Les 27 et 28 janvier, deux nouvelles attaques terroristes ont fait 14 morts. Dans le nord et l’est du Burkina Faso, la violence jihadiste ne cesse de croître. Pour cet éditorialiste burkinabé, le président Marc Roch doit accepter de négocier avec les groupes armés.
En limogeant le 24 janvier, lors d’un remaniement de guerre, les ministres chargés selon le livre [du philosophe français] Michel Foucault de “surveiller et punir”, en l’occurrence, ceux de la Défense et de la Sécurité, le président burkinabé Roch Kaboré a fait un réaménagement que bon nombre de Burkinabés jugeaient utile et salutaire. Les congédiés étaient taxés à tort ou à raison de flotter dans leurs habits de premiers sécurocrates du Burkina Faso [il a aussi limogé mi-janvier le chef d’État-major des armées].
Une semaine plus tôt, dans le nord du pays à Toéni, dix gendarmes tombaient sous des balles terroristes. Début janvier, toujours dans le Nord, à Yirgou, se déroulait un mini-pogrom [faisant au moins 49 morts]. Des événements gravissimes, les derniers en date, qui ont justifié ces changements dans le gouvernement.
Hélas, les terroristes ont souhaité une bienvenue sanglante aux deux nouveaux ministres, avec le massacre de dix civils à Sikiré [le 27 janvier] et le lendemain, de quatre soldats à Nassoumbou [deux villages du nord du pays].
“Ils ont tiré comme sur des lapins”
À Sikiré, les étals du marché étaient bondés, et soudain, l’enfer : des individus juchés sur des taxis-motos ont fait irruption et ont tiré comme sur des lapins. À Nassoumbou, une autre équipée sanglante. Après un combat sans merci d’une heure, les attaquants se rendaient maîtres de la caserne, et après razzias et autodafés, ils emportaient tout ce qui pouvait l’être.
Depuis plus d’un an maintenant, il ne se passe plus un jour sans que des soldats, gendarmes, policiers, chefs religieux ou de village n’aient la peau trouée de balles ou sautent sur des mines artisanales. Si quelques rares attaques sont revendiquées [notamment par les organisations jihadistes Ansaroul Islam et Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM)], la plupart d’entre elles sont muettes, gratuites et sans motivation apparente.
Que veulent ceux qui canardent les populations ? La possibilité de faire tranquillement des affaires comme sous Blaise Compaoré [au pouvoir depuis 1987, l’ex-président burkinabé avait été renversé par une révolte populaire en 2014], comme le laissent entendre certains ? [Depuis sa chute, les attaques terroristes ont fait plus de 285 morts.]
“Privilégier la diplomatie souterraine”
La réponse face à des ennemis qui attaquent, c’est la riposte. Et le gouvernement se démène comme un beau diable pour sauver les meubles [le 1er janvier, l’état d’urgence a été décrété dans 14 provinces burkinabées sur 45]. Pas question de laisser les fusils aux râteliers, il faut poursuivre la guerre contre ces ennemis invisibles.
Mais il faut également privilégier la diplomatie souterraine. C’est une recette à essayer au lieu de godiller toujours entre fermeté inefficace, naïveté et résignation. Il faut négocier. Hors caméras, hors micro et même hors les circuits traditionnels de la diplomatie !
Qu’est-ce que Blaise Compaoré faisait pour que le Burkina Faso soit préservé de cette guerre asymétrique ? “Il avait vendu le pays”, répondent cyniquement certains. [L’ex-président était soupçonné d’entretenir des liens privilégiés avec les groupes terroristes. En échange, ces derniers auraient préservé le Burkina Faso de leurs attaques qui frappent les pays voisins.] Pourtant ce monsieur a commis des erreurs, mais dans ce domaine-là, il était loin d’être idiot !
Éteindre le feu au nord et à l’est
Qu’on se comprenne bien : il n’est pas question de compromissions, ni “de vendre le Burkina” au plus offrant, ni de faire du Burkina le terreau de trafics illicites. Quand on négocie, on finit toujours par s’entendre. Qu’est-ce que chacun mettra sur la table ? Tout cela reste à discuter.
Un président de la République est comme un chef de famille : il fait ce qui est humainement possible, pour que la marmite boue, que les enfants aillent à l’école, soient soignés, aient un lieu pour dormir. Idem pour le président du Burkina qui est le papa des dix-neuf millions de Burkinabés.
Roch Kaboré doit mettre en branle cette chorégraphie du dialogue parallèle pour éteindre ce feu qui brûle le septentrion burkinabé, a gagné l’est et se propage dans d’autres régions. Sans pour autant arrêter d’armer les troupes et d’étoffer le renseignement.
Le risque d’une “guerre éreintante”
Le Tchad connaît les mêmes attaques, mais très souvent, ses guerriers assènent des coups durs aux assaillants. La Mauritanie, bien que très exposée territorialement avec un grand désert sablonneux, a résolu le problème du terrorisme par la canonnière, mais aussi par cette diplomatie de pénombre. Pas d’acte djihadiste depuis onze ans, à tel point que le train du désert mauritanien a recommencé à siffler avec des touristes blancs.
Par contre, au Burkina Faso, qui ne change pas de méthode, les Forces de défense et de sécurité sont décimées !
Négocier n’est pas un signe de faiblesse, mais entre un accord a minima et ces macchabées qu’on ramasse chaque jour, le choix ne se discute guère. Même des pays très développés usent de ce subterfuge diplomatique pour souffler un peu !