Il n’est pas coutume de raconter en public son passage dans un centre hospitalier, mais le scénario lugubre que j’ai vécu et qui contraste avec l’espoir que revêt un patient quand il se rend à l’hôpital, mérite que l’opinion publique soit informée de ce qu’est véritablement le CMA du secteur 30 qui n’a rien d’un centre qui a de l’hospitalité.
Il est 20h30 quand je suis informé que mon oncle accidenté s’est rendu au CMA du secteur 30 pour se faire soigner. Arrivé, avec l’arcade sourcilière en lambeaux, il sera pris en charge par l’équipe d’urgence présente sur place.
Seulement, la suture qui lui a été faite n’aura pas résisté bien longtemps, parce que faite avec un fil trop épais (fil 2/0). Une hémorragie s’installe alors et c’est là que le calvaire commence.
Entre temps, l’équipe qui l’a pris en charge a laissé la place à une nouvelle qui doit assurer la garde pour la nuit.
Mon cousin s’en va donc à la salle de garde informer de l’hémorragie. Il est reçu par une dame en tenue verte que j’appellerai dame aux lunettes. La première réaction de cette dame est de dire que ce ne sont pas eux qui ont pris en charge le patient et que par conséquent elle ne peut rien faire. Sur insistance de mon cousin, elle finit par venir constater l’hémorragie du patient. Au constat, elle affirme que la suture a été mal faite mais comme ce n’est pas son équipe qui s’en est chargée, il faut appeler ceux qui l’ont fait pour qu’ils viennent constater leur travail.
Finalement, après un moment d’hésitation, ils nous prescrivent l’achat d’un fil de suture plus fin (du fil de suture 4/0), pour recommencer la suture.
Après avoir parcouru une dizaine de pharmacies de garde dont celles de Yalgado, le fil en question est introuvable.
On leur demande alors la conduite à tenir. Un monsieur en blouse blanche, qui apparemment était celui qui devait se charger de la nouvelle suture me dit de patienter 10mn le temps qu’il vienne avec une décision. 10 minutes passées, j’étais obligé de repartir vers lui avant qu’il ne me dise que l’on peut prendre du 3/0 à défaut. J’informe donc mon cousin de se dépêcher pour en amener.
Entre temps, dans nos recherches désespérées, une connaissance du blessé a fait savoir qu’il avait avec lui du fil 6/0, beaucoup plus fin. Etant du corps médical, il demande donc à parler au téléphone à un soignant. Tous ceux qui étaient dans la salle de garde refusent de prendre le téléphone.
C’est alors que je rencontre la dame aux lunettes qui me dit que le fil 6/0 était même meilleur que le 4/0 qui a été prescrit au départ. On se retrouve donc avec deux fils au choix pour la suture.
Seulement l’agent qui est chargé de la suture, une fois informé de l’arrivé des fils, disparait pour ne réapparaitre que trente minute après.
Pendant ce temps d’attente, le patient est pris de palpitations. Je m’en vais informer à la salle de garde. La dame aux lunettes me promet de venir le voir. 10 minutes après elle ne vient toujours pas. Je retourne dans la salle de garde et je vois madame en train de suivre le journal de campagne à la télé.
Le ton monte entre nous et avec moi tous les autres accompagnants qui en avaient assez des tergiversations qui duraient depuis bientôt 4 heures.
Dans ce vacarme,un monsieur en civil vient vers nous, prend connaissance de nos préoccupations et appelle au téléphone un autre monsieur cette fois en tenue bleue qui vient alors calmer la situation. Grâce à cette dernière intervention, une équipe prend en charge notre malade pour vérifier sa tension.
C’est à l’issue de cela qu’on nous informe que la prise en charge n’était pas possible au CMA et que le patient sera référé à l’hôpital Yalgado.
Toutes ces tergiversations semblent avoir été faites pour soit nous décourager et nous inciter à aller voir ailleurs, soit faire passer le temps pour passer leur garde. En tout état de cause, il n’y avait apparemment aucune intention de porter assistance au patient.
Au-delà de notre patient c’est la gestion même de tous les malades qui est lamentable.
Au moment où nous discutions, une dame arrive avec sa petite fille la langue tranchée, toute ensanglantée, précédée d’un accidenté dont le cas était visiblement beaucoup plus grave. Les agents décident alors de prendre en charge l’accidenté et font sortir la dame et son enfant. Lorsqu’elle se plaint, notre dame aux lunettes n’a d’autres mots de réconfort que de dire je cite « si tu fais, on va vous référer à Yalgado, vous allez frapper les médecins là-bas ». Abandonnée à elle-même, elle s’occupait toute seule de sa fille qui saignait abondamment, pendant que trois jeunes infirmières se tenaient débout, juste à côté et les mains dans leurs superbes blouses blanches immaculées.
Ceci est donc un coup de gueule que j’adresse à l’endroit des responsables du CMA du secteur 30, surtout que je sais ne pas être le premier à avoir fait ce constat. Il n’y a pas plus vulnérable qu’un malade en quête de soin et surtout en urgence.
Et lorsque des personnes qui sont supposées, même avant les soins médicaux apporter du réconfort aux patients, trahissent leur serment et banalisent à la limite la vie des gens, il est de notre droit en tant qu’usager des services médicaux publics, d’attirer l’attention sur ces crimes passifs qui se commettent chaque jour dans nos hôpitaux et font d’eux des mouroirs plutôt que des lieux d’espoir.
J’interpelle donc les autorités en charge de la santé publique de faire en sorte que ce genre de traitements inhumains cesse et que l’accès aux soins de qualité par le biais de locaux, de matériels et surtout de ressources humaines qualifiées soient une réalité au Burkina.
NAKOULMA ABDOUL KARIM HADO RODRIGUE