Depuis le 30 septembre 2015, l’occupation par acte de vandalisme de la cité universitaire de Kossodo par une certaine catégorie d’étudiants a provoqué un casus belli entre la Direction générale du CENOU et le Gouvernement d’un côté et ces « étudiants » de l’autre. La lenteur du règlement du conflit l’a transformé en une crise qui paralyse la vie des universités publiques de Ouagadougou, dont les calendriers universitaires connaissent de nouveau un chevauchement. La crise est en passe de devenir une grave crise nationale, d’autant que les autorités donnent l’impression de marcher sur des œufs, ne sachant plus à quel saint se vouer.
Il ne s’agit pas ici, pour le Syndicat national autonome des enseignants-chercheurs du Burkina Faso (SYNADEC), de se prononcer sur le mémoire en défense des étudiants qui veulent – et c’est leur bon droit – donner leur version des faits face à ce qu’ils ont appelé le « mensonge » du Directeur général du CENOU. Il s’agit pour le syndicat d’apprécier l’acte de vandalisme qu’aucun motif ne justifie, surtout en cette période de crise politique majeure qui a entraîné un mouvement national de résistance contre la malfaisance du putsch du 16 septembre 2015. Nous l’avons déjà souligné pour le cas de l’Université de Koudougou où un groupe d’étudiants avaient violenté en 2012 un enseignant. Notre prise de position a été de désapprouver les agissements des étudiants. Ici encore, dans la crise de la cité universitaire de Kossodo, nous réprouvons les agissements inadmissibles d’une certaine catégorie d’étudiants qui, mus par la logique selon laquelle la fin justifie les moyens, occupent par la force les cités universitaires de la capitale.
Le SYNADEC n’a pas non plus l’intention d’apprécier la manifestation de solidarité d’organisations reconnues d’étudiants qui, après trois semaines d’observation, ont jugé légitime de prendre la défense du groupe d’étudiants en cause, d’endosser la plateforme née dans la crise de l’occupation illégale de la cité universitaire, transformant in fine un acte de vandalisme en acte de légitime défense. Ils y sont sans doute tenus par la solidarité de corps. Mais le SYNADEC aurait souhaité que ces organisations fassent montre de plus de discernement, pour ne pas compromettre la bonne réputation dont la plupart d’entre elles bénéficient dans l’opinion nationale.
Les atermoiements du gouvernement, sa lenteur à affirmer son autorité donnent l’impression d’un vide au sommet de l’Etat.C’est comme s’il n’y avait plus de pouvoir ou que le pouvoir en place, après l’insurrection victorieuse du peuple tout entier qui fit échouer le coup d’Etat du général Diendéré, est tétanisé face à une poignée d’étudiants qui, par la peur qu’ils inspirent, prouvent qu’ils n’ont rien à envier au défunt RSP.
Le sens de notre deuxième intervention sur cette crise est de condamner l’effet pervers d’une prétendue recherche, par certains, à tout prix, de la paix sociale. Ce faisant, malheureusement, ils foulent aux pieds le principe élémentaire du respect de l’autorité et de l’ordre établi. Ainsi, on s’aperçoit qu’au nom de médiations fortement médiatisées, des personnes physiques et morales qui ont une responsabilité sociale indéniable tentent de faire accepter – ce qui revient à justifier – les actes répréhensibles d’une catégorie d’étudiants qui, par leurs actes, ont fait le choix de renoncer au statut d’étudiants.
On a vu qu’après la sommation du MESS, les occupants illégaux de la cité avaient remis les clés ; mais quelques jours après, face à l’inertie du gouvernement, reprenant du poil de la bête, ils séquestraient des travailleurs du CENOU au prétexte ridicule et fallacieux qu’ils voulaient « sécuriser » ces derniers. Mais contre quelle menace ? Ces actes montrent que ces étudiants qui se présentent comme des insurgés sont assurés d’avoir le dessus sur l’autorité de l’État, et qu’ils se considèrent en territoire conquis.
Le SYNADEC tient à mettre en garde le gouvernement contre toute faiblesse devant ces actes de vandalisme, une faiblesse qui serait encore une prime à l’impunité.
En tant qu’enseignants, nous ne pouvons pas accepter que nos étudiants soient injustement brimés, maltraités quand ils sont dans leur droit. Les œuvres sociales, en l’occurrence, sont indispensables à leur quiétude pour poursuivre leurs études.
Mais nous ne pouvons pas accepter non plus que certains étudiants, outrepassant la réglementation en vigueur, se permettent de fermer les locaux de l’administration, de séquestrer des agents du service public qui pourtant travaillent dans des conditions difficiles pour satisfaire au premier chef ces mêmes étudiants.
Par ces formes d’action directe manifestée en coups de force, il faut craindre que cette catégorie d’étudiants ait opté pour le retour à la violence et à l’anarchie. Que des citoyens, futurs cadres de la nation, en arrivent à défier l’autorité administrative et tout un gouvernement, signifie qu’ils rejettent toute idée d’Etat, d’autorité et d’ordre social et politique. Ils ont le projet inavouable d’instaurer la loi de la jungle où le plus fort impose sa loi.
Ils ne craignent pas le ridicule : bien que convaincus d’avoir raison, ils demandent que le plaignant– en l’occurrence le Directeur général du CENOU – retire sa plainte. On se serait plutôt attendu à ce qu’ils exigent que justice soit faite sur cette affaire pour les laver de tout soupçon. Leur crainte de la justice, c’est-à-dire de la manifestation de la vérité, montre qu’ils reconnaissent qu’ils ont agi contre la société et pris le parti de la marginalisation.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que beaucoup, parmi ces « insurgés » n’ont plus rien à perdre. Ce qu’ils cherchent, c’est conserver des avantages qu’ils sont en passe de perdre dans le jeu de la réattribution des chambres aux étudiants éligibles. Ils sont prêts à utiliser tous les moyens, y compris les plus illégaux, pour s’imposer contre l’ordre établi. Tant mieux pour eux, s’il n’y a rien en face pour arrêter leur furie conquérante. Rattraper le retard à l’université ? C’est le dernier de leurs soucis. On ne peut pas appeler cela de l’inconscience, mais de la méchanceté alimentée par une irraison liée au désespoir d’avoir tout perdu et de vouloir que tout le monde perde avec eux.
A force de laisser faire, on court le risque de dessoucher notre société et de perdre nos repères pour le lendemain. Il n’est pas acceptable que des étudiants, pour quelque motif que ce soit, dictent à l’autorité LEUR loi, lui forcent la main pour qu’elle aille dans le sens de leur désir. Nous ne pouvons pas accepter cette logique d’inversion de rôles et des responsabilités. La liberté d’expression ne signifie pas anarchie !
Le SYNADEC exige que :
les coupables de l’occupation illégale de la cité soient traduits en justice et punis conformément à la loi. Dans une société policée par des lois, il y a des actes qui ne peuvent pas rester impunis ;
Il se réserve le droit d’engager toute action légale pour protester contre l’impunité sur les campus universitaires.
Fait à Ouagadougou le 6 novembre 2015.