Au Burkina Faso, 800. 000 personnes souffrent de diabète. L’occasion donc est donnée de se renseigner et d’envisager plus sérieusement quelles mesures d’actions pour y faire face. Et ce pour mieux faire connaissance avec cette pathologie que nous sommes allés à la rencontre du professeur DRABO chef de service de médecine interne à l’hôpital Yalgado Ouédraogo.
Ouaga24(O24) : Professeur DRABO bonjour, dites-nous qu’est-ce que c’est que le diabète ?
Professeur Drabo (Drabo) : Le diabète sucré est une maladie qui est aujourd’hui fréquente et qui est due à l’augmentation donc du taux de sucre, du taux de glucose dans le sang. Au-dessus d’une valeur seuil qui a été établie arbitrairement à 1,26 gramme par litre de sang.
O24 : Professeur quelles peuvent être les conséquences de cette maladie ?
P.Drabo : Les conséquences sont multiples, parce que le diabète sucré expose à des complications qui sont des complications de divers ordres. Des complications infectieuses mais surtout des complications sur les vaisseaux, aussi bien les petits vaisseaux que les gros vaisseaux.
La situation est sérieuse, elle n’est pas dramatique mais elle est sérieuse parce que le diabète sucré a cette particularité donc de ne pas se faire connaitre pendant très longtemps, de rester donc silencieux. Et donc de n’être découvert que lorsqu’il y a des complications, lesquelles complications sont difficiles à gérer, nécessitent beaucoup de moyens, nécessitent une hospitalisation parfois très longue et se supposent d’énormes problèmes.
O24 : Quels sont les symptômes qui peuvent permettre en fait d’identifier le diabète ?
Professeur Drabo : le diabète sucré est en général silencieux, comme on le dit il s’agit d’une maladie asymptomatique. Et ce n’est que lorsque le taux de sucre est exagérément élevé, que certains symptômes peuvent apparaitre. Et ces symptômes qui sont les plus fréquents, c’est l’envie fréquente d’aller uriner. Donc certains patients qui vont réveiller plusieurs fois dans la nuit pour aller uriner et ceci va entrainer aussi une envie fréquente de boire de l’eau. Si bien qu’une personne qui urine souvent, 4 à 5 la nuit, et qui boit beaucoup plus que d’habitude devrait pouvoir s’inquiéter contrairement à ce que beaucoup de gens pensent dans la société, qu’uriner beaucoup ça purifie l’organisme etc… Ce n’est jamais un signe de bonne santé que d’uriner souvent. Et donc ça doit être un élément qui doit amener à aller consulter. Et si cela n’est pas réglé on va aussi avoir une envie fréquente de manger et ceci va entrainer aussi un amaigrissement parce que l’organisme ne pouvant plus utiliser donc le sucre comme carburant va utiliser les graisses et l’utilisation des graisses va entrainer donc un amaigrissement. Donc l’association d’une envie fréquente d’uriner, d’une envie fréquente de boire et aussi de manger, associée à un amaigrissement, devrait amener donc à aller se faire dépister pour le diabète sucré.
O24 : Professeur DRABO quels sont aujourd’hui les facteurs de risques du diabète ?
Professeur Drabo : Alors, il y a plusieurs facteurs qui prédisposent à faire du diabète sucré. Sachez qu’il a deux grands types de diabète qui sont totalement différents.
Il y a le diabète de type 1, qui est plus souvent le diabète de l’enfant ou du sujet jeune, qui lui est un diabète qui va apparaitre très tôt. En général avant l’âge de 20 ans. Ce diabète est lié à une prédisposition génétique certes, mais surtout à l’action d’anticorps qui vont détruire l’organe qui fabrique l’insuline. Et ceci va donc entrainer un diabète qui nécessite l’administration d’insuline. Ça c’est le diabète de type 1. Mais c’est aussi certains facteurs, on pense à des virus ou quelque chose comme ça, qui vont déterminer la fabrication des anticorps qui vont donc attaquer le pancréas. Mais ce n’est pas le cas le plus fréquent. C’est moins de 5% des diabètes.
Le diabète le plus fréquent c’est le diabète de type 2. Ce diabète de type 2 apparait chez le sujet un peu plus âgé, au-delà de 40 ans et il s’associe à un facteur important qui est l’obésité, l’excès de poids, la sédentarité. Et cet excès de poids et cette sédentarité étant elles-mêmes régies par une alimentation riche. Riche en sucre, riche en graisse. Ceci va entrainer donc un dérèglement du fonctionnement de l’organisme et favoriser donc le diabète. Donc le facteur favorisant important c’est effectivement le changement de mode de vie qui entraine une sédentarité donc absence d’exercice physique et une obésité. Et ceci survient aussi sur un terrain génétique, c’est-à-dire qu’on en trouvera des familles de diabétique. Et on pense que par exemple, que quelqu’un qui a un père diabétique aura 25 % de chance ou de malchance de faire un diabète un jour. Et si les deux parents sont diabétiques, il y a aura 50 % donc de risque donc de faire un diabète. Donc il y a bien un facteur génétique qui est là et on sait qu’il y a des familles où il y a un, plusieurs diabétiques dans cette famille. Donc le facteur favorisant c’est la génétique mais c’est l’environnement qui est médié par une alimentation qui est riche et par l’obésité.
O24 : Professeur DRABO, aujourd’hui au Burkina-Faso où est ce que je peux me faire dépister et comment ça se fait ?
Professeur Drabo : Dans tous les centres de santé on peut faire une glycémie. Donc c’est une prise de sang, il faut qu’il y ait un laboratoire qui permette donc de tester et de vous dire quel est votre taux de sucre. C’est l’examen je pense le plus simple et le plus disponible qui peut être réalisé partout.
O24 : Professeur DRABO, alors ça c’est dans le cas où je ne suis pas diabétique. Dans le cas où je suis diabétique, où puis-je me faire suivre aujourd’hui ?
Professeur Drabo : Voilà, nous avons depuis un certain nombre d’années, formé de nombreux professionnels de santé à la prise en charge du diabète. Donc il se trouve qu’au niveau de tous nos centres médicaux, de tous nos centres hospitaliers régionaux et bien sûr au niveau des CHU, il existe donc des médecins qui ont été formés à la prise en charge du diabète. Cela veut dire que quel que soit là où vous êtes, s’il y a un diabète, vous pouvez vous adresser à un centre médical, à un centre hospitalier régional ou directement au CHU Sourou Sanou ou Yalgado et il y a des structures adaptées pour pouvoir vous prendre en charge. Par ailleurs bien sûr il y a des structures privées où il existe donc des professionnels de santé qui peuvent vous prendre en charge. Dans tous les cas il faut consulter un professionnel de santé qui, s’il ne peut pas vous prendre en charge, saura vous orienter vers celui qui pourra vous vous donner la meilleure prise en charge du diabète.
O24 : Professeur Drabo, on arrive au terme de cet entretien. Quelle est le conseil que vous donnez à l’ensemble de la population et secundo à ceux qui ont déjà du diabète ?
Professeur Drabo La première des choses c’est de savoir si oui ou non on est diabétique. Par ce que c’est une maladie fréquente, une maladie qui peut être grave et c’est une maladie qu’il faut traiter tôt. Parce que plus on traite tôt, mieux on améliore la survie du patient et surtout sa qualité de vie. Donc il faut se dépister, et cela ne coute pas cher. Une simple prise de sang et puis on saura si votre taux de sucre est normal ou pas. Et ceci se fait de plus en plus, lors des visites systématiques, chez les retraités, dans les entreprises, dans les services, de plus en plus de gens vont au dépistage. Et cela devrait être la routine, chaque fois qu’un patient est en contact avec le système de santé, on devrait pouvoir faire donc une glycémie et ce qui permettrait donc de savoir s’il y a du diabète ou pas. Mais malheureusement il y a beaucoup de gens chez qui on a fait le dépistage et qui restent avec leur glycémie comme si c’était un trophée, et qui ne consultent pas. Il ne sert à rien de savoir qu’on a une glycémie anormale, et ne pas se faire prendre en charge. Donc tous les patients qui ont une glycémie anormale, diabétiques donc, doivent aller en consultation chez un professionnel de santé et avoir la meilleure prise en charge qu’il soit. Et cette meilleure prise en charge passe par 2 choses. Un, il faut une hygiène de vie qui passe par une activité physique régulière et une alimentation saine. Alimentation saine, moins riche en sucre, en graisse et plutôt riche en légumes et en fruits. Mais aussi la prise de traitement par les patients. Les études ont montré que lorsque les patients ne sont pas observant au traitement, ceux-ci prédisposent à faire des complications cardiovasculaires et une mortalité plus élevée. Donc la prise en charge passe par l’observance du traitement. Malheureusement ceux-ci ne dépend pas toujours du patient, cela dépend aussi des moyens dont dispose le patient. Parce que le traitement peut être cher, surtout quand il est combiné avec d’autres maladies associées, par exemple comme l’hypertension artérielle, comme les problèmes de cholestérol, etc… C’est un traitement qui peut être cher et qui peut être au-dessus des moyens donc de nos patients indigents. Donc cela dépend aussi, je pense, des pouvoirs publics pour que les traitements puissent être le plus accessibles possibles, mais également il y a de plus en plus de traitements qui sont accessibles par les génériques et donc les patients devraient pouvoir dans la majorité des cas donc se traiter de façon correcte.
Propos recueillis par Tahirou Bationo