Politique: Ablassé Ouedraogo écrit au Président Roch Kaboré

Ablassé Ouédraogo, le Président du Faso Autrement, écrit au Président du Faso Roch Kaboré, sur la situation sécuritaire au Burkina.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Nos ancêtres disaient : « Tãng zug bugum yaa ra-koeesã fãa n ne-a ».

En français facile cela se traduit par : « Le feu sur la montagne, même les nains le voient ».

Dans la nuit du 14 au 15 septembre 2018, neuf (9) citoyens Burkinabè ont été assassinés par des hommes armés non identifiés dans les localités de Diabiga et Kompenbiga dans la Province de la Kompienga, dans la région de l’Est, qui fait d’ailleurs l’objet d’attaques répétitives ces  derniers temps.

Du début de l’année 2018 à ces attaques de la  mi-septembre 2018, la Région de l’Est du Burkina Faso a enregistré 19 personnes tuées dans une dizaine d’attaques perpétrées contre les Forces de Défense et de Sécurité (FDS).

Rappelons qu’au niveau du territoire national, le seul mois d’août 2018 a enregistré des attaques par des groupes armés non identifiés dans plusieurs localités de notre pays qui ont causé la mort de dix-huit (18) personnes  dont huit (8) militaires, cinq (5) gendarmes, trois (3) civils, un (1) agent de police et un agent des douanes, de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels.

Du 1er janvier au 12 avril 2018, notre pays a connu quarante-deux (42) attaques armées ayant entraîné la mort de trente-huit (38) personnes et enregistré quatre-vingt- seize (96) blessés et sept (7) personnes kidnappées.

Devant  l’Assemblée Nationale le 17 septembre 2018, le Premier Ministre Paul Kaba THIEBA  a, dans son intervention, dénombré soixante- neuf (69) victimes dont trente-une (31) parmi les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et trente-huit (38) civils pour la période du 1er janvier au 15 septembre 2018.

Du 15 janvier 2016 à septembre 2018, correspondant à trente-trois (33) mois  de votre mandat, le Burkina Faso a été confronté à près de cent (100) attaques terroristes et enregistré plus de cent vingt (120) morts et de nombreux  blessés.  Cette situation d’insécurité a produit  cinq mille (5.000) réfugiés et quatre cents (400) familles déplacées.

Une analyse froide et objective de la situation sécuritaire actuelle de notre pays indique à suffisance que les braves et paisibles populations Burkinabè ne sont pas au bout de leurs pleurs et de leurs peines.

Le constat douloureux est que depuis votre investiture le 29 décembre 2015, comme Président du Faso, Chef de l’Etat et Chef Suprême des Armées, il apparait clairement que la lutte contre l’insécurité est incontestablement l’une des grandes faiblesses, si ce n’est le plus grand échec de votre  gouvernance.

Pour s’en convaincre, référons-nous  au nombre de décorations à titre posthume qui ont été décernées à nos courageux, vaillants et valeureux combattants déjà tombés sur le terrain pendant votre mandat. Le nombre de ces médailles que  vous avez décernées à ce jour, dépasse certainement et de loin celui de l’ensemble de vos prédécesseurs Chefs d’Etat.

Sur la période des neuf cent quatre-vingt-dix-sept (997) jours de votre présence à la tête de l’Etat burkinabè et au cours de laquelle votre préoccupation essentielle a été la gestion de votre maintien au pouvoir, et non la gestion du pouvoir d’Etat, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que dans le domaine de la sécurité, le Burkina Faso est devenu le ventre  mou, le maillon faible, le fromage gruyère  de la région du Sahel, dont la stratégie de défense et de sécurité repose sur les performances du G 5 Sahel en cours d’installation.

Or, nos ancêtres nous ont enseigné que « Quand on est assis sur la natte du voisin, on est assis par terre ».

Clairement, notre pays, votre pays, le Burkina Faso que vous présidez aujourd’hui est tombé dans les profondeurs de l’insécurité, à tel point que l’on peut se demander si vous avez une vision, une stratégie et une  politique à même d’éradiquer le fléau. La réponse selon toute vraisemblance est NON.

Le renseignement est faible tout comme la dissuasion et la collaboration entre les Forces de Défense et de Sécurité et la population est très limitée du fait que la confiance n’existe pas entre les deux entités. L’information ne circule pas de façon fluide.

Le manque d’équipements et de ressources financières comme le souligne la lettre du Directeur Régional de la Police de l’Est adressée le 4 septembre 2018 au Directeur Général de la Police Nationale, est une évidence criarde. Et l’on est même tenté de se convaincre sur le fait que les Forces Armées Nationales de notre pays n’ont même plus d’âme.

L’insécurité est devenue un fait qui tend à se banaliser, et plus personne ne s’en émeut dans notre pays, et vous en êtes le seul responsable. Vos choix posent problème et leur maintien, malgré les échecs enregistrés contribue certainement à l’accentuation de la dégradation de la situation sécuritaire. En effet :

  • Le 29 décembre 2016, en faisant le bilan de la première année de votre mandat au Palais de Kosyam, vous indiquiez votre décision de ne pas nommer un militaire dans votre gouvernement. Aujourd’hui, l’on peut se poser la question de savoir si votre choix est toujours pertinent dans le contexte actuel que vit notre pays ?
  • Le 23 février 2017, en prenant ses fonctions de Ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Monsieur Jean Claude BOUDA, s’était engagé à travailler pour la réorganisation des Forces Armées Nationales et à mener une guerre sans merci contre le terrorisme. « Nous n’avons pas peur, les terroristes seront terrorisés », avait-il dit au cours de cette cérémonie.

Depuis lors, les Burkinabè sont sur leur faim, et toutes ces bonnes intentions demeurent des vœux pieux caractérisant une impuissance notoire de ceux qui nous gouvernent, par rapport à cette question de première importance pour l’avenir de notre pays. Les terroristes terrorisent les Burkinabè et la réforme de l’armée se fait toujours attendre.

Il parait évident  que, ni l’obligation de résultats, ni de moyens, ne font partie des valeurs qui régissent votre gouvernance, et c’est bien triste pour notre pays. Mais tout de même, pensez-vous, Monsieur le Président du Faso, que votre choix porté sur cette personne est judicieux au regard de son  bilan décevant ?

En outre, il est aisé de constater que les départements clés de la défense et de la sécurité sont actuellement occupés par des hommes politiques, qui sont certes vos hommes de confiance,  mais qui n’ont certainement pas le courage de vous traduire toute la réalité du terrain.

  • Le 7 mars 2018, en conduisant au Carré Militaire du Cimetière Municipal de Goughin, les huit compatriotes tombés dans les attaques terroristes du vendredi 2 mars 2018, à l’Etat-Major Général des Armées et à l’Ambassade de France  à Ouagadougou, le Chef d’Etat-Major Général des Armées, le Général Oumarou SADOU disait : «Le combat va continuer » et ce « dans la limite des ressources physiques et jusqu’au sacrifice ». Nous vivons une situation caractérisée par le manque de ressources et une augmentation du nombre de nos morts avec la recrudescence des attaques terroristes, et rien n’indique une perspective de voir la dynamique s’inverser. L’inquiétude est donc de mise.

De ce qui précède, il n’est point besoin d’être un prophète pour comprendre que dans l’intérêt supérieur du Burkina Faso, nous gagnerons tous à ce que vous acceptiez de revoir, sans délai et compte tenu de l’urgence, votre copie en réorganisant l’ordre de vos priorités de façon à faire de la sécurité et de la défense de notre territoire, le centre principal de vos préoccupations au quotidien. Ainsi, changerez-vous votre fusil d’épaule :

  • En mettant les femmes et les hommes qu’il faut à la place qu’il faut au moment où il faut ;
  • En dotant les Forces de Défense et de Sécurité de plus de moyens, de matériels et d’équipements en utilisant les économies, soit un montant estimé à vingt-cinq (25) milliards Fcfa, que vous ferez sur l’organisation du référendum pour adopter la Constitution de la 5ème République étant donné que ce n’est pas une nécessité en ce moment. Les Burkinabè et les Institutions de la République n’ont aucun problème avec la Constitution en vigueur ;
  • En sonnant le rassemblement de tous les Burkinabè autour de votre Excellence pour la défense de la Nation en danger, en ouvrant immédiatement le dialogue inclusif national pour la réalisation d’une réconciliation nationale sincère et inclusive, seule alternative pour sortir le Burkina Faso de la crise multidimensionnelle qu’elle vit aujourd’hui. Le Burkina Faso a besoin de se réconcilier avec lui-même et de construire son unité. Les Burkinabè ont besoin de se réconcilier entre eux et de bâtir leur nation. Cela s’avère être une impérieuse nécessité et un impératif catégorique, car dans le vaste domaine de la lutte contre l’insécurité, les spécialistes s’accordent tous à dire que les terroristes trouvent toujours un terreau fertile dans les pays où la cohésion sociale est détruite.
  • En organisant avec les pays limitrophes de nos zones forestières, notamment le Bénin, le Ghana, le Niger, le Mali et le Togo, des opérations conjointes de ratissage pour empêcher les terroristes et les grands bandits d’y installer leurs base-arrières.

Face à ce genre de situations, nos ancêtres savaient mettre en œuvre l’adage suivant qui pourrait vous être d’une inspiration salutaire pour notre pays : « Fo sã n tʋk zɩɩb f sẽn pa tõe, fo wat n tɩ sik-a-la f sẽn pa ratẽ ».

En français facile : « Si tu portes un fardeau qui te dépasse, tu finis par le jeter là où tu ne veux pas».

C’est compte tenu de la gravité du moment que vit notre pays, que je me permets, en toute humilité et avec un très grand respect comme toujours, de vous  offrir mes suggestions avec le réel espoir que vous pourrez en tirer des actions utiles et ainsi, arrêter la poisse qui tenaille notre pays.

Je vous prie d’agréer, Excellence Monsieur le Président du Faso, l’assurance de ma très haute et respectueuse considération.

« Rien n’arrête une idée arrivée à son heure ».

Le Président du Parti Le Faso Autrement

Dr Ablassé OUEDRAOGO

Commandeur de l’Ordre National

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