nous est tous cher, doit être respecté.
Le gouvernement de la transition en nommant à la tête du MENA un sankariste doublé du militant syndical, savait qu’il y avait assez de casseroles que traînait ce département et dont la gestion nécessitait du patriotisme, de l’intégrité et de la fermeté. Les partenaires sociaux que nous sommes, avions en tout cas accueilli votre nomination avec soulagement et espoir. L’espoir qu’enfin les pratiques peu orthodoxes jusque-là observées dans ce ministère prennent fin et que les grands chantiers tel que le continuum pour lequel nous n’avons eu de cesse de dénoncer les travers (manque d’infrastructures, de personnel, problèmes administratifs et juridiques etc.) connaitront un début de solution. Hélas ! Quel ne fut notre désillusion quant en fin de compte nous cherchons en vain les progrès réalisés. Tout au contraire, le département a reculé sur bien de chantiers, mais là n’est pas notre propos. Nous n’évoquerons cependant ici que le cas de la gestion des ressources humaines, l’un des maillons faibles de la gouvernance dans ce ministère.
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Monsieur le Ministre, à vous écouter aux premières heures de votre prise de service, vous n’aviez cessé de dénoncer la pléthore des suppléants dans les grands centres urbains, notamment Ouagadougou et Bobo-Dioulasso où ces deux villes cumulaient à elles seules, plus de 2000 suppléants. C’est ainsi que des écoles de trois classes se sont retrouvées avec treize enseignants au lieu de trois ou quatre tout au plus. Comme pour prendre le taureau par les cornes vous avez mis sur pied un comité technique chargé de réfléchir sur cette problématique au mois de décembre 2014. Suite à votre décision d’affecter tous les instituteurs principaux de la province du Houet, le SNEAB vous avait interpellé sur les conclusions de ce comité qui n’avaient jamais été mises en œuvre. C’est enfin le 30 octobre 2015 qu’une réunion fut convoquée à cet effet mais reportée à la dernière minute sans aucune explication sur les motifs du report. Elle sera encore programmée pour le 17 novembre 2015 mais une fois de plus reportée.
Au moment où la transition s’achemine irrémédiablement vers sa fin, et où chaque parti politique bat campagne avec pour maître mot la bonne gouvernance, le SNEA-B comprend difficilement vos actes aux antipodes de votre profession de foi sur la gestion de la chose publique. En effet, nous apprenons que monsieur le ministre, contre toute attente, a affecté à travers une trentaine de notes par nécessité de service, près de 500 enseignants dont plus de 300 pour la ville de Ouagadougou. Pour notre propre information, nous avons pris contact avec votre directeur de cabinet pour obtenir officiellement lesdits actes afin de comprendre. Grande fut notre surprise face au refus de mettre ces actes à notre disposition avec de fallacieux prétextes alors qu’ils sont diffusés sur le terrain. C’est pourquoi, nous nous sommes donné les moyens de les rassembler pour analyse. Ce que nous avons vu est tout simplement stupéfiant. Le gouvernement de la transition censé rompre avec ces pratiques que nous dénoncions sous l’ancien régime à travers votre département vient de battre tous les records de mauvaise gestion des ressources humaines observés jusque-là. Le SNEAB n’aurait pas à redire si ces affectations étaient au moins effectuées dans le respect des textes et suivant réellement les nécessités de service au regard des expressions de besoin formulées par les chefs de circonscriptions, dans la mesure où c’est légal que l’autorité puisse opérer des ajustements dont les critères sont à sa seul discrétion. Mais ce que nous avons relevé sur ces actes dépasse notre entendement et défie toutes les règles de bonne gouvernance au regard des énormes irrégularités tant de forme que de fonds. Nous osons croire que certaines choses se sont faites dans votre dos.
En résumé nous avons relevé :
une violation des textes encadrant les affectations : par exemple, aucun IAC ne peut quitter sa région d’affectation avant d’avoir accompli 6 ans de service effectif. Plus de 245 IAC sont affectés dont beaucoup ne remplissent pas les conditions requises.
plus de 400 enseignants que monsieur le ministre vient de faire rentrer dans la ville de Ouagadougou, alors que cette ville compte déjà plus de 1000 suppléants. Au même moment des enseignants ayant plus de quinze ans d’ancienneté ont été recalés lors des affectations par convenance personnelle au motif que Ouagadougou n’a pas de postes vacants ;
Malgré la pléthore de suppléants, la province du Kadiogo a paradoxalement tout de même des postes vacants dans les départements ;
Ce vaste mouvement de personnel s’est effectué sur fond de corruption. Des enseignants ont payé jusqu’à 350 000 f pour recevoir le précieux sésame ;
Consécutivement à cette spéculation, il se trouve que des responsables syndicaux sont accusés sur le terrain et sur les réseaux sociaux (particulièrement Facebook) par leur silence coupable si ce n’est leur implication active.
Par ailleurs, il faut noter qu’une telle pratique a pour conséquence fâcheuse la privation de nombreux élèves de leurs enseignants en milieu rural car à coup sûr la majorité de ces enseignants qui viennent d’être affectés étaient titulaires de classes.
Ces nombreux enfants burkinabè méritent une scolarité normale et une éducation de qualité comme leurs camarades de la ville.
Monsieur le ministre, face à ces accusations dont font l’objet les responsables syndicaux dans cette funeste opération digne d’un autre régime, le SNEAB tient à dégager toute responsabilité, à s’élever contre cette pratique qu’il dénonce et exige que toute la lumière soit faite sur cette affaire ténébreuse pour situer la responsabilité des uns et des autres.
Par ailleurs, il exige :
le respect strict des textes en matière d’affectation car 500 personnes ne peuvent avoir toutes au même moment des problèmes de santé, surtout quand elles ont moins de trois ans de service.
l’annulation de tous les actes irréguliers.
Il s’indigne du refus manifeste que lui a opposé votre cabinet quant à l’obtention officielle des différents actes mais n’est pas surpris par ce comportement qui n’est pas une première. Y a-t-il quelque chose qu’on nous cache ? Nous croyons que ce sont des actes de diffusion générale et non confidentiels. La volonté manifeste d’écarter les partenaires sociaux de certaines prises de décisions est un choix que vous avez fait dès le départ. Nous nous rappelons encore notre première demande d’audience à vous adressée ; elle n’a été traitée que trois mois après son dépôt après plusieurs plaintes. Le meilleur joueur dans le stade est le spectateur au bord de la pelouse, être acteur sur le terrain est une autre paire de manche. Le SNEAB en fait le constat amer.
Tout en vous souhaitant une bonne réception et toujours animé de la volonté de trouver ensemble les solutions aux problèmes de notre système éducatif, je vous prie de croire Monsieur le Ministre, en l’expression de ma parfaite considération.
Pour le bureau national
Le secrétaire général
Séma BLEGNE
Chevalier de l’ordre national