CPI: Procès Gbagbo/Blé Goudé , une décision du juge contestée par la défense et l’accusation

Si l’audience d’aujourd’hui devait être consacrée à la suite de l’interrogatoire du premier témoin, une décision du juge sur la tenue des interrogatoires a bouleversé l’ordre du jour. Une décision contestée par toutes les parties à l’exception de la représentante des victimes.



Une semaine après le début du procès, il n’y avait plus grand monde dans la galerie du public. Quelques proches des accusés, quelques diplomates et employés de la Cour pénale internationale (CPI) et quelques journalistes formaient une audience clairsemée, mais studieuse.

L’audience débute à 9H40 (heure de La Haye), avec dix minutes de retard. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont toujours au rendez-vous, en costume-cravate. Seul Gbagbo affiche une différence notable, mais bien compréhensible aux Pays-Bas : il porte une écharpe.

Débuté hier par l’accusation et la représentante légale des victimes, l’interrogatoire du premier témoin devait se poursuivre ce matin avec les équipes de défense.

Mais en début d’audience, le juge Tarfusser rend une décision orale concernant une question soulevée la veille par la défense qui souhaitait connaître les moyens accordés aux parties pour contester la crédibilité d’un témoignage et utiliser des « questions directives ».

Une décision inattendue

La décision prise fut la suivante : les « questions directives » qui peuvent« prédéterminer » les réponses des témoins, sont prohibées.

Si ces questions sont généralement utilisées lors des contre-interrogatoires (l’interrogatoire de la partie n’ayant pas appelé le témoin à la barre) pour contester la crédibilité d’un témoin, elles sont souvent considérées comme inadaptées pour les questions de la partie appelante (la partie qui appelle le témoin).

Mais se référant aux statuts de la CPI, le juge Tarfusser a, entre autres, estimé qu’il n’existait pas de « contre-interrogatoire », mais seulement un interrogatoire général incluant tous les participants. En conséquence, il a estimé que les « questions directives », aussi absentes des statuts de la CPI, ne pouvaient être autorisées.

La chambre concède en revanche qu’elle ne considère pas comme directif « de contredire un témoin avec des faits ou des circonstances qui sont ou semblent être en contradiction avec les témoins » et que donc, les questions allant dans ce sens sont autorisées.

Procédure entachée et conséquences pour la CPI

Cette décision, prononcée dès l’ouverture de l’audience, est aussitôt contestée par l’équipe de défense de Laurent Gbagbo puis par celle de Charles Blé Goudé qui choisissent toutes deux d’interjeter appel de la décision directement.

L’avocat de Laurent Gbagbo, Emmanuel Altit, estime qu’avec cette décision, il y a un risque que « toute la procédure soit entachée de manière irréversible, tout d’abord pour la défense puis pour l’accusation ». Il ajoute que l’application de la décision ferait que« les droits de la défense seraient violés et le procès serait inéquitable dès le début »(car la défense est la partie qui commence les contre-interrogatoires, ndlr). « La partie non appelante est placée en infériorité », rappelle-t-il au juge.

Pour la défense de l’ancien président, cette décision serait en outre une perte de temps pour la Cour car il faudrait poser plus de questions pour contester la crédibilité des témoins.

Geert-Jan Knoops, l’avocat de Blé Goudé, fait lui part de ses doutes en se basant sur la jurisprudence en matière de droit pénal international où les questions directives n’ont jamais été exclues ou interdites. « Cette décision va influencer cette Cour et l'Histoire »,prévient-il en expliquant que créer un tel précédent pourrait entacher les procédures à venir.

MacDonald voit lui aussi dans cette décision « une question essentielle pour l’institution » et décide donc de faire appel également de la décision mais par écrit.

Paolina Massida, la représentante des victimes, pense quant à elle que ni l’équité du procès ni la durée de ce dernier ne seraient remises en cause par la décision du juge. Elle ne la conteste donc pas.

Le juge Tarfusser devrait rendre ses conclusions demain. Il lève l’audience mais précise sur un ton passablement agacé : « Je trouve que l’argument selon lequel je voudrais nuire aux droits de la défense est intolérable. »

ivoirejustice



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