Burkina : Des militants du CDP demandent la suspension des activités politiques du parti

Ceci est une déclaration d’un groupe de militants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui demandent la suspension des activités politiques de l’ancien parti au pouvoir. Ils pointent du doigt les failles dans le fonctionnement de leur formation formulent de suggestions.

Monsieur le président,

Dans la vie d’un homme, il y a des moments où il faut faire une halte, pour s’assurer de la superposabilité entre les aspirations individuelles et collectives, et surtout savoir si celles-ci restent une source d’inspiration pour la direction du groupe auquel il appartient, et opérer une réorientation qui convienne. C’est pourquoi, une analyse de la vie de notre parti le CDP, ces derniers temps, fait ressortir des insuffisances qui troublent notre sérénité et notre quiétude politique, grèvent l’épanouissement de nos convictions et entament sérieusement la réalisation de nos aspirations, lesquelles sont construites sur des valeurs de gestion participative du parti, de célébration de la démocratie, de l’exaltation de l’humilité et du dialogue, la construction d’un parti en phase avec les attentes des populations des villes et des campagnes et la réalisation d’un leadership pour conduire le Burkina vers le développement dans toute sa plénitude. Ces insuffisances se résument entre autres :

1- Un manque de communion entre la base et la direction du parti

Une sagesse dit : « Dieu nous a donné deux oreilles et une bouche pour que nous écoutions deux fois plus que nous ne parlions ». Malheureusement, la direction du CDP parle deux fois plus qu’elle n’écoute. Elle ne recueille jamais les avis de la base qui peuvent être parfois non superposables à ceux de la direction. Ceci a pour conséquence une nonchalance des militants dans le respect et la défense des orientations prises par la direction du parti. C’est la situation que vit actuellement le CDP. A cela s’ajoute l’inaccessibilité de certains membres du bureau exécutif. Pourtant « le contact humain est le véhicule essentiel de la démocratie » disait Jacques CHIRAC.

La direction du CDP n’a pas su respecter sa base en lui donnant le droit d’avoir son mot à dire dans la vie du parti. C’est pourquoi beaucoup de militants hésitent toujours à s’embarquer dans les mêmes aventures que la direction car celle-ci n’a pas créé de bonnes raisons pour qu’il n’en soit pas ainsi. A propos, Saint Exupéry disait : « si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer ».

2- Des actions dans La précipitation et la colère

Une sagesse dit : « Agir dans la précipitation n’engendre que regret et amertume » et selon une autre : « Montrer sa colère à un ennemi c’est lui offrir sa victoire ». Un proverbe allemand va dans le même sens en disant : « Agir dans la colère, c’est s’embarquer dans la tempête ».

Pourtant, c’est dans une ambiance de colère, de précipitation et d’imprudence que la direction du CDP prend ses décisions depuis l’insurrection. Or une sagesse dit : « La prudence ne prévient pas tous les malheurs mais l’imprudence les attire tous ». Le résultat de tels comportements est le cumule d’erreurs politiques avec la naissance d’un malaise au sein des militants, un affaiblissement continu du parti, une direction que les militants de base ont du mal à suivre.
Les adversaires du CDP ayant réalisé que ses réactions se font dans la précipitation, la colère et l’imprudence, utiliseront une seule arme nommée « exclusion » pour que ce parti multiplie ses erreurs politiques au point de s’affaiblir encore et encore.

3- Le manque de lecture, de vision et de stratégie politique

L’actuelle classe dirigeante du parti n’est pas féconde, car incapable de produire un leadership qui puisse indiquer une voie pour le développement intégral du parti. Ne dit-on pas d’ailleurs que c’est en mer agitée qu’on reconnaît la qualité du bois qui a servi à fabriquer un bateau ?

Malheureusement la direction du parti ne montre pas qu’il est du bon bois, car elle n’a pas réalisé que le vrai combat n’est pas tant contre celui qui l’a battu, mais de comprendre les raisons de son échec et réviser ses méthodes. Albert EINSTEIN disait à propos :
1- « Aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l’a engendré ».
2- « C’est pure folie de faire sans arrêt la même chose et d’espérer un résultat différent ».
Nous sommes au regret de constater que l’actuelle direction est incapable de produire une stratégie, de planifier et exécuter des actions citoyennes pour une reconquête des cœurs des burkinabè.

L’incapacité de la direction du parti à dominer les émotions de l’échec, pour créer plus d’inspiration, de discernement, de vision et de stratégie, en vue d’une nouvelle dynamique pour éviter une déconfiture complète du parti est certaine.

A propos François MITTERAND disait « La pire erreur n’est pas dans l’échec, mais dans incapacité de dominer l’échec ». Ainsi nous réalisons que le grand ennemi de la loi, de l’ordre, du développement et du vivre ensemble est l’infirmité mentale dont souffrent la plupart de nos hommes politiques et intellectuels, sonnant leur culpabilité commune face à la montée de l’incivisme, à la violence et à la dérive.

De ce fait, la situation que vit notre peuple n’indique pas l’échec d’un camp face à celui d’en face, ni une victoire d’un camp sur l’autre. Elle est simplement le résultat de l’échec de notre classe politique dans son ensemble pour avoir nié les vertus de notre culture et de nos traditions, notamment le dialogue, même si elle en fait régulièrement recourt auprès du Mogho Naaba Baongho chaque qu’elle a le dos au mur. Malheureusement, l’actuelle classe politique, à l’image de toto, ne se souvient de rien dès qu’elle quitte le palais royal.

C’ est pourquoi, nous, signataires de la présente, ayant constaté le silence bruyant des sages (les anciens comme on le appelle) face au vacarme insonore de la jeunesse et désarmés du fait que le silence noble est menacé par le silence de la médiocrité, les paroles nourricières profanées par des orateurs qui n’ont pas œuvré à ce que les vertus du langage intellectuel germent dans leurs âmes, décidons de :
- Suspendre notre participation à toute activité politique, le temps de reconstruire notre propre équilibre intérieur troublé par le fait que la politique ait perdu toute sa noblesse.
- Prendre du recul dans l’optique de contribuer par des actions citoyennes à une régénérescence morale de notre société, soigner le socle de la probité et de l’éthique, contribuer à l’édification d’une classe politique à visage plus humain.

Ouagadougou le 12 octobre 2015

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