Dans cette déclaration, le Réseau national de lutte anticorruption se prononce sur la rentrée judiciaire et surtout sur l’indépendance de la justice burkinabè.
Le 3 octobre 2016, a eu lieu la rentrée judiciaire 2016-2017 au Burkina Faso. Placée sous le thème « juridictions et démocratie financière : quels dispositifs pour une contribution à la transparence dans la vie publique ? », cette rentrée intervient dans un contexte national fortement marqué par la soif de justice non encore étanchée du Peuple.
En effet, deux années après l’insurrection populaire et une année après la Résistance populaire victorieuse face au Putsch de septembre 2015, deux évènements historiques qui ont légitimement suscité des espoirs pour le Peuple, la justice se fait toujours attendre dans de nombreux dossiers emblématiques de crimes économiques et de sang.
Sur le terrain particulier de la lutte anti-corruption, les interrogations taraudent toujours les esprits quant au devenir de tous ces scandales dénoncés qui, parfois, mettent directement en cause certains acteurs même de la justice (affaire des 77 millions, affaire SGS, dossiers des maires et ministres poursuivis pour malversations, etc.).
Faut-il rappeler que le rétablissement de la confiance du peuple en sa justice passe par l’élucidation de tous ces dossiers qui ont profondément marqué la société entière ? L’ensemble des acteurs judiciaires se doit de prendre la pleine mesure de l’immensité de la soif de justice qui tenaille le peuple et prendre les dispositions idoines en vue de l’étancher convenablement.
Il importe pour ce faire, que l’indépendance de la justice soit pleinement assumée avec conscience et responsabilité tout en la défendant vaille que vaille contre les pouvoirs politiques. L’immixtion directe et éhontée de l’Exécutif dans la gestion du dossier du putsch de septembre 2015 à travers le dessaisissement de juges en charge du dossier au tribunal militaire, suivie des tripatouillages dénoncés au sein de la Cour de Cassation et les différents propos attentatoires du Ministre en charge de la justice, du Président du Faso et du Président de l’Assemblée nationale donnent des alertes sur les menaces qui planent sur cette indépendance.
Il convient de rappeler que les récentes réformes arrachées au prix des dures luttes des acteurs judiciaires avec le soutien du Peuple burkinabé et qui ont contribué à renforcer l’indépendance de la justice sont à ranger dans le cadre global des acquis de l’Insurrection et de la Résistance Populaire au putsch de septembre 2015.
En tant que tels, le REN-LAC met en garde contre toutes velléités de remise en cause de ces acquis par quelque acteur que ce soit. Toutefois, si l’indépendance de la justice doit être défendue contre les pouvoirs politiques, elle doit encore l’être davantage, vis-à-vis du pouvoir de l’argent, ce qui commande du juge qu’il ne se mette pas à la solde du politique ou de l’argent. L’indépendance conférée au juge n’est destinée qu’à rendre justice au Peuple. C’est du reste, au nom de ce Peuple que la justice est rendue.
L’indépendance ne doit être considérée comme une prérogative monnayable au plus offrant ! Dans ce sens, tous ces magistrats et autres acteurs qui souffrent dans leur chair de voir couvrir d’opprobre l’ensemble de la famille judiciaire par l’attitude condamnable de certains d’entre eux doivent se battre avec détermination pour que la souillure qui s’y trouve soit extirpée !
A l’occasion de cette rentrée 2016-2017, le REN-LAC invite l’ensemble de la famille judiciaire (magistrats, avocats, greffiers, huissiers, notaires, GSP…) à être à l’écoute et aux côtés du Peuple au nom duquel la justice est rendue. Soucieux de l’avènement d’une justice véritablement indépendante au service du Peuple Burkinabé, il :
- appelle l’ensemble des acteurs judiciaires à se mobiliser pour préserver et approfondir les acquis chèrement conquis sur le terrain de l’indépendance de la justice. Dans ce sens, il exprime son ferme soutien et ses vifs encouragements à la dynamique de lutte du Comité intersyndical des magistrats et de tous les autres acteurs judiciaires consciencieux, pour une justice véritablement indépendante, saine et au service du Peuple Burkinabé ;
- dénonce l’immixtion de l’Exécutif dans la gestion des dossiers judiciaires et les velléités de remise en cause des acquis renforçant l’indépendance de la justice ;
- condamne les tripatouillages intervenues à la Cour de Cassation, exige leur élucidation dans de brefs délais et le déclenchement de poursuites (disciplinaire et pénale) à l’encontre de toutes les personnes qui y sont impliquées ;
- exige l’élucidation des différents scandales dénoncés, dont certains mettant en cause des magistrats ;
Bonne année judiciaire 2016-2017 !
Pleins succès aux actions d’assainissement qui seront engagées au cours de cette année !
Pleins succès aux croisades contre l’impunité !
Ouagadougou le 6 octobre 2016
Le Secrétariat Exécutif