Attaque terroriste du 2 mars : Le témoignage exclusif d’un officier

L’attaque terroriste contre l’Etat-major général des armées, le 2 mars 2018 à Ouagadougou reste vivace dans les esprits. Un an après cet acte barbare, un officier rescapé revient sur la chronologie des évènements. Témoignage exclusif !

L’une des pires attaques terroristes contre le Burkina Faso est sans doute celle perpétrée à l’Etat-major général des armées (EMGA), le 2 mars 2018. Perçue comme un « coup de poignard » au cœur du commandement, cette attaque a chamboulé les habitudes militaires. « Les dispositifs sécuritaires ont été revus, le renseignement peaufiné et les contrôles et surveillances dans les périmètres des casernes, renforcés », explique un haut gradé.

Cette funeste journée, un officier militaire, qui a requis l’anonymat, la voit défiler encore dans son esprit, un an après. Présent sur les lieux ce jour-là, il a survécu comme par miracle contrairement à d’autres frères d’armes. « Je participais à une réunion, ce jour-là, dans les locaux de l’Etat-major. Il était exactement 10h 02 minutes, lorsque les premiers coups de feu nous ont alerté depuis de la salle de réunion située au premier étage », se souvient-il.

L’officier affirme avoir aperçu, via les vitres des ouvertures, deux individus armés de kalachnikov sur une moto et un troisième dans une modeste voiture. Il dit avoir remarqué que les premiers tirs étaient dirigés contre la sentinelle, communément appelée la « garde » postée à l’entrée Sud du bâtiment. Les assaillants, raconte-t-il, ont neutralisé les éléments de faction, avant que l’un d’eux ne saute de la moto pour bousculer le portique de l’état-major.

A 10h 05 min, renchérit le témoin, le conducteur de la voiture s’est engouffré dans l’enceinte du bâtiment, jusqu’à se stationner au niveau de la salle de conférence N°1, précédemment retenue pour une réunion des officiers. De quelle réunion était-il question ? « Il s’agissait d’une importante concertation dont l’ordre du jour était axé sur le renseignement stratégique et l’opérationnel.

Nous étions 22 officiers militaires à prendre part à cette rencontre ce jour-là », explique le rescapé. L’EMGA étant un service administratif, les bureaux étaient, à l’heure de l’attaque, occupés par des militaires de tout grade, mais faiblement armés. « Beaucoup n’avaient que des pistolets automatiques sur eux », se souvient-il.

L’E X-CEMGA EXFILTRÉ À PIED

A 10h 08 min, rapporte l’officier rescapé, le véhicule conduit par le troisième assaillant explose, libérant une décharge équivalente à celle de « plusieurs bombes militaires de moyenne taille ». La déflagration a laissé au sol un cratère béant, et réduit la voiture en de petits morceaux de ferraille.

La salle N°1 a été aussi soufflée littéralement, à en croire l’homme de tenue. Les vitres des deux bâtiments jumelés du CEMGA sont également pulvérisées, les appareils numériques mis hors de services. L’onde de choc, indique-t-il, avait fait des dégâts dans un rayon plus de 50 mètres à la ronde. Profitant de l’explosion, rapporte le gradé, les trois terroristes ont commencé leur « ratissage assassin ».

A l’entendre, ils sont allés de couloir en couloir, communiquant entre eux dans un « dialecte peu connu », exécutant sommairement « toute âme sur leur chemin ». Les assaillants aspergeaient également les meubles de liquide inflammable et y mettaient le feu. Dans la salle de réunion, relate le témoin, les officiers se sont mis à couvert, tout en observant la situation. Les éclats de verre avaient fait des blessés parmi les officiers en réunion, mais chacun devrait contenir sa douleur le temps du contrôle de la situation.

Le rescapé a confié que l’ex- Chef d’Etat-major général des armées (CEMGA), le général de brigade, Oumarou Sadou, dans son bureau au moment des faits, a été exfiltré à pied par sa garde rapprochée en direction du camp Guillaume Ouédraogo situé à un jet de pierre. Dans les médias chauds (radio, télévision) et sur les réseaux sociaux, la nouvelle tourne en boucle. En plus de l’attaque contre l’Etat-major général, un autre a été dirigé au même moment contre l’ambassade de France au Burkina Faso.

« Du fait de l’alerte donnée par le renseignement quelques semaines plutôt et qui faisait état d’une éventuelle attaque terroriste à Ouagadougou, le commandement avait mis en place plusieurs piquets de sécurisation composés de la gendarmerie nationale, de la police, de l’armée de terre et de l’air. Mais à l’attaque de l’EMGA, ces unités étaient déjà mobilisées sur le site de l’ambassade de France », affirme notre source.

UNE INTERVENTION OPÉRATIONNELLE

Il a fallu donc attendre 10h 35 minutes pour voir le piquet de l’armée de terre qui était stationné au camp Sangoulé Lamizana, arriver sur les lieux et entreprendre la première riposte. Il sera vite rejoint par le deuxième piquet de l’Unité spéciale d’intervention de la gendarmerie nationale (USIGN), suivie de celui du Groupement central des armées (GCA). « Il faut savoir que ces unités sont surentrainées, formées et lourdement équipées pour ces types d’intervention », informe l’officier.

L’action coordonnée de ces unités spécialisées dans la lutte anti-terroriste, va permettre de neutraliser les assaillants et de libérer les otages. Les blessés sont vite transportés par les secours des sapeurs-pompiers vers les centres de soins. A 13h 00, les autorités sont arrivées sur le théâtre des opérations pour les constats d’usage, poursuit le rescapé.

Au total, l’attaque aura fait 8 militaires morts et 96 blessés dont 13 cas graves. A ce jour, foi de l’officier, les blessés ont recouvré la santé. Selon lui, les familles des victimes mortes ont été « aidées » à hauteur de 10 millions de francs CFA par défunt. Aussi, chaque veuve a reçu 3 millions de francs CFA, chaque enfant, 2 millions de francs CFA et 1,5 million de francs CFA pour chaque ascendant en vie (le père et la mère du défunt).

« Pour les engins endommagés ou calcinés, un forfait de 500 000 F CFA a été offert à chaque titulaire de moto », confie-t-il. En ce qui concerne les voitures, le remboursement été assuré à hauteur de 85% des réparations d’après le gradé. Ces dédommagements ont été possibles grâce au soutien financier de l’UEMOA au lendemain des attaques.

Wanlé Gérard COULIBALY

Sidwaya

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