Loropéni : 11 églises saccagées, des pasteurs déclarés persona non grata

La fronde contre l’Eglise protestante à Loropéni, après l’arrestation du Roi Gan et de sept notables, a finalement occasionné la destruction de 11 églises et des menaces sur des pasteurs, dans un climat toujours tendu. Retour sur des évènements qui mettent à mal, les efforts consentis de part et d’autre pour la cohésion sociale, dans cette commune située dans le Sud-Ouest du Burkina Faso.

L’après-midi du vendredi 17 avril et la journée du samedi 18 avril 2020 resteront gravés dans la mémoire des membres de la communauté de l’Eglise protestante évangélique du pays Gan.

En effet, des édifices de cette église ont été saccagés, des biens incendiés et des pasteurs pourchassés par des mécontents de l’arrestation du Roi Gan et de sept de ses notables dans la soirée du vendredi 17 avril 2020.

L’histoire a commencé selon des sources judiciaires, quand le Tribunal de grande instance de Gaoua a été informé courant début avril, du fait que deux groupes de personnes se disputent la dépouille d’une dame dans le secteur 4 de Loropéni.

Il s’agit des enfants de la défunte et la famille royale Gan de Obiré.

Convertie au protestantisme, la défunte (62ans) avait souhaité de son vivant, être enterrée après sa mort selon les préceptes chrétiens.

Mais pour la famille royale, la disparue est avant tout une princesse Gan et elle doit se reposer dans le caveau familial, après les rites Gan.

Face à ces incompréhensions, les autorités judiciaires ont invité les parties à s’entendre pour un règlement à l’amiable. Mais il n’y a pas eu de consensus.

Ainsi les enfants ont procédé à l’inhumation de leur mère, selon ses dernières volontés.

Considérant cette inhumation comme un affront, la famille royale a procédé à l’exhumation du corps qu’elle a ensuite enterrer selon ses coutumes.

L’acte de la cour royale est considéré par le Tribunal comme un fait punissable par la loi. De là, une enquête a été diligentée afin de situer les responsabilités. Ainsi, le roi Gan et sept de ses notables ont été arrêtés dans la soirée du vendredi 17 avril 2020.

Comme une trainée de poudre, la nouvelle s’est répandue. Et les mécontents de cette arrestation se sont attaqués aux édifices et à certains membres de l’Eglise protestante évangélique (EPE).

Ainsi des lieux de cultes et bâtiments annexes et divers matériels ont été détruits dans plusieurs localités où s’étend l’influence du peuple Gan.

Pour le procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Gaoua, Cheick Alpha Boubacar Compaoré, le roi Gan est accusé des faits de complicité de profanation de tombe et de violation de sépulture parce qu’il a ordonné l’exhumation d’un corps. Quant aux sept autres, ils sont accusés de profanation de tombe et violation de sépulture.

Ces faits constituent des fautes punies par la loi au Burkina Faso. Le procureur a ajouté que les personnes concernées avaient reconnu les faits qui leur sont reprochés, tout en donnant des justifications coutumières de leurs actes.

Par ailleurs, il a invité les coutumiers à conformer leurs pratiques à la loi, afin d’éviter les conflits et les affrontements.

Dans ce climat de destruction et de menaces, les pasteurs et leurs familles vivent dans la peur. C’est pourquoi ils ont abandonné leurs églises en ruine pour se réfugier dans des lieux sûr.Cela est confirmé par le pasteur de l’Eglise protestante évangélique central de Loropéni, Fadona Emmanuel Farama.

Selon lui, ce n’est pas la première fois qu’il y a des disputes entre les deux communautés autour d’un corps.

Il donne en exemple le corps d’une jeune fille inhumé par les protestants en 2007, puis exhumé et enterré de nouveau traditionnellement.

Le pasteur Farama explique que quand la nouvelle de l’arrestation des 8 personnes est parvenue dans la localité, l’église de Obiré a été saccagée et le pasteur pourchassé.

«Il a échappé aux agressions et sa famille a été extirpée par l’aide de certains fidèles» a-t-il déclaré.

Il ajoute que plus de onze églises se trouvant sur les terres du peuple Gan, ont subi des actes de vandalisme.

Vue la situation et les rumeurs qui circulent, M. Farama estime que la communauté chrétienne Gan est menacée.

Pour ce qui est de l’ampleur et du coût des dégâts, ils n’ont pas été encore évalués par les victimes. Mais à Obiré et au secteur 4 de Loropéni, tout est quasiment à reconstruire.

Le Roi Gan jouit depuis samedi matin d’une demande de permission accordée par la justice pour lui permettre de calmer les esprits.

Lundi, il a accordé une audience à l’AIB dans son palais à Obiré. Il n’a pas souhaité faire de commentaire sur l’affaire car elle est pendante devant la justice.

Toutefois, le Roi a appelé le peuple Gan au calme et a souhaité que l’affaire se résolve dans la concertation.

Le préfet du département de Loropéni, Anselme Auguste Lalbila Ouédraogo s’est également investi pour le retour au calme.

Il soutient que dans sa démarche, certains acteurs ont prêté une oreille attentive et que par contre, d’autres ont agi selon leur colère.

Le procès qui devrait avoir lieu ce mardi a été reporté au 28 avril 2020.

Agence d’information du Burkina

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