Interpellation de Naïm Touré: « je pense que nous sommes arrivés à une phase de dérive très grave » Me Farama

Radio Liberté : Finalement, où se trouve exactement Naïm TOURE ?

Me Prosper FARAMA : Depuis ce matin disons vers 11h, Naïm TOURE a été envoyé au SRPJ (Service Régional de la Police Judiciaire). Il a été auditionné à ma présence par un officier de la police et l’audition est finie, nous attendons les suites que la police et le procureur entendent réserver à cette audition, donc en attendant il est au SRPJ.

Radio Liberté : Qu’est-ce qu’on lui reproche ?

Me Prosper FARAMA :Ce que nous avons entendu de ce qui nous a été notifié ce matin, c’est qu’on le reprocherait d’avoir tenté de démoraliser les Forces de Défense et de Sécurité par un poste qu’il aurait publié sur sa page Facebook qui disait entre autres que si ce n’est sous le régime du président Roch Marc Christian KABORE, on ne pouvait pas avoir à la tête de la défense et de la sécurité, les responsables qu’on a. Il a ajouté que la médiocrité conduit toujours au chaos. Donc voilà les propos pour lesquels, hier il a été enlevé violemment, nuitamment chez lui et pour lesquels on prétend que ce serait de nature à démoraliser les forces de défense et de sécurité.

Radio Liberté : Comment appréciez-vous ce reproche à son égard ?

Me Prosper FARAMA : Franchement, moi je suis totalement décontenancé par ce que je vois sous le régime du président KABORE aujourd’hui, parce que nous pensons avoir dépassé le seuil de ces ordres d’accusations complaisantes, parce que je pense que le pays a plus de choses sérieuses à faire. La liberté d’expression et d’opinion est garantie par notre constitution. Une personne trouve que les responsables de la défense et de la sécurité sont médiocres, on trouve même que le régime du président KABORE et son gouvernement sont médiocres, c’est une opinion. On a le droit d’opiner et de penser qu’ils sont médiocres, à croire que ce n’est plus une opinion, c’est des faits constatables sur le terrain. Que pour cela l’on en arrive à faire des enlèvements, parce que pour moi c’est un enlèvement, quand on va nuitamment chez un citoyen en civil et que l’on procède à son interpellation par violence, pour le conduire à un lieu ignoré de ses parents sans qu’il ne puisse avertir quelqu’un, sans mandat de surcroit, c’est un enlèvement. C’est vraiment grave, je pense que la liberté individuelle et collective au Burkina Faso, les libertés démocratiques sont entrain de reculer dangereusement. Ça me fait penser aux périodes de plomb sous le régime de COMPAORE où le Burkinabè vivait la peur au ventre parce que nous n’étions en sécurité à aucun moment et nulle part. On pouvait être enlevé, torturé et tué et je pense que nous sommes en train de retomber dans les mêmes travers.

Radio Liberté : Avez-vous la rassurance que Naïm TOURE a été bien traité au cours de sa détention ?

Me Prosper FARAMA : Mais non justement, même ce matin je l’ai trouvé dans la salle où il m’attendait et où je devais le rencontrer, menottes aux poignets. C’est le commissaire du SRPJ qui a demandé que les menottes, lui soient enlevées. Mais je rappelle qu’il n’était pas détenu au SRPJ, il était détenu à un lieu que nous ne connaissons pas, il dit qu’on l’a envoyé dans un service, ensuite dans une cellule au niveau de la gare de SITARAIL, dans des conditions vraiment exécrables. Il insiste sur ces questions, il a été vraiment traumatisé par cette détention parce que non seulement l’arrestation a été violente et les conditions de détention n’étaient pas de mon point de vue des conditions de détention acceptables.

Radio Liberté : Savez-vous la date à laquelle il sera présenté au procureur ?

Me Prosper FARAMA : Non pour le moment, j’attends que les enquêteurs m’informent du moment où il sera présenté au procureur, je l’accompagnerai, on l’assistera et on verra bien la suite à donner à cette audition, à cette enquête. Mais nous, nous sommes prêt, mais franchement je pense que nous sommes arrivés à une phase de dérive très grave parce que si pour une opinion émise notamment par une personne qui aujourd’hui pour moi est un leader d’opinion dans ce pays, on peut en arriver à une maltraitance comme celle-là, je crois que le pays va en dérive.

Radio Liberté : A cette étape quel message avez-vous à l’endroit des internautes amis de Naïm TOURE ?

Me Prosper FARAMA :Je pense que le combat que les internautes et tous les burkinabè doivent avoir à l’esprit de mener, c’est justement de se mobiliser pour que les surfaces de liberté que nous avons ardemment, au prix du sang quelque fois, conquis pendant ces trente années, que nous ne les perdions pas et que nous n’acceptions pas que ce que certains burkinabè comme Norbert ZONGO ont payé de leur vie pour que nous puissions tenir et que les gens ne viennent pas nous brader cela, surtout que ces gens-là sont venus encore au pouvoir au prix du sang d’autres burkinabè qui se sont sacrifiés au nom de la liberté, au nom de la démocratie. Donc c’est une mobilisation pour que nous défendions les espaces de liberté que nous avons chèrement conquis dans ce pays.

Source: Radio Liberté

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