Irruption des GSP au domicile du Ministre Bagoro: il aurait « pris le mur pour se retrouver chez son voisin » Avocat

Depuis le 22 octobre 2018, les Agents de la Garde de Sécurité Pénitentiaire (GSP) observent un mot d’ordre de grève à la demande de leur syndicat pour réclamer simplement l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie.

Quoi de plus normal dans un Etat de Droit où la liberté syndicale est garantie par la Constitution. Les revendications de ces agents, qui exercent leur profession dans des conditions difficiles à l’instar des autres corps habillés sont entre autres :

–       La reconstitution de leur carrière parce qu’il est inéquitable et injuste qu’un jeune agent qui vient de prendre ses fonctions perçoive la même rémunération qu’un agent qui totalise plusieurs années de service. Il est donc normal que justice leur soit rendue sans aucune tergiversation politique ne serait-ce que pour éviter les frustrations inutiles entre les jeunes agents et leurs supérieurs hiérarchiques. 

–       La dotation en matériels spécifiques, roulants et de communication : Il suffit de voir les infrastructures lamentables, sinon l’absence chronique dans ces différentes administrations de la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO) et celles des Provinces pour le croire même si la prison n’est pas un lieu banal où tout le monde y a accès. Il faut le voir pour y croire ;

C’est dans ces circonstances d’austérité, pour ne pas dire de parents pauvres des corps habillés que lors de ce mouvement de grève, des éléments de la Brigade d’Intervention Rapide de la Garde de Sécurité Pénitentiaire (BIRGSP) ont fait une descente musclée le jeudi 1er novembre au domicile de leur Ministre de Tutelle, Monsieur Réné Essolé BAGORO, Garde Des Sceaux, Ministre de la Justice, et se sont simplement contentés de désarmer les éléments en faction, a-t-on appris de plusieurs sources.

Radio Oméga nous apprend même, selon un membre du syndicat que cette irruption au domicile du Ministre s’inscrit en droite ligne de leur manifestation.

Le Garde des Sceaux qui aurait cru que ces éléments venaient à sa recherche aurait « pris le mur pour se retrouver chez son voisin » ; Est-ce vrai ? En tout cas cela augure d’une grève dure tellement les grévistes sont convaincus de la justesse de leur plate-forme revendicative. Ils méritent donc d’être soutenus et encouragés car c’est cette solidarité qui mérite d’être magnifiée et pas une quelconque gloriole.

Mais au-delà de ce fait divers banal avéré ou non d’un Ministre qui se retrouve inopinément chez son voisin, suite à ce mouvement d’humeur marqué par cette irruption inopinée au domicile du Ministre, ce sont les conditions de travail difficile de ces fonctionnaires de la Garde de Sécurité Pénitentiaire qu’il faut mettre en exergue et surtout, s’interroger comment, dans un Etat de droit, leurs revendications qui sont sans conteste légitimes, ne sont pas immédiatement satisfaites, causant ainsi un lourd et grave préjudice à la continuité du service public de la justice ? En effet, les GSP, commis au service de présentations des personnes incarcérées devant les différentes juridictions, soit d’instruction, soit de jugement, ne l’assurent plus pour faits de grève. Même le cas de Madame Safiatou LOPEZ, qui relève normalement de la justice militaire est impacté par ce mouvement de la Garde de Sécurité Pénitentiaire. En effet, prévue pour être entendue le 25 Octobre 2018 en audience de confrontation, cette audience  n’a pu se tenir pour défaut d’extraction de Madame Safiatou LOPEZ qui croupît depuis plusieurs mois à la MACO alors même que son extraction devait se faire par les Militaires de la Maison d’Arrêt et de Correction des Armées (MACA) ;

Pourquoi donc les Militaires de la MACA ne sont pas allés extraire Madame Safiatou LOPEZ ? Et pourquoi Madame Minata GUELWARE est privée de ses audiences devant le Tribunal Militaire sans que personne ne tape du poing sur la table ? Encore un dysfonctionnement de plus ! Mais certainement pas imputable aux grévistes.

Quoi qu’il en soit, et au-delà de ce dysfonctionnement inacceptable et inexcusable, il convient de s’appesantir sur les difficultés rencontrées par les GSP dans leurs missions quotidiennes à la MACO, dans les juridictions et sur leurs lieux de garde de certaines autorités, lesquelles difficultés ne sont que le fidèle reflet des difficultés rencontrées par les personnes incarcérées.

En premier lieu, le quartier des femmes : Je me demande si notre Ministre de la Justice ou notre Premier Ministre ont déjà mis les pieds dans les cellules des femmes à la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO). N’en parlons pas des autres maisons d’Arrêt et de Correction des Régions ou des Provinces !

C’est une extrême désolation et un chaos indescriptible !!! 25 femmes par cellule toutes couchées à même le sol…sans aucune considération humaine, n’en parlons pas de grade… Je vous laisse deviner… Des femmes incarcérées avec leurs enfants dont la plus jeune a 5 mois et est actuellement malade, la liberté provisoire ayant été refusée à sa mère qui n’est pas l’auteur de l’infraction pour laquelle elle est incarcérée. Pour étancher ma soif de pleurer, ou d’être en colère, j’ai ramené de France des vêtements pour ses femmes pour leurs enfants…Mais ces quelques vêtements peuvent-ils suffire à combler la souffrance des femmes-mères de la MACO ou des femmes incarcérées tout court. Certainement pas. C’est donc une honte nationale pour notre pays. J’invite même les journalistes à faire un reportage sur ce phénomène social au lieu de suivre les hommes politiques dans leurs déplacements coûteux et ruineux pour le budget de l’Etat alors que l’essentiel pour ne pas dire le minimum n’est pas réalisé.

La situation humanitaire est pire dans les quartiers des hommes, leur sort est simplement indescriptible, des « cadavres ambulants », car une puanteur indescriptible vous traverse l’estomac si vous passez juste devant les guichets des cellules. Qu’en est-il pour ceux qui y vivent 24H/24 ? C’est un champ de bataille… ! Dans ces circonstances, on comprend assez facilement que certains hommes politiques du moment songent à inventer des infractions imaginaires pour envoyer leurs adversaires de tout genre en prison….Ce que je dis est dur à lire, mais il faut le dire pour espérer un changement n’en déplaise aux décideurs du moment.

En second lieu, le Centre de soins de la Maison d’Arrêt : Il ne dispose d’aucun ordinateur, d’aucun poste de santé avancé pour les urgences, d’aucun défibrillateur, autant ne pas faire une crise cardiaque dans cette prison, sinon, c’est la mort assurée. Le dispensaire de mon village de LOANGA est plus équipé que ce pseudo centre de soins de la MACO où souvent, les infirmiers sont impuissants devant tant de souffrances humaines. Certes la prison n’est pas faite pour plaire ou pour être un lieu de villégiature.

Par contre, la Prison n’est pas non plus la fin des droits élémentaires à la vie, au respect de la dignité humaine, aux soins, et tout le reste…qu’un être humain doit pouvoir bénéficier quel que soit son péché.

En troisième lieu, les conditions de travail des agents de la Garde de Service Pénitentiaire est lamentable et le mot est faible : Aucune infrastructure minimale de bureautique, ni ordinateur en nombre suffisant, ni téléphone vulgarisé, ni bureau de travail adéquat et encore moins des salaires raisonnables. N’en parlons pas des murs des bureaux, des toilettes, et des parloirs ouverts à tout vent où aucune intimité ni secret de la procédure ne sont respectés. Quant aux salaires des agents, autant dire en rappel que l’avancement est inexistant puisque les nouveaux agents disposent pratiquement des mêmes revenus que les anciens qui totalisent plusieurs années de service de plus.

Au lieu de se battre pour ces agents courageux, lors de ce mouvement de grève, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Monsieur René BAGORO car c’est de lui qu’il s’agit (on serait même tenté de dire Ministre de l’injustice tellement la souffrance des femmes et de leur bébé est insensible à son institution et mérite qu’on oppose une colère noire) n’a eu que pour seul réflexe de rédiger une note de service pour, à peine voilée, menacer les agents de reprendre le service sous peine de voir leurs salaires coupés. Quand même ! Monsieur Le Ministre, ayez un minimum de compassion pour ces agents en grande souffrance !

On marche véritablement sur la tête et les autorités de notre pays doivent, au lieu de penser à des plans machiavéliques pour inventer des infractions imaginaires et porter ainsi atteinte à la liberté d’expression d’honnêtes citoyens faire mieux, en mettant à contribution leurs intelligences conjuguées pour trouver des voies et moyens et tenté de résoudre les problèmes sociaux, notamment de cette catégorie particulière de déshérités des GSP, partie prenante de notre administration.

C’est ensemble, d’une part, dans la critique constructive que nous arriverons à régler nos différends sociaux et pas, d’autre part certainement dans le mépris et la haine de l’autre. Le dire par écrit pour la postérité est un signe visible de la volonté effrénée d’un citoyen honnête d’exprimer son opinion en application des dispositions de l’article 8 de la Constitution.

C’est, enfin, la reconnaissance et la gratitude méritées des Directeurs de maison d’arrêt, de tous leurs agents de la Garde de Sécurité Pénitentiaire de la MACO et de toutes les Régions du Burkina Faso qui, en dépit de leurs difficultés existentielles, continuent d’exercer leur profession comme un sacerdoce en gardant le sourire et la bonne humeur pendant nos quelques heures de visite au sein de ces Maisons d’arrêt pour lesquelles, gageons que pour l’avenir elles seront, un jour, une institution où la dignité humaine sera respectée, tant pour les fonctionnaires de la Garde de Sécurité Pénitentiaire que pour les pensionnaires quelle que soit la gravité de ce qui sera reproché.

Paul Kéré

Docteur en Droit

Avocat à la Cour

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