Permettez-moi à l’entame de mon propos et au nom des groupes parlementaires de l’opposition politique de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) et du Groupe parlementaire Paix, Justice et Réconciliation Nationale (PJRN), d’exprimer à chacune et à chacun nos remerciements pour votre présence effective à cette conférence de presse qui se tient au lendemain de l’examen et du vote du projet de loi portant modification de la loi N°14-2001/AN du 03 juillet 2001 portant code électoral.
Nous vous présentons nos excuses pour le rendez-vous manqué d’hier 30 juillet 2018. Nous avons sous-estimé l’allure du débat général portant sur la discussion du projet de loi, ce qui a eu pour conséquence de vous faire attendre.
En vue des prochaines consultations référendaires et pour les échéances électorales de 2020, le Gouvernement, après avoir délibéré en Conseil des ministres le 13 juillet 2018, a saisi l’Assemblée nationale d’un projet de loi portant modification de la loi n°014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant code électoral.
Le lundi 30 juillet 2018, l’Assemblée nationale s’est prononcée sur ledit projet de loi.
Les élections sont, source de stabilité si elles sont organisées dans la transparence et l’équité mais pourraient être aussi source d’instabilité.
C’est pourquoi le code électoral qui contient les règles qui les gouvernent, doit faire l’objet d’un consensus des acteurs politiques. Ainsi, dès le début des débats sur la question, les députés de l’opposition, soucieux du renforcement de la gouvernance politique dans notre pays, ont entamé des réflexions et des actions pour aboutir à un code électoral consensuel.
C’est ainsi que des propositions concrètes ont été faites d’une part, au chef de l’Etat et d’autre part, au Président de l’Assemblée nationale et à la Commission des Affaires Générales, Institutionnelles et des Droits Humains (CAGIDH) de l’Assemblée nationale.
Constatant le refus de la majorité parlementaire de prendre en compte nos observations, les députés de l’opposition ont décidé de ne pas assister au vote de cette loi qui divise la classe politique.
Par devoir de redevabilité envers notre peuple, nous nous présentons devant vous afin que vous puissiez être notre relais pour expliquer les raisons de notre refus de donner quitus au tripatouillage de ce code qui exclut de facto un bon nombre de burkinabè des consultations électorales à venir notamment ceux de la diaspora.
I- Du Fondement juridique du vote des Burkinabè de l’extérieur
La Constitution
Le vote des Burkinabè de l’extérieur s’appuie sur le besoin de rétablir la justice sociale entre les citoyens burkinabè résidents et les non-résidents. Ceux qui vivent hors du pays n’avaient pas la possibilité de prendre part aux scrutins alors que l’article 1er de la Constitution du 02 juin 1991 dispose que : « Tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droit. Tous ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés garanties.
Les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées sur la race, l’ethnie, la région, la couleur, le sexe, la langue, la religion, la caste, les opinions publiques, la fortune et la naissance, sont prohibées ».
De même l’article 12 dispose que : « Tous les burkinabè sans distinction aucune ont le droit de participer à la gestion des affaires de l’Etat et de la société. A ce titre, ils sont électeurs et éligibles dans les conditions prévues par la loi ».
Le Code électoral
La loi N° 005-2015/CNT du 07 avril 2015 portant modification de la loi N°014-2001/AN du 03 juillet portant code électoral dispose à son article 48 que « sont inscrits sur les listes électorales … les burkinabè résidant à l’étranger ». Cet accord de vote permet de réparer cette discrimination que les citoyens Burkinabè résidant à l’étranger subissent alors qu’ils participent, à plus de 100 milliards par an, au développement de la nation.
Lorsqu’on a analysé le projet de loi qui nous avait été soumis , nous y avions décelé des motifs d’inquiétude, voire une régression démocratique par rapport à la volonté politique de faire participer les burkinabè de l’extérieur aux scrutins à venir.
Nous rappelons que le processus de la participation des burkinabè de l’extérieur aux élections a été lancé depuis 2009 et ce vote devait être effectif depuis 2015 avec les documents de votation suivants : la CNIB, le Passeport, et la carte consulaire. C’est dire que même le Conseil national de la transition, assemblée par essence consensuelle avait maintenu ce document de votation.
II- Des engagements du chef de l’Etat lors des rencontres avec les partis politiques
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Mesdames et Messieurs,
Le Président du Faso, Son Excellence Monsieur Roch Marc Christian KABORE, a pris un engagement fort, vis-à-vis de nos compatriotes de l’extérieur, quant à leur participation effective à la vie politique de leur pays par l’opérationnalisation de leur vote en 2020. Il ne manque aucune occasion pour rappeler et réaffirmer cet engagement.
C’est dans ce sens que le CFOP et la majorité présidentielle ont été invités à faire des propositions.
Les propositions de l’opposition politique ont été envoyées au chef de l’Etat par courriers des 28 et 29 mai 2018.
Cependant, nous constatons dans la mise en œuvre de cette orientation politique, que des obstacles sont dressés pour réduire la participation effective des burkinabè de l’extérieur aux prochains scrutins.
III- Des insuffisances du projet de loi portant code électoral
Nos points de divergence avec la majorité présidentielle portent sur les points suivants :
Le projet de code électoral modifié le 30 juillet 2018 impose comme documents de vote la CNIB et le passeport burkinabé en excluant la carte consulaire, qui était prévue dans la loi 005-2015/CNT. Or, cette carte est un document administratif délivré par des mandataires attitrés du Gouvernement du Burkina Faso.
A la rencontre trimestrielle entre ambassadeurs, consuls généraux et consuls honoraires du 20 octobre 2017, tenue à Abidjan, l’Ambassadeur Mahamadou ZONGO a affirmé que la carte consulaire est biométrique et sécurisée et au verso de la carte consulaire il est clairement mentionné qu’elle tient lieu de CNIB. C’est pourquoi, nous sommes ahuris de voir apparaitre noir sur blanc dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, je cite : « A ces préoccupations s’ajoute la diversité des documents d’identification des électeurs dont la question de fiabilité s’accentue avec la perspective du vote des burkinabé de l’extérieur ».
Le projet de loi portant code électoral prévoit que les opérations de vote se dérouleront uniquement dans les ambassades et les consulats. En considérant le potentiel du corps électoral dans certains pays, nous sommes inquiets quant à la capacité de nos représentations diplomatiques et consulaires dans ces pays de pouvoir les recevoir dans leurs enceintes.
En ce qui concerne la polémique entretenue par le gouvernement lui-même, sur la fiabilité de la carte consulaire, on pourrait se poser la question de savoir qui est responsable de la fiabilité des documents administratifs ou d’identification délivrés aux citoyens ? Est-ce l’Etat ou les citoyens ?
Nous croyons que les réponses à ces questions sont claires car il ne revient pas aux citoyens, détenteurs de ces documents, d’en assurer la fiabilité, encore moins d’en assumer les conséquences.
L’autre danger qu’induit une telle mention, c’est qu’on expose nos compatriotes vivant à l’extérieur à des difficultés. En effet, quelles sont désormais les droits attachés à l’utilisation de la carte consulaire ?
Au cours des contrôles de police, le détenteur de la carte consulaire peut-il continuer à l’exhiber pour justifier son identité et quelle valeur les agents chargés des contrôles de police vont-ils attacher à ce document, si notre propre Gouvernement doute de sa fiabilité.
L’autre analyse que nous inspire ce projet de loi, c’est l’institutionnalisation de la logique d’exclusion, instaurée par Chérif SY.
Par les effets de ce projet de loi, ce sont des milliers, voire des millions de burkinabè qui seront exclus des scrutins à venir, alors que l’on répète à longueur de discours, l’importance que l’on attache à la participation de nos compatriotes de l’extérieur, à la vie de leur nation. Le dernier forum des burkinabè de l’extérieur qui vient de prendre fin, en est l’illustration.
« Venez investir au Burkina Faso, mais ne votez pas », voilà comment l’éditorialiste d’un journal de la place a résumé l’état d’esprit du Gouvernement, en entreprenant cette modification du code électoral.
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,
Après tout ce que nous avons développé, pour souligner les insuffisances et les dangers de ce projet de loi qui met en marge du jeu électoral, bon nombre de nos compatriotes de l’extérieur.
Considérant, que ce projet de loi a été présenté comme une garantie de la participation de nos compatriotes de l’extérieur aux prochains scrutins, alors que l’analyse du dossier montre tout le contraire, les députés des Groupes parlementaires de l’opposition UPC, CDP et PJRN n’ont pas participé à l’adoption du projet de loi portant modification de la loi n°014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant code électoral.
Nous avons pris la décision de nous retirer de ce vote après avoir exposé et défendu notre position au cours du débat général, pour ne pas être complice de ce recul démocratique.
Sur ce, nous nous mettons à votre disposition pour apporter des réponses à vos préoccupations.
Je vous remercie !
Fait à Ouagadougou le, 31 juillet 2018
Ont signé :
P. Le GP/PJRN P. Le GP/CDP P. Le GP/UPC
François Z. BACYE Alphonse NOMBRE K.Nicolas DAH