Services payés de la police nationale: un rapport accablant

A propos de la répartition inéquitable des revenus des services payés par les institutions financières, hôtelières et sociétés minières, les faits ont fini par donner raison aux policiers mécontents. Même le ministre de la Sécurité, Simon Compaoré, confesse en ces termes: «Les plaintes des policiers protestataires étaient justifiées, mais ne justifiaient pas l’indiscipline qui nous a été donnée de constater».
Cette confession du premier des flics est basée sur les révélations du rapport d’investigation qu’il a lui-même commandité à l’équipe de l’inspecteur général des services, Saïdou Zitenga. Ce travail jugé de qualité par l’ancien bourgmestre de la capitale a concerné 166 structures issues de toutes les 13 directions régionales de la police. 4 semaines ont été nécessaires pour passer en revue 14 mois de gestion des revenus de ces services payés. Le rapport révèle de nombreux dysfonctionnements sur le terrain. En plus, les faits sont simplement accablants pour la hiérarchie policière.

178 sociétés versent de l’argent sans base légale à la police.

Pour preuve, sur 408 institutions financières et hôtelières sécurisées, 232 ont des contrats formellement établis, 82 ont des contrats partiellement signés et 174 n’ont pas de contrat. Au niveau des sociétés minières, la situation n’est guère meilleure. Sur 14 sociétés minières auxquelles la sécurité prête son concours à travers la sécurisation des sites miniers et l’escorte, 10 d’entre elles ont des contrats conformes signés par les DRPN et les 4 autres n’en possèdent pas.

Ces sociétés minières payent de gros montants pour lesquels certains contrats sont signés à l’insu-même de la direction générale de la police nationale. Le cas le plus emblématique est celui de la direction régionale de police de la Boucle du Mouhoun, à travers la CRS/Dédougou, qui a perçu à elle seule 254.218.000 FCFA de la Semafo Burkina et de Mana Mineral. Sur instruction du ministère de la Sécurité, la mine de Pourra, ex- Soremib, verse à la CRS/Dédougou 13.068.000 F CFA sans contrat. Il faut aussi savoir qu’Essakane paye à l’Etat pour les services payés la somme de 89.600.000 FCFA, Nantou Mining 60.197.000 FCFA, Bissa Gold 48.595.000 FCFA… La CRS/Ouaga a engrangé plus de 259 millions dont 14 millions non justifiés.

Sur 14 sociétés minières auxquelles la sécurité prête son concours à travers la sécurisation des sites miniers et l’escorte, 10 d’entre elles ont des contrats conformes signés par les DRPN et les 4 autres n’en possèdent pas.

28 haut-gradés empochent la part du loup.

Ces malversations financières, selon le rapport, ont fait perdre au budget de l’Etat plus de 2.166.877.541 FCFA (de janvier 2016 à février 2017). 74% de cette somme sont alloués au personnel de la police et 25% au fonctionnement. Mais une partie de ces milliards va malheureusement dans la poche de quelques «patrons» de la police nationale.

C’est ainsi que rien que sur les prélèvements faits sur les sociétés minières, 28 haut-gradés de la police burkinabè ont empoché à eux seuls 131 millions de FCFA en 14 mois seulement. Sur cette liste, on tombe des nues en constatant que le directeur général de la police nationale a reçu 22.105.000 FCFA, son adjoint 14.470.000 FCFA, le directeur de la sécurité publique 19.320.000 FCFA, le directeur des unités d’intervention 10.675.000 FCFA, les directeurs régionaux de la police du Sahel, du Centre, du Nord, du Plateau central, des Cascades, du Sud- Ouest, du Centre-Ouest ont empoché 13.375.000 FCFA… (Voir tableau).

En plus, la police de Ouagadougou envoie 5% de ses recettes à la hiérarchie policière. Cet argent est réparti de la façon suivante: le DG de la police nationale 4.450.000 FCFA, le DG adjoint 1.650.000 FCFA, le directeur de la police judiciaire, le directeur de la sécurité publique, la directrice du personnel et le directeur de la sûreté de l’Etat reçoivent chacun 650.000 FCFA.

Sur les prélèvements faits sur les sociétés minières, 28 haut-gradés de la police burkinabè ont empoché à eux seuls 131 millions de FCFA en 14 mois.
Le décret de 1978 portant services payés sera relu
Malheureusement, toutes ces failles ont une tare congénitale: c’est le décret qui porte fonctionnement des services payés datant de 1978. Ce décret ne prévoit pas exactement la part qui revient au fonctionnement et la part réservée au personnel. Cette confusion du texte réglementaire est largement abusée par la hiérarchie policière pour justifier les dépenses irrégulières.

Elle abuse des failles de la modification en 2011 d’un article du décret qui prévoit les «frais de gestion» et «action psychologique» pour justifier les dépenses. Pour y remédier, le rapport a fait à l’intention des décideurs politiques 17 recommandations. Les plus importantes sont: rendre public les contrats, faire désormais des achats en respectant l’orthodoxie financière, nommer des régisseurs spécialisés dans la gestion financière, plus de chèque libellé au nom d’individus, affecter les services payés aux sociétés privées, faire des compte-rendus périodiques à la hiérarchie.

L'économiste du Faso

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