La Cour de cassation a-t-elle, comme certains organes de presse français l’ont affirmé, « validé » l’extradition de Paul François Compaoré sollicitée par le Burkina Faso ?
Une réponse négative s’impose pour trois raisons.
1/ La question prioritaire de constitutionnalité présentée par Paul François COMPAORÉ n’a pas été transmise au Conseil constitutionnel. Il n’appartient pas au requérant de critiquer les motifs de cette non transmission ; mais la même question, et sans doute une question complémentaire, seront présentées devant le Conseil d’Etat, qui sera libre de saisir le Conseil constitutionnel pour qu’évolue enfin ce texte désuet qu’est la loi du 10 mars 1927.
Paul François COMPAORÉ et ses conseils se battront pour que la juridiction constitutionnelle française se prononce. Si la loi est déclarée contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, la procédure intéressant Paul François COMPAORÉ sera privée de fondement légal.
2/ Le pourvoi en cassation de Paul François COMPAORÉ a été rejeté ; la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi refusé d’élargir son office en la matière et a maintenu un contrôle restreint de la procédure. Cet arrêt de rejet relève malgré tout que la chambre de l’instruction a commis une erreur dans son analyse de la régularité du mandat d’arrêt. Et la position de la Cour de cassation ne préjuge en rien de celle du Conseil d’Etat.
3/ Comme le souligne la Cour de cassation dans l’un de ses deux arrêts rendus aujourd’hui, et conformément à l’article 696-18 du code pénal français, aucune extradition ne peut intervenir sans décret du Premier ministre, lui-même soumis au contrôle du Conseil d’Etat. La juridiction suprême de l’ordre administratif exerce un contrôle entier et beaucoup plus approfondi sur les conditions légales de l’extradition, notamment en ce qui concerne le mobile politique, la qualification des faits, l’existence d’un procès équitable dans le pays demandeur et le respect des droits fondamentaux. Paul François COMPAORÉ est en mesure de faire valoir sur ces derniers points des moyens fondés qui feront nécessairement échec à toute mesure d’extradition : dossier d’incrimination vide de tout élément sérieux, mobile purement politique, absence d’inculpation, mandat d’arrêt irrégulier, faux documents créés pour l’occasion, violation de la condition de double incrimination, absence de garanties suffisantes relative à une éventuelle détention, atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, etc… Tous ces points devront être jugés, à supposer qu’un décret intervienne.
La validation définitive de l’extradition sollicitée par le Burkina Faso est donc encore très loin d’être acquise.
François-Henri BRIARD
Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation