An IV de l’insurrection: Des blessés entre douleurs et fierté

Le bilan officiel de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 au Burkina Faso fait état d’une vingtaine de morts et de 625 blessés. La majorité d’entre eux, en attendant des soins appropriés, tentent de survivre au quotidien. 

Maçon de formation, Seydou Compaoré peine, aujourd’hui, à exercer son métier depuis sa blessure survenue lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.

« J’ai été blessé au pied. Malgré deux interventions chirurgicales, il m’est difficile de marcher convenablement, encore moins travailler », soutient-il.

En raison de son handicap, il éprouve ainsi, depuis quatre années, des difficultés à subvenir aux besoins de sa famille.

Les revenus issus du commerce de livraison d’eau à domicile de son épouse couvrent à peine les charges familiales.

«Je paie difficilement mon loyer qui coûte 10 000 CFA le mois. Depuis l’insurrection, j’ai changé trois fois de maison.

De nombreux propriétaires refusent tout simplement de me louer leur maison à cause de mon chômage», confie-t-il. Les yeux embués de larmes, M. Compaoré s’inquiète, à présent, pour l’avenir de ces quatre enfants dont il assure péniblement la scolarité.

« L’un d’entre eux est pris en charge par l’action sociale. Je n’ai aucun soutien de l’Etat. Après l’insurrection, nous avons une fois bénéficié d’une aide financière mais depuis lors c’est silence radio», déplore-t-il.

Tout en saluant les efforts faits par les autorités, il dit compter toujours sur leur bonne volonté, afin de bénéficier de soins adéquats pour reprendre sa vie en main.

Malgré sa condition actuelle, il déclare cependant ne pas regretter sa participation aux événements d’octobre 2014. Tout comme lui, Abass Ilboudo, élève en classe de 5e au moment des faits, blessé aux jambes par balles, affirme être fier d’avoir participé à l’insurrection.

Mais, il dit être déçu par le « calvaire » qu’il a subi à la suite du soulèvement populaire avec à la clé 55 jours passés à l’hôpital pédiatrique Charles-de-Gaulle.

Un chemin de croix

« Au début, le médecin, ici, préconisait l’amputation de ma jambe. Mais grâce, en son temps, au soutien des autorités, j’ai été transféré au Maroc pour des soins », se remémore-t-il.

Son dernier rendez-vous médical au royaume chérifien remonte à 2017. Malheureusement, cette échéance, indépendamment de sa volonté, n’a pu être respectée.

« Il y a eu mésentente entre moi et mon médecin traitant du Burkina. J’ai refusé qu’il me soigne, parce qu’il a, auparavant, suggéré que ma jambe soit amputée.

Je préfère donc poursuivre mon traitement au Maroc », indique-t-il, amer. Les journées de Abass s’apparentent désormais à un véritable chemin de croix.

Incapable de fournir des efforts physiques, le jeune homme ne sait plus à quel saint se vouer. De plus, son père malade n’arrive plus à assurer ses frais de scolarité. Désemparée, sa mère, Fati Ilboudo, se dit triste de voir son fils dans cet état, livré à lui-même.

« Il est oublié par les autorités qui ont promis l’aider », marmonne-t-elle. Le président de l’association des blessés de l’insurrection populaire, Dramane Ouédraogo, vit, lui aussi, avec les séquelles de sa blessure.

Ayant été assommé à la tête avec un pavé, il a eu une fracture à la boîte crânienne. Des trous de mémoire et une perte de l’odorat sont les principales conséquences de ce choc inoubliable. « Je suis psychologiquement amoindri. Je fais des efforts pour ne pas être colérique», grogne-t-il.

Aucun soin adéquat n’a suivi cet « accident », selon M. Ouédraogo. Il refuse néanmoins, par crainte pour sa santé, de « donner sa tête à charcuter à n’importe qui ».

Comme Seydou Compaoré, Dramane Ouédraogo est aussi au chômage depuis quatre années. «Je survis grâce au soutien financier de ma famille et des personnes de bonnes volontés», confie-t-il, un brin triste.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il témoigne aussi sa gratitude aux autorités pour les traitements reçus par la majorité des blessés.

Toutefois, souligne-t-il, bon nombre d’entre eux sont toujours au chômage et attendent des soins appropriés. De l’avis de M. Ouédraogo, les victimes de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 méritent un meilleur sort.

«Nous sommes pour la démocratie et sommes fiers d’avoir lutté contre le tripatouillage de la Constitution », martèle-t-il.

Sidwaya

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