Cafouillage administratif au CSC : Les vraies raisons de la prétendue suspension du SG

Le 5 avril 2018, le Vice-président (VP) du CSC, Monsieur Désiré COMBOIGO prenait un arrêté pour « suspendre » le Secrétaire Général (SG) du Conseil Supérieur de la Communication, M. Louis Modeste OUEDRAOGO suivi d’un communiqué à la presse. Bien avant, lee 23 mars 2018, il faisait publier également, dans les mêmes conditions, un communiqué portant reversement de M. Christian ZONGO, Directeur de la Communication et des Relations publiques, à son ministère d’origine.

L’élaboration et la publication de ces actes interviennent dans un contexte marqué par l’adoption, le 22 mars 2018, par l’Assemblée nationale de la loi modifiant la loi organique portant attributions, composition, organisation et fonctionnement du CSC. Cette loi modificative vise le renouvellement intégral du Collège des Conseillers, c’est-à-dire le départ de tous les membres actuels du Collège dont le sieur COMBOIGO pour des raisons de mésententes profondes entre conseillers empêchant l’institution de bien fonctionner.

Le présent article analyse, d’une part, la régularité de ces actes du point de vue du droit (I) et apprécie, d’autre part, l’opportunité de leur élaboration dans un contexte de départ imminent de son auteur du CSC (II).

II – De la régularité des actes pris par le Vice-président

L’arrêté de suspension du Secrétaire Général pour « insubordination et indiscipline notoires » ne résiste pas une seule seconde à la critique objective du point de vue du droit. Trois arguments principaux peuvent être présentés. Ceux-ci portent sur :

1 – La nature juridique du texte (un arrêté). On peut se poser légitimement la question de savoir si un arrêté peut mettre fin à la « vie » d’un décret, quand on sait que le SG a été nommé en Conseil des ministres par décret. La réponse est incontestablement NON. En droit, un texte de rang inférieur ne saurait contredire ou mettre fin à la « vie » d’un texte de rang supérieur. C’est ce qu’on appelle la hiérarchie des normes juridiques, bien connue de tous les étudiants de première année de droit. Ainsi, en prenant un arrêté pour suspendre les dispositions d’un décret, l’auteur dudit arrêté viole le principe fondamental de la hiérarchie des normes. Une vraie aberration juridique qui ne saurait être tolérée dans une société démocratique. Admettre cette pratique, c’est accepter qu’un décret puisse modifier le contenu d’une loi, qu’une simple loi puisse déroger à une loi organique, etc. Ce qui est inadmissible.

2 – Le signataire de l’arrêté. L’arrêté de suspension a été signé par M. Désiré COMBOIGO, Vice-président du CSC (après une délibération du Collège des Conseillers du CSC). Ni le VP, ni le Collège des Conseillers ne sont compétents pour ce genre d’acte. Le VP n’a pas de pouvoir de nomination au sens de la loi organique régissant le CSC. Cette compétence est du ressort exclusif du président du CSC conformément à l’article 40 de la loi organique suscitée. Par ailleurs, il est question dans le communiqué de la qualité de « Vice-président assurant la plénitude des fonctions du président du CSC ».  Cette qualité n’existe nulle part dans la loi organique, texte de base régissant le fonctionnement du CSC. Ce texte ne parle que de la qualité de « président du CSC », de « Vice-président » (sans aucune autre précision) et de Conseillers. La loi organique est très claire. En cas d’empêchement temporaire du président, le Vice-président assure l’intérim momentané.

3 – L’objet de l’arrêté : suspension pour « insubordination et indiscipline notoire » en application des dispositions de la loi 081. Cette loi ne donne aucun pouvoir au Collège des Conseillers ou à un Vice-président de suspendre un agent public. Il s’agit là également d’un abus d’autorité car à la limite une telle décision appartient au Conseil de discipline et non à une session du collège des Conseillers qui ne délibère que sur des questions de régulation des médias.

De ce qui précède, on note que cette suspension ne respecte aucun texte et ne répond à aucune logique juridique. Madame OEDRAOGO/GARANE qui est juriste, chargée de mission au CSC et membre du HCRUN aurait dû soulever ces irrégularités.

En tout état de cause, l’expérience a montré que la violation flagrante des textes juridiques cache souvent des non-dits, c’est-à-dire des raisons d’ordre personnel.

II – Les vraies raisons de la suspension du SG par le VP

L’analyse d’un acte de gestion des ressources humaines, quoiqu’illégal, nécessite que l’on s’attarde sur l’opportunité et le contexte de son adoption. Nous avons relevé que l’acte de reversement du Directeur de communication et celui de suspension du SG sont intervenus après l’adoption de la loi modifiant la loi organique par l’Assemblée nationale, le 22 mars 2018. Dans un cotexte de départ imminent du CSC, le VP – qui n’a pas de pouvoir de nomination- devrait-il poser de tels actes ? Assurément NON, sauf à vouloir satisfaire un intérêt personnel et à diviser davantage le personnel.

En effet, tout porte à croire que la vraie raison de l’« insubordination » et de « l’indiscipline notoire » dont parle le Président intérimaire réside dans le lancement de marchés publics. Selon des informations, le Vice-président, à travers les services financiers, a demandé au SG de signer des fiches de déblocage du budget du CSC à hauteur de 200 millions. Ce déblocage devrait aboutir au lancement de marchés publics et prenait en compte la construction d’une délégation régionale du CSC au Nord à Ouahigouya. Le SG a estimé que cette opération n’était pas opportune. Jugez-en ! A 2 ou 3 semaines de son départ d’une structure, on doit se garder de lancer de telles opérations, on doit éviter de prendre des actes susceptibles de mettre en péril la cohésion.

Face au refus du Secrétaire Général de signer les fiches de déblocage destinées au lancement de marchés afin d’éviter de se rendre complice des agissements du VP, ce dernier a procédé à sa « suspension ». Cette suspension et la nomination d’un « SG par intérim » en la personne de Madame OUEDRAOGO/GARANE Fatoumata vise à faire signer prioritairement lesdites fiches aux fins de lancement des marchés.

On comprend aisément l’esprit de la « suspension » forcée qui ne respecte nullement les textes en vigueur.

Cet arrêté de suspension tout comme le communiqué de reversement du Directeur de la communication ne peuvent produire aucun effet de droit. Face à un ordre manifestement injuste, nul n’est tenu.

Tout rédacteur d’un texte juridique doit se remémorer la citation du célèbre Juriste Portalis qui disait que « les lois selon ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Il ne faut point de lois inutiles ; elles compromettraient la certitude et la majesté de la législation ».

Klazanga Sibiri Ouattara,

Juriste en droit public

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