Terrorisme au Burkina : 118 décès dont 48 éléments des forces armées et 70 civils depuis 2015

Devant les députés ce lundi 17 Septembre 2018 le Premier ministre Paul Kaba Thiéba a fait un exposé sur la situation sécurité au Burkina Faso. De 2015 au 15 septembre 2018, au compte du terrorisme, le Premier ministre Paul Kaba Thiéba a déclaré un bilan de 118 décès dont 48 éléments des forces armées et 70 civils, tous Burkinabè. Nous vous proposons le discours prononcé par le chef du gouvernement devant les députés

Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale Messieurs les ministres Honorables Députés

C’est un honneur pour moi que de prendre la parole ce matin pour rendre compte à la représentation nationale de la situation sécuritaire du pays.
Comme vous le savez tous, la situation sécuritaire de notre pays s’est considérablement dégradée depuis le début de cette année 2018. 
Il s’agit sans doute d’une guerre injuste imposée à notre peuple engagée dans la lutte pour l’éradication de la pauvreté.

Mais, puisqu’elle nous est imposée, nous allons défendre chaque pouce de notre territoire national, assurer la sécurité des burkinabè et de leurs biens ainsi que les valeurs qui fondent notre vivre ensemble, la liberté, la démocratie, l’égalité et la justice.

Nous avons malheureusement déploré des victimes :Le bilan des attaques terroristes de 2015 au 15 septembre 2018 se présente comme suit :
Un total de 118 décès sont à déplorer parmi lesquels on compte 48 au sein des forces de défense et de sécurité (FDS) (42 militaires et 06 paramilitaires) et 70 civils.
Pour cette année 2018 et du 1er janvier au 15 septembre on dénombre 69 victimes dont 31 parmi les FDS (25 militaires et 06 paramilitaires) et 38 civils.
Ce bilan humain de 69 victimes sur une période de huit (08) mois et demi qui représente plus de 50 % du bilan total depuis 2015, traduit le caractère préoccupant de la situation sécuritaire du moment.

A cet égard, je voudrais au nom du Gouvernement, exprimer ma compassion pour les victimes civiles innocentes et ma fierté pour les soldats morts au combat pour la défense de la patrie. Le Gouvernement souhaite un bon et prompt rétablissement aux blessés et assure les familles de toutes les victimes de notre profonde compassion et de la solidarité de toute la nation.

A la mémoire de toutes les victimes civiles et militaires, je vous invite à observer une minute de silence.
Je vous remercie.

Honorables députés

Pour cette année 2018, outre l’attaque du 2 mars à Ouagadougou, les attaques ont dépassé le cadre de la région du Sahel pour toucher le sud ouest et surtout l’est de notre pays.

En plus des menaces déjà connues dans les autres régions du pays, on note des tentatives d’implantation de Groupes Armées Terroristes (GAT) dans la région de l’Est. Tout laisse croire que des groupes terroristes tentent de s’implanterdans la région de l’Est au vu des différents évènements enregistrés dans cette région.

Ce regain d’activisme des Groupes Armés Terroristes se conjugue avec une évolution de leurs modes opératoires qui exige une adaptation de notre politique de défense et de notre dispositif sécuritaire au niveau national. 
En effet, les actes terroristes enregistrés se focalisent désormais sur les symboles de l’Etat, sur les institutions, les représentants des Forces de Défense et de Sécurité, les agents, des Douanes, des eaux et Forêts, de la Police nationale, les écoles, les bureaux de l’administration déconcentrée etc….

Ces différentes actions terroristes ont pour conséquences :

 La perturbation des activités socio- économiques 
 La perturbation des activités éducatives ;
 La psychose au sein des populations et des administrations locales ;
Le déplacement des populations.

Toutes ces attaques visent à saper le moral des Forces de Défense et de Sécurité, à saper l’unité nationale et la cohésion des burkinabè et à affaiblir les institutions démocratiques à des fins inavouées.

Au vu de ces faits et de l’évolution des modes opératoires sophistiqués, nous devons avoir la lucidité de reconnaitre que notre pays est victime d’une tentative de déstabilisation.
Certes, le contexte sécuritaire sous régional n’est pas négligeable dans l’appréciation de la situation, mais, je pense que la responsabilité nous incombe d’apprécier les faits à notre pays avec courage et lucidité en vue d’y faire face.

Honorables députés, notre patrie est attaquée…

1. SITUATION DANS LES DIFFERENTES REGIONS

Initialement limitée au septentrion burkinabé, la menace terroriste s’est progressivement étendue vers d’autres régions du pays singulièrement à l’Est et au Sud Ouest.
Ainsi, la situation de la menace dans les différentes régions se présente comme suit :

Situation au Nord

Le nord du pays demeure toujours une zone de préoccupation majeure en dépit d’une relative accalmie sur le plan sécuritaire.
Les activités des groupes armés consistent en des prêches subversifs, des intimidations des populations, des attaques contre des postes des FDS et des actions ciblées comme les enlèvements et les assassinats.

La zone reste sous influence de ANSAROUL ISLAM particulièrement dans le Soum et d’autres groupes de bandits (ex. des frères Boly, …) et de trafiquants.

Dans cette zone, on note une forte connexion du groupe ANSAROUL ISLAM avec certains groupes basés au Mali tels que le Front de Libération du Macina(FLM), le groupe 3A (AL Mansour Ag Alkassam), l’Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM).

Depuis le début de cette année on a enregistré les incidents majeurs suivants au nord :

• des incursions et menaces et prêches extrémistes dans des villages ;
• des assassinats ciblés ;
• des enlèvements ;
• des attaques de postes de police ;
• des incendies d’écoles ;
• des attaques contre des patrouilles des Fores de Défense et de Sécurité.

Situation au Centre

Cette partie du pays, notamment la capitale Ouagadougou, reste sous la menace permanente des attentats. Après les attentats de CAPPUCINO en 2016 et du café Aziz ISTANBUL en 2017, OUAGADOUGOU a été en ce premier trimestre 2018 une nouvelle fois frappé par un double attentat meurtrier du 02 mars 2018 contre le site de l’Etat-major Général des Armées et l’Ambassade de France.

A la différence des deux précédentes attaques, l’attaque du 02 mars 2018 a visé une enceinte diplomatique et un site militaire. La nature de ces cibles apporte une nouvelle lecture à la stratégie des groupes terroristes qui semblent désormais prêts à s’attaquer à des cibles à haute valeur stratégique et médiatique.

La neutralisation d’un groupe de terroriste le 22 mai 2018 dans le quartier Rayongo à la périphérie de Ouagadougou, porte à croire à l’existence de cellules dormantes dans la capitale.

Situation à l’Ouest

Après les séries d’attaques contre des brigades de gendarmerie et des postes de police en 2017, la région connaît un climat relativement calme depuis le début de cette année 2018.

Situation au Sud-Ouest

La situation sécuritaire dans cette zone est marquée par les récentes attaques perpétrées contre les postes de Police de Galgouli dans le Poni et de Douane de Batié dans le Noumbiel au cours du mois d’août. 
On note également des cas d’actes de banditisme armé et une insécurité liée principalement aux activités d’orpaillage.
Au niveau de la frontière avec le Ghana, le Togo et le Bénin, on ne note pas d’actes terroristes révélés. Cependant, des trafics et des actes de braquage et de banditisme sont régulièrement signalés.

Situation à l’Est

En 2015, cette région, notamment la forêt du parc W a connu une tentative d’implantation de groupes terroristes. Celle-ci a été mise en hibernation face aux différentes opérations menées dans le cadre de l’opération Tapoa. Cependant depuis le début de l’année 2018 la situation sécuritaire dans cette zone se révèle préoccupante au regard de la recrudescence des attaques terroristes. En effet, les localités de Natiaboani, Foutouri, Matiacoali, Nassougou, Pama, Gayeri et le parc d’Arly ont été des cibles régulières d’actes ou d’attaques terroristes. 
Ces attaques et incidents à répétition, confirment la présence de groupes terroristes dans cette zone.

Les incidents majeurs suivants ont été enregistrés à l’Est depuis février 2018 :

 Attaque par Engins Explosifs Improvisés (EEI) :03 
 Attaque contre les symboles de l’Etat (préfecture, mairie):03
 Attaque contre des Brigades de Gendarmerie : 04
 Attaque contre des Postes de Police : 01
 Attaque contre des Postes forestier : 04
 Attaque de campements de chasse : 04
 Autres attaques (ONASER, patrouille de FDS) :03

Ce regain d’activisme à l’Est a causé la mort de 15 militaires, 03 paramilitaires et 05 civils et 19 blessés en plus d’importants dégâts matériels notamment sur des infrastructures, des moyens roulants et autres.
Les groupes armés se sont illustrés par l’utilisation de techniques et de procédés dont la fréquence et la localisation prouvent qu’ils ont acquis une certaine expertise et une liberté d’action.

A une menace terroriste essentiellement limitée dans le septentrion burkinabé et principalement dans le SOUM, s’est substituée une menace beaucoup plus générale qui s’est étendue vers d’autres régions.
L’attentat du 02 mars 2018 revendiqué par le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) confirme la volonté des groupes terroristes de s’attaquer à des symboles forts dans le but de semer davantage de terreur et de décrédibiliser les forces armées.

La multiplication des attaques sur plusieurs fronts traduit l’intention des forces du mal à étendre leur emprise sur l’ensemble du territoire national.
Face à cette situation d’insécurité inquiétante, plusieurs approches militaires et non militaires sont entreprises pour faire face de façon intégrée à la question du terrorisme et des autres défis sécuritaires auxquels le pays est confronté.

2. MESURES PRISES

Les Forces Armées Nationales sont engagées depuis 2012 sur le front de la lutte contre le terrorisme. A côté des opérations purement militaires de sécurisation du territoire national, un accent est mis sur les Actions Civilo-Militaires et la sensibilisation de la troupe au respect des principes du Droit International Humanitaire (DIH) et des droits de l’homme au cours des différentes opérations militaires.

Un effort particulier est fait en ce qui concerne le renforcement des capacités opérationnelles à travers l’équipement, l’entraînement ainsi que la formation des unités d’élite et de forces spéciales.

Dans le cadre de la sécurisation du territoire national, plusieurs opérations sont conduites en interne et en coopération avec les pays voisins, dans le cadre d’organisation sous régionales telles que le G5 Sahel, et les partenaires stratégiques (ex : Force Barkhane).

Conformément au projet du concept d’opération de sécurisation du territoire national soumis pour validation par le Chef Suprême des Armées, le dispositif a été renforcé au Nord, au Centre et à l’Est. 
Des mesures sont également prises dans le cadre du renforcement de la protection des casernes et des autres points sensibles militaires.

3. CONTRAINTES ET LIMITES

Les difficultés majeures rencontrées sont de divers ordres.
Domaine Logistique

Les difficultés d’ordre logistique sont :
 Insuffisance de capacité d’appui feu aérien et renseignement 
 Insuffisance de moyens de transport aérien
 Insuffisance de moyens blindés (protection de la force) 
 Manque de capacité de surveillance et observation (drones militarisés, radars fixes et véhiculaires)

 Insuffisance des moyens de transmission
 Absence de mécanisme autonome d’évacuation sanitaire
Domaine opérationnel
Les limites dans le domaine opérationnel peuvent se résumer comme suit :
 Faiblesse relative du dispositif militaire territorial en fonction des zones de responsabilité des régions militaires et des attentes et sollicitudes diverses des populations

 Faible coopération civilo-militaire face à la menace
 Vulnérabilité des sites militaires (faible protection des détachements militaires et Brigades de gendarmerie)
 Faible capacité en renseignement opérationnel
 Capacité aérienne limitée (capacité de nuit, appui feu, héliportage
 Faible capacité de surveillance et d’observation terrestre 
Domaine financier

Au plan financier, on peut noter 
 L’absence de fonds dédiés au renseignement ;
 Le manque de provision budgétaire pérenne dédiée aux opérations

4. PERSPECTIVES

Sur le plan stratégique, le Président du Faso, Chef Suprême des Armées a convoqué le 8 septembre 2018, une réunion extraordinaire du Conseil Supérieur de la Défense Nationale. Au terme de cette importante session, des instructions ont été données pour prendre toutes les mesures, militaires, financières, etc. pour restaurer l’autorité de l’Etat et assurer la sécurité des institutions et des burkinabè.

A cet égard, le Président du Faso a décidé de réunir le Conseil Supérieur de la Défense Nationale toutes les deux semaines jusqu’à nouvel ordre.
Le Président a également donné des instructions pour la relecture rapide de la politique de Défense nationale qui date du 19 avril 2004, en vue de l’adapter à la nature de la menace.

Une approche globale face à la menace terroriste

Au regard du caractère asymétrique de la menace terroriste, l’action militaire ne saurait constituer l’unique réponse.

Par conséquent, la nécessité d’une approche globale et holistique dans la lutte contre ce fléau s’impose. C’est à ce titre que Programme d’Urgence pour le Sahel (PUS) a été conçu avec une enveloppe globale de plus de 450 milliards de FCFA. 
En outre, l’implication de toutes les composantes de la nation dans cette lutte est indispensable. 
Chaque burkinabè est concerné dans cette guerre patriotique contre nos ennemis qui cherchent à détruire notre pays, nos institutions et les valeurs sur lesquelles se fondent notre vivre ensemble.

CONCLUSION

La situation sécuritaire au Burkina Faso est préoccupante au regard des tentatives de déstabilisation de notre patrie.
La réorganisation du dispositif actuel en cours, le renforcement de la formation et de l’entrainement, l’acquisition de certains moyens supplémentaires de même que la prise en compte des actions non militaires contribueront à rassurer davantage les populations et à sécuriser le territoire.

L’élaboration et la mise en œuvre de la nouvelle politique de Défense nationale permettra d’élaborer des stratégies plus adaptées à la nature de la menace. 
La prise en charge des militaires blessés ou décédés en opérations dans le cadre de la sécurisation des personnes, des biens et du territoire ; contribuera à remonter/maintenir le moral des hommes, mis à rude épreuve par les récentes attaques.

La lutte contre le terrorisme et l’insécurité de façon générale passera par un engagement collectif de tous les patriotes, pour débusquer les terroristes, les traîtres et les mettre hors d’état de nuire.

 

 

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